La diaspora ukrainienne s'inquiète d'une guerre
Nicolas Zharov, président de l'association LUkraine qui regroupe la diaspora ukrainienne au Luxembourg, observe de près les tensions actuelles entre la Russie et l'Ukraine.
Samedi dernier, des manifestants ont participé à un rassemblement à Kiev montrant leur unité. © PHOTO: dpa
Le téléphone de Nicolas Zharov n'arrête pas de sonner. Le président de l'association LUkraine au Luxembourg reçoit ces derniers jours plusieurs demandes d'interviews, mais aussi de la communauté ukrainienne du Luxembourg inquiets des actuelles tensions entre l'Ukraine et la Russie. Entre 2.000 à 3.000 Ukrainiens sont présents au Grand-Duché, selon Nicolas Zharov qui suit également de près l'évolution des événements: «Ils me demandent ce qu'on va faire, si quelqu'un va partir en Ukraine et si on va manifester ici au Luxembourg.» Ce vendredi, des bombardements ont été signalés près de Stanytsia Louganska, une ville de l'est de l'Ukraine sous le contrôle des forces gouvernementales, informe l'AFP.
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Parmi les 10 millions d'Ukrainiens de la diaspora dans le monde, plusieurs seraient prêts à rentrer pour défendre leur pays en cas d'attaque russe, assure Nicolas Zharov. S'il habite depuis 15 ans au Luxembourg, une partie de sa famille et aussi de celle de son épouse vit encore en Ukraine et n'a pas voulu quitter le pays, malgré les tensions actuelles. «Mon beau-père a dit qu'il allait s'enfermer à la maison avec une grenade et qu'il allait attendre que les Russes arrivent», sourit le président de l'association.
60% des Ukrainiens prêts à résister
Nicolas Zharov constate plusieurs types de réactions actuellement en Ukraine. Si certains sont inquiets ou paniquent, des personnes se préparent aussi activement pour être prêtes à partir dans des endroits plus sûrs. D'autres en revanche suivent des cours organisés par le gouvernement pour pouvoir se défendre en cas de guerre. Selon une enquête publiée mardi par un institut national de sociologie, près de 60% des Ukrainiens se disent prêts à «résister» en cas d'une agression russe. La part de ceux qui sont prêts à prendre les armes a augmenté à 37,3% contre 33,3% en décembre.
Nicolas Zharov espère encore qu'il n'y aura pas de conflit entre l'Ukraine et la Russie. © PHOTO: privé
«Ma famille habite au sud de l'Ukraine, elle serait en première ligne en cas d'attaque. Ils sont conscients du danger», souligne Nicolas Zharov. Mais il remarque aussi que les personnes sur place sont moins inquiètes que celles à l'étranger, parce qu'elles se sont déjà habituées à une escalade de la situation. «Et les Ukrainiens qui sont venus ici travailler pour leur famille restée au pays sont inquiets pour leurs parents, ce qui est normal.» Même si les forces russes ont annoncé le retrait de leurs troupes à la frontière ou de Crimée, Nicolas Zharov reste pour le moment encore sceptique.
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Le trentenaire rappelle que le conflit dure déjà depuis huit ans dans une partie de l'Ukraine. «Si en 2014 personne ne s'attendait à ce que la Russie attaque l'Ukraine avec l'annexion de la Crimée, maintenant les gens sont bien conscients qu'il y a un risque de guerre.»
L'annexion de la péninsule a été ressentie comme «un coup de couteau dans le dos par le voisin de l'Est». Originaire de Kakhovka dans la région de Kherson au sud de l'Ukraine et à 150 kilomètres de la Crimée, en tant qu'adolescent il avait l'habitude d'y passer ses vacances pour profiter de la Mer noire. Si ce territoire lui manque, il souhaite qu'un schéma diplomatique puisse rendre la Crimée de nouveau ukrainienne. Nicolas Zharov salue la décision du président Volodymyr Zelensky d'avoir décrété une journée d'unité ce mercredi, un message important qui permet de «montrer à tout le monde que le peuple ukrainien est uni.»
Malgré la situation encore difficile et les tractations diplomatiques, Nicolas Zharov espère qu'il n'y aura pas de guerre. Si Vladimir Poutine reste fermement opposé à une éventuelle adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, le président de l'association LUkraine estime que son pays natal« n’aurait pas besoin de faire partie de l’OTAN si et seulement si son armée était assez performante de répondre toute seule à n’importe quel danger extérieur». Il considère que si «certains États ne veulent pas voir l’Ukraine parmi les membres de l’OTAN ils n’ont qu’à investir dans l’armée ukrainienne».
Depuis ce jeudi, on assiste à un regain de tension à l'est du pays. Des bombardements sont en cours ce vendredi près de Stanytsia Louganska, une ville de l'est de l'Ukraine sous le contrôle des forces gouvernementales qui combattent des séparatistes pro-russes, ont constaté des journalistes de l'AFP sur place.
Le son de bombardements était audible dans cette localité, déjà touchée la veille par des bombardements séparatistes qui ont notamment endommagé une école maternelle sur fond de craintes d'une invasion russe de l'Ukraine.
Américains et Britanniques ont accusé jeudi la Russie de chercher un prétexte pour attaquer et que le conflit entre l'Ukraine et les séparatistes pro-russes sur son territoire pourrait en devenir un.
La création de l'association LUkraine
«Suite aux manifestations en 2014, de nombreuses personnes voulaient un peu plus se sentir appartenir à une communauté. La décision a alors été prise de créer l'association LUkraine», explique Nicolas Zharov. Il faisait alors partie du comité directeur. Depuis sa création, l'association mène plusieurs projets. Avec la guerre dans une partie de l'Ukraine, elle envoie des médicaments à l'armée ukrainienne et des vêtements pour les personnes déplacées. Près de 60 tonnes de matériel médical ont été envoyés aux hôpitaux sur place.