La jeunesse à l’assaut de la Chambre
Dans l’ombre des cadors de la politique depuis quelques années, les jeunes candidats montrent leur visage pour ces élections législatives. Avec plus ou moins d’expérience, le courage et les idées pour maîtres mots, ils amorcent le renouveau de la politique luxembourgeoise, bien décidés à rayonner sur cette planète.
La première campagne de Claude Schommer (à g.) pour le DP et Claire Remmy pour les Verts. © PHOTO: Matic Zorman
Matthias Thiriat
C’est un dimanche matin, dans un Luxembourg Ville encore désert, le vent froid frappant les affiches électorales accrochées aux luminaires, que j’ai donné rendez-vous à deux jeunes candidats. Les élections nationales n’avaient pour eux, encore que des mystères il y a quelques mois. Pourtant ce sont bien leurs noms qui pourraient sortir vainqueurs le 14 octobre au soir.
Mais rien ne semble montrer que ces deux candidats soient préoccupés par une défaite. Ils me l’expliquent entre deux gorgées de café. Ils sont avant tout là pour convaincre les électeurs de voter, peut-être pour eux, mais surtout pour leur parti. La démarche est avant tout collective, plutôt que personnelle.
Pour les Verts et le DP
Claude Schommer, candidat pour le Demokratesch Partei (DP), en parle avec ces mots: «Je pense qu’il faut se présenter en tant qu’équipe, mettre de côté son ego. Chacun doit soutenir, avec ses qualités, l’équipe. C’est ma conviction».
Pour Claire Remmy, candidate pour Déi Gréng, cette première campagne nationale était surtout l’occasion de rencontrer, discuter et d’échanger sur la situation du pays avec les citoyens, et notamment la jeunesse: «Le but est d’informer les jeunes lors de rassemblements».
Cette étudiante en économie à Amsterdam a beaucoup appris au travers de ces semaines de campagne: «Cela m’a permis d’améliorer mon expression orale, dans les débats notamment. Je n’avais jamais fait de politique à l’échelle nationale et le fait de devoir débattre avec d’autres candidats était pour moi une belle expérience. Au début il y avait un cap à franchir car j’étais assez intimidée, puis j’ai pris de l’assurance».
Claire Remmy est aujourd’hui l’un des nouveaux visages de Déi Gréng, mettant un point d’honneur à défendre le programme du parti.
Les questions sociales, comme la place de la femme dans la société, sont pour elle, des thèmes essentiels. Ce qui ne l’empêche pas d’y émettre des réserves notamment sur la forme: «Ça m’énerve parce que c’est un cliché. Comme je suis une femme, je dois défendre le droit des femmes. Je le fais parce que je crois en l’égalité femme-homme et non pas parce que je suis une femme». Autres thèmes importants pour la jeune candidate: l’écologie, le logement et la jeunesse.
La question du logement est également l’une des problématiques auxquelles Claude Schommer, 26 ans, tente de répondre, lors de cette campagne, mais également en tant que conseiller communal à Mondorf-les-Bains, auprès du bourgmestre Lex Delles: «Si l’on demande aux jeunes quelles sont leurs préoccupations, trouver un appartement est extrêmement important pour eux».
Autre sujet primordial, l’éducation. «Je suis instituteur, c’est donc tout à fait normal que je veuille travailler sur le thème de l’éducation».
Et lorsqu’on lui demande si les thèmes ne lui sont pas attribués à cause de son âge, il nous répond par la négative. Force est de constater que ces deux jeunes candidats ont du cran.
Ce trait de caractère est indispensable dans un milieu où les critiques peuvent être acerbes. La jeune candidate Déi Gréng expliquant que cela pouvait être compliqué à vivre: «Mes parents ne sont pas dans la politique, ils n’étaient pas réticents à ce que j’en fasse mais ils avaient une appréhension sur le fait que je puisse être critiquée sur certains de mes propos», avant de rajouter: «Ma famille me soutient à 100% dans cette aventure».
Une aventure qui avait commencé pour elle avec les élections communales de 2017: « J’étais inscrite sur les listes avec mon père». Cette élection fut l’occasion pour elle de découvrir la politique sous un nouvel angle, confortant ses idées et son engagement: «Je me suis engagée pour ce parti grâce à nos idées communes, comme la défense de l’environnement ou encore une politique des transports ambitieuse».
