La délicate question de l'accueil d'exilés afghans
Plus de 200 demandes d'accueil d'Afghans auraient été présentées au Luxembourg. Mais le Grand-Duché ne pourra seul accueillir autant de réfugiés murmurent déjà Xavier Bettel et le ministre des Affaires étrangères.
Dans bien des aéroports, l'arrivée des migrants afghans se fait avec des pincettes. © PHOTO: dpa
Il y a les déclarations d'intention et la réalité. Côté bonne volonté pour l'accueil de réfugiés venus d'Afghanistan, Xavier Bettel (DP) parle avec son cœur en affirmant: «Nous avons une responsabilité par rapport à ce peuple (...) Des centaines de milliers de personnes craignent pour leur vie, leurs libertés». A Jean Asselborn (LSAP), le langage de raison : «Plus de 200 Afghans ont fait des demandes pour être accueillis au Luxembourg. Nous ne sommes pas encore prêts.»
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Car aussi accueillant soit le Grand-Duché, il ne pourra pas ouvrir les bras aussi largement que l'émotion lui commande. Les foyers d'accueil de migrants sont déjà surchargés au pays, et les étrangers ''en règle'' sur le sol national (50% bénéficient du statut de protection internationale) ont bien du mal à s'engager dans le quotidien luxembourgeois. Faute d'emploi, faute de logement accessible, faute de capacités à s'intégrer au mode de vie occidental.
Aussi, le ministre des Affaires étrangères a-t-il déjà prévenu : si plus d'Afghans devaient être accueillis dans les semaines à venir, cela se fera dans la limite d' «un chiffre que l'on peut gérer». Combien? Il en discutera ce vendredi avec les députés de la commission de l'immigration et de l'asile. «Car il ne suffit pas d'offrir la sécurité, il faut aussi offrir de quoi vivre chez nous.» Malgré ces difficultés, il est bon de rappeler qu'aucun Afghan n'a été expulsé et renvoyé dans son pays depuis le Grand-Duché. «Ceux qui sont repartis l'ont fait par eux-mêmes.»
Pour l'heure, la position officielle reste de limiter l'hospitalité du pays aux cas relevant du regroupement familial. Les pères ou mères rejoignant leurs enfants déjà sur le sol luxembourgeois, par exemple.
Les aides comme «leviers»
Au-delà des premières déclarations des talibans, le Luxembourg a choisi de bloquer temporairement toutes les aides qu'il pouvait octroyer à l'Afghanistan. Aux yeux de Jean Asselborn, à l'avenir ces aides au développement pourraient bien constituer des «leviers» pour contrecarrer d'éventuelles tentations du nouveau pouvoir afghan à bafouer les droits de l'homme et notamment revenir sur le statut acquis par les femmes du pays.
Entre 2012 et 2020, seuls 428 Afghans ont obtenu une protection internationale au Grand-Duché. Mais aux dires de Jean Asselborn, les services diplomatiques luxembourgeois auraient déjà reçu près de 200 nouvelles demandes d'Afghans souhaitant rejoindre le Luxembourg. C'est beaucoup. Trop sans doute par rapport aux capacités réelles d'intégration du pays. Mais pour sortir ces hommes, femmes et enfants de la «tragédie humaine» (dixit Bettel) qui se joue à Kaboul et dans les régions conquises par les talibans, le Luxembourg compte sur l'Europe.
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Pour l'exécutif, c'est bien à cette échelle de l'Union que la répartition des exfiltrés et rapatriés craignant pour leur vie en Afghanistan doit être faite. Mais entre crainte des islamistes qui pourraient ainsi rejoindre l'Europe, la délicate sortie de crise économique post-covid et la montée ici ou là des nationalistes, pas sûr que les 27 trouvent facilement un terrain d'entente pour devenir terre d'asile.