La défense des futurs refoulés du Covidcheck s'organise
Un collectif d'une trentaine d'avocats franco-luxembourgeois est prêt à ester en justice pour dénoncer la loi qui amènerait des salariés à être exclus de leur travail en l'absence d'un pass vaccinal valide.
Les cafetiers pourraient eux aussi devoir répondre de leur éventuel refus d'accueillir un client... © PHOTO: AFP
Plus le 15 janvier approche, et plus Anthony Winkel prédit... des averses. Une pluie de plaintes en justice plus précisément. Et si l'avocat, inscrit au barreau de Luxembourg, tient ce pronostic c'est parce que lui et nombre de ses confrères considèrent la mise en oeuvre du nouveau dispositif CovidCheck en milieu professionnel comme un bien sombre nuage. «Il faut donc s'attendre à voir se multiplier les actions devant les juridictions, au pénal comme auprès des instances administratives», estime le professionnel du droit.
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Et d'être plus précis : «Il n'y a pas que les employeurs qui ont à craindre des actions en justice contre leur décision de repousser tel ou tel personnel qui ne pourrait présenter un pass certifiant de son état testé négatif, guéri ou vacciné; les patrons de restaurants ou les cafetiers qui auraient à repousser des clients doivent eux aussi tendre le dos».
Aux côtés de Me Winkel, une trentaine d'avocats et de juristes ont ainsi choisi de se rassembler au sein d'un comité pour défendre les intérêts de celles et ceux qui viendraient à subir les effets du durcissement du pass sanitaire. Cela au Grand-Duché comme dans le Grand Est d'ailleurs.
Suspensions contestables
Ainsi est né le collectif Astree (Avocats en Soutien devant les Tribunaux pour le Respect et l'Egalité du droit). Ses membres estiment que «les lois covid telles que votées enfreignent des textes supérieurs, notamment en subordonnant une prise de poste à un état de santé par la seule volonté du recruteur». Il y aurait donc là matière à ester en justice, et éventuellement dédouaner leurs clients de toute mise à l'écart de leur emploi ou d'accès à une activité y compris de loisirs. Déclaration des droits de l'homme, droit européen, textes régissant les libertés individuelles ou en matière d'accès à l'emploi, le collectif est persuadé que les suspensions ou exclusions imposées dans telle situation, ou telle prise de congés exigée sont plus que contestables.
«Nous ne sommes pas des avocats anti-vax», précise au passage Me Winkel au nom de ses collègues inscrits aussi bien au Luxembourg qu'au barreau de Thionville, Metz, Nancy, Epinal ou Strasbourg. «Par contre, le poids excessif des décisions prises au nom du pass sanitaire pose problème. Même si les députés ont voté les textes et que le Conseil d'Etat les a validés, il y a matière à redire. Certaines mesures relèvent de la discrimination pure et simple, voire de l'extorsion quand il est exigé d'un particulier à faire montre de tel ou tel document pour être admis à son poste.»
Pour six semaines
Telle que votée, la 24e loi Covid implique la mise en place du régime 3G du CovidCheck en milieu professionnel à compter du 15 janvier et jusqu'au 28 février seulement. Il faudrait à nouveau un vote de la Chambre pour voir se prolonger ce dispositif de contrôle obligatoire à l'entrée des bureaux, des ateliers et autres chantiers.
Alors que d'aucuns redoutent la multiplication des arrêts maladie avec la mise en place du Covidcheck en entreprises, Astree n'a pas encore intenté d'action en justice. Rien ne pouvant se faire avant la mise en place de sanctions effectives à l'égard de salariés ou clients refoulés. «Mais déjà certaines situations sont remontées dans les études de nos membres», indique Me Winkel. Et notamment le cas d'une entreprise luxembourgeoise dont un tiers des salariés ont demandé à être représentés par un avocat pour négocier avec leur patron la mise en place du contrôle sanitaire à compter de la fin de semaine.
Et l'avocat d'embrayer : «Avant d'en arriver à des mesures sanctions, il y a certainement des dialogues à mener. Parler du reclassement temporaire des salariés au CovidCheck invalide, de la prise en charge des frais éventuels de tests (pour ceux qui n'auraient pas un schéma vaccinal complet ou ne souhaitant pas de piqûre), voire même de rupture conventionnelle plutôt que d'une exclusion sont des pistes qu'il faut prendre au sérieux.» En tout cas des négociations qui, selon l'avocat, permettront sans doute d'éviter des recours en justice aussi bien de salariés dans le privé que d'agents de la fonction publique ou de consommateurs.
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Pour l'heure, les actions qui avaient pu être menées auprès du tribunal administratif n'avaient finalement pas abouti. Et les trois principaux syndicats du Luxembourg (qui avaient agité la menace de contester devant les magistrats la nouvelle loi Covid dans son volet de contrôle des travailleurs) n'ont toujours pas trouvé le bon biais pour attaquer le choix politico-sanitaire.
«Je ne dis pas que le combat sera facile. Certainement qu'il faudra passer par la cassation ou la Cour européenne des droits de l'homme. Mais le CovidCheck au Grand-Duché ou le pass vaccinal en France sont largement contestables dans leur application», tranche Me Winkel.