Claire Remmy évoque également la position du parti vis-à-vis de la jeunesse: «Dei Gréng pousse beaucoup les jeunes. Nous avons souvent été entendus lors de cette campagne».
Cette volonté de mettre en avant de jeunes talents, Claude Schommer, président des Jonken Demokraten (JDL) en fait également l’expérience: «Mon rôle en tant que président était de défendre les idées des JDL devant le parti et d’avoir nos idées politiques dans le programme électoral. Beaucoup de nos propositions sont dans ce programme, c’est le but de cette organisation». Preuve qu’ici aussi, les jeunes sont écoutés.
Pour l'ADR et le CSV
Une main tendue vers la jeunesse qui pourrait être un phénomène pluri partisan puisque d’autres organisations politiques luxembourgeoises ont décidé de franchir le pas. De l’autre côté de l’échiquier politique, l’ADR a également choisi de faire confiance à sa jeunesse, comme Felix Reding, étudiant à Londres en économie, âgé de 21 ans seulement.
Françoise Kemp, 26 ans, est quant à elle, l’un des nouveaux visages du CSV. Cette jeune mathématicienne participe également à sa première élection nationale. Son engagement politique a débuté à 15 ans lorsqu’elle a commencé à militer pour le CSV: «Mes parents étaient dans la politique. Nous avions beaucoup de discussions à la maison, qui m’ont amenée à m’intéresser à la politique».
Sa rencontre avec Jean Claude Juncker, lors d’un événement du parti, a été déterminante: «J’étais totalement convaincue par son discours ».
Pour Felix Reding, l’accession à la politique aurait pu se faire grâce à son père, député de l’ADR, mais le jeune étudiant de 21 ans l’affirme: «J’ai une passion pour la discussion, j’aime discuter des idées, pas forcément celles que j’aime, mais pour entendre les arguments des autres». Cette volonté de débattre, il l’a mise en application lors de ces études en Angleterre en se mesurant à d’autres étudiants de son internat, dans des débats organisés par son école.
«Je n’ai pas décidé de faire de la politique car mon père y était. La raison principale était mon amour pour le débat. Ça m’a poussé à m’engager» poursuit le plus jeune candidat pour l’ADR à ces élections législatives.
Et lorsqu’il évoque ses souvenirs de débats politiques à la maison, le souvenir du référendum de 2006 revient avec rapidité et clarté: «Je me souviens que les Irlandais avaient dit non et que leur gouvernement avait organisé des élections jusqu’à ce que le oui l’emporte. J’avais trouvé cela étonnant de ne pas écouter la voix du peuple».
La culture du référendum
Le référendum, Felix Reding le défend farouchement: «La culture du référendum est importante, c’est un excellent outil pour la démocratie auquel je suis très attaché. Le gouvernement actuel s’y est risqué et s’est brûlé les mains. Depuis il n’y a plus eu de référendum et je trouve cela dommage».
La question de la mobilité est également évoquée par le jeune candidat, pour qui l’arrivée du tram dans la capitale n’est pas la meilleure des solutions. Felix Reding aurait préféré voir la construction d’une structure de transport souterraine, à l’image du métro londonien: « Plusieurs problèmes ont été créés avec la construction du tram. Tout d’abord sur le volet écologique, le gouvernement a détruit de nombreux arbres pour l’installation des infrastructures. Sur le volet économique, évidemment que sur le papier, ce projet est moins coûteux qu’un city tunnel mais il faut ajouter également le coût des extensions que le gouvernement veut mettre en place. Ce dernier n’a pas pris en compte les coûts secondaires du projet».
Pour Françoise Kemp, candidate pour le CSV, la dignité de l’homme est au cœur de son engagement: «Ce qui est essentiel c’est l’équité et la solidarité. Chacun doit avoir sa chance pour réussir dans la vie, il faut que le bien-être de l’homme soit respecté». Mathématicienne de formation, la jeune candidate veut également développer la digitalisation. La création d’une plateforme de référence dans ce domaine serait pour elle une avancée majeure.
Cette volonté de changer les choses montre bien que les thèmes liés à la jeunesse ne résument en rien les problématiques portées par ces jeunes candidats. Avec pour volonté de défendre les valeurs de leurs partis respectifs plutôt que des idéaux personnels, Claire, Françoise, Claude ou Felix prouvent par leur action que la politique luxembourgeoise attire de nouveaux talents.