La forêt luxembourgeoise en état d'urgence
Le manque de précipitations met les forêts sous pression. Les arbres perdent leurs feuilles et leurs aiguilles et le fléau des bostryches typographes, ravageurs des forêts d'épicéas, est de retour.
L'image idyllique de la forêt est trompeuse parce qu'en réalité de nombreux arbres sont en mauvais état. © PHOTO: Guy Jallay
MF avec Maximilian Richard – Sur la route forestière non loin de Tuntange, la forêt fait bonne figure. Mais cette apparence est trompeuse. A y regarder de près, vous verrez que les arbres de la forêt ne sont pas en bonne santé. De nombreuses feuilles sont décolorées ou font défaut à la cime des chênes et des hêtres.
«Les longues périodes de sécheresse de l'an passé et de cette année laissent des traces», explique Elisabeth Freymann de l'Administration de la Nature et des Forêts. Les arbres manquent d'énergie, ils ne parviennent plus à nourrir les feuilles jusqu'à la couronne et les rejettent. Cette situation préoccupante au Grand-Duché est tout aussi alarmante dans les bois voisins du Grand Est de la France, en Wallonie, en Sarre ou en Rhénanie-Palatinat.
Chaque été, l'Administration de la Nature et des Forêts vérifie l'état sanitaire des arbres à l'échelle du pays. Une enquête menée depuis 1984, époque à laquelle des pluies acides avaient provoqué le dépérissement des forêts dans toute l'Europe.
L'état général des forêts s'est considérablement détérioré au Luxembourg au cours des dernières décennies pour se stabiliser à un faible niveau. Le bilan réalisé en 2018 indique que seuls 31,8 % des arbres sont sains; 36,8 % sont légèrement endommagés et 31,4 % sont en mauvais état, voire morts. La situation ne se sera pas améliorée cette année.
Le manque de précipitations fait que les arbres grandissent beaucoup plus lentement et deviennent aussi sensibles aux maladies et aux ravageurs. Particulièrement exposés sont les épicéas qui forment 21% de la population d'arbres et se trouvent surtout dans le nord du pays. Mesurant à peine quelques millimètres, le bostryche typographe fait des ravages depuis l'an passé. La situation ne s'est pas améliorée avec les températures élevées et l'absence de précipitations: «Nous avons constaté une augmentation de l'infestation, en particulier ces dernières semaines», note Elisabeth Freymann.
Cette variété de scolyte joue un rôle important dans le cycle des forêts mais elle peut causer des dégâts dévastateurs en cas de reproduction massive. Les épicéas affaiblis par le manque de précipitations ne peuvent se défendre contre les insectes en produisant suffisamment de résine.
Les animaux pondent leurs œufs sans être dérangés sous l'écorce, où les larves se nourrissent des couches de sève, la ligne de vie des arbres. En cas d'infestation grave, l'arbre meurt en quelques semaines.
Si une zone forestière est touchée, il ne reste qu'une seule solution: la coupe à blanc. Elle supprime les zones de reproduction de l'insecte. Ce fléau cause des dommages économiques considérables aux propriétaires forestiers.
Le marché est inondé d'épicéas en raison des nombreuses coupes à blanc. Les stocks des négociants débordent actuellement et les prix ont chuté de 65 % depuis l'épidémie de peste l'an dernier.