La loi sur la vidéosurveillance vue d'un bon œil
La vidéosurveillance des lieux publics a toujours été un sujet de controverse au Luxembourg. Mais le texte du projet de loi du ministre de la Sécurité intérieure, François Bausch, fait presque consensus cette fois.
La CCDH souhaite que les forces de l'ordre soient explicitement mentionnées comme les seules utilisatrices de la vidéosurveillance, comme en France ou en Belgique. © PHOTO: Reuters
(MF avec Annette Welsch) – La polémique sans fin autour des fichiers de la police et de la Justice qui avait agité la classe politique en 2019, n'est pas passée aux oubliettes. Au cœur du débat: la collecte et le traitement des données des citoyens. Comme pour la vidéosurveillance.
Même si le projet du ministre de la Sécurité Intérieure (Déi Gréng) pour renforcer le cadre légal de la vidéosurveillance dans les lieux publics - déposé le 14 novembre 2019 - n'a pas soulevé d'opposition des partis, ni même de corrections de la part du Conseil d'Etat, la Commission consultative des droits de l'homme (CCDH) et la Commission nationale pour la protection des données (CNPD) n'ont pas tout à fait les mêmes avis vu qu'il est question de protection des données, d'une autre base de données et des droits fondamentaux.
Gilbert Pregno, le président de CCDH plaide pour une solution équilibrée sécurité, d'une part, et droits de l'homme, de l'autre. © PHOTO: Guy Jallay
Même si le projet du ministre de la Sécurité Intérieure (Déi Gréng) pour renforcer le cadre légal de la vidéosurveillance dans les lieux publics - déposé le 14 novembre 2019 - n'a pas soulevé d'opposition des partis, ni même de corrections de la part du Conseil d'Etat, la Commission consultative des droits de l'homme (CCDH) et la Commission nationale pour la protection des données (CNPD) n'ont pas tout à fait les mêmes avis vu qu'il est question de protection des données, d'une autre base de données et des droits fondamentaux.
L'État ne parvient pas toujours à prendre des mesures de sécurité qui encadrent les différents droits afin de protéger les droits de ses citoyens, en particulier contre la violence et autres crimes, sait bien Gilbert Pregno, le président de la CCDH.
Depuis 2007, différentes zones de la ville de Luxembourg-Ville sont déjà surveillées par des caméras et leur présence n'est pas automatiquement synonyme de violation des droits de l'homme. Mais il y a des limites. «La vidéosurveillance n'est pas la panacée mais nous nous opposons à l'idée qu'elle puisse être utilisée pour tout maîtriser», explique Gilbert Pregno au Luxembourg Wort.
Elle devrait être un instrument parmi d'autres, et il ne faut pas oublier que la criminalité a des causes complexes. La CCDH est d'avis qu'il «faut aussi avoir des stratégies pour régler le problème à la racine».
«La vidéosurveillance n'est pas la panacée mais nous nous opposons à l'idée qu'elle puisse être utilisée pour tout maîtriser»
La préoccupation de la CCDH qui émane de son avis est que l'équilibre entre la sécurité, d'une part, et les droits de l'homme, d'autre part, doit être maintenu. «Si vous ne considérez que la sécurité et que vous renoncez aux libertés, vous risquez à la fin de perdre les deux», explique Gilbert Pregno. De son avis ce projet législatif a bien été «conçu pour maintenir cet équilibre».
La vidéosurveillance a pour vocation de prévenir les crimes, mais elle vise également à les résoudre. Ce mode de surveillance «peut aussi être une attaque contre les droits: le droit à la vie privée, à la protection des données personnelles, le droit de réunion lorsque les gens n'osent plus protester, ou l'interdiction des discriminations», relève Max Mousel, avocat à la CCDH.
Pixeliser portes d'entrée et fenêtres
L'expérience a montré que la vidéosurveillance tend à déplacer la criminalité vers d'autres lieux plutôt que de la résoudre. Et l'on sait peu de choses sur le nombre d'affaires résolues. La CCDH se félicite d'ailleurs du fait que la direction générale de la police mène actuellement une étude sur le sujet, qui devrait être disponible en novembre.
La vidéosurveillance doit toujours s'inscrire dans une stratégie plus large et ne remplace pas les patrouilles de police, souligne la CCDH qui donne un bon point au texte de loi du fait qu'il prévoit de faire pixeliser les entrées privées et les fenêtres apparaissant dans le champ de vision des caméras.
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Elle critique cependant que le texte pourrait être interprété de manière très large sur ce qu'il est entendu par lieux publics à surveiller. La commission recommande une interprétation restrictive et est d'avis qu'«il ne faut recourir à la vidéosurveillance que si son efficacité est prouvée», souligne Max Mousel.
Tout comme il doit également être clairement indiqué que la reconnaissance faciale, les enregistrements sonores et autres méthodes ne doivent pas être utilisés, pose la Commission nationale pour la protection des données (CNPD). Elle souhaite également que le projet de loi soit formulé de manière plus générale, de sorte à couvrir également les caméras que les communes souhaitent installer dans leurs lieux publics.