La mère de Bianka ne fait pas appel des 30 ans de prison
Sarah B. n'a pas fait pas appel du jugement de première instance. Mais la décision des juges suscite aussi des critiques.
Pendant cinq semaines, au cours de l'été 2015, les alentours de l'étang de Linger ont été fouillés à la recherche du nourrisson disparu. © PHOTO: Gerry Huberty
La mère de Bianka avait 40 jours pour faire appel du jugement de première instance. La femme de 39 ans n'a cependant pas déposé d'acte à l'expiration du délai. La peine de 30 ans de prison prononcée contre Sarah B. est donc définitive depuis ce mardi.
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Aucune trace de Bianka n'a été retrouvée depuis l'été 2015. Malgré tous leurs efforts, les enquêteurs n'ont pu retrouver ni l'enfant ni un corps. Rien n'indique cependant que la fillette soit encore en vie. La mère serait responsable de la mort de sa fille, mais les juges n'ont pas pu prouver que la femme avait l'intention de tuer Bianka.
En revanche, la femme aurait privé le nourrisson de plusieurs jours de soins essentiels à sa survie, ce pour quoi l'article 401bis du code pénal prévoit même une peine de prison à vie. Ce n'est que parce qu'ils ont considéré que le délai raisonnable avait été dépassé que les juges ont renoncé à la peine maximale lors du prononcé de leur jugement en février. Plus de sept ans se sont écoulés entre le début du procès et la disparition de Bianka.
Les magistrats n'ont pas retenu d'autres circonstances atténuantes. Sarah B. n'a pas montré de remords et ne s'est même pas présentée à l'audience du tribunal en décembre 2022, peut-on lire entre autres dans les motifs écrits du jugement.
Une association de détenus voulait aider Sarah B.
«Cette situation est un drame», déclare Christian Richartz, président de l'association de défense des intérêts des détenus ''eran, eraus... an elo ?''. Des représentants de l'association avaient mis Sarah B. en contact avec une avocate qui s'était déclarée prête à rédiger gratuitement une demande d'appel. L'avocate de la défense l'aurait également représentée devant la cour d'appel. Malgré tous ses efforts, Sarah B. n'aurait cependant pas voulu faire appel du jugement.
Comme le souligne Christian Richartz, la femme vit dans des conditions difficiles. Selon lui, elle n'a pas sa place en prison, mais plutôt dans un hôpital psychiatrique. Un expert psychiatre mandaté par les autorités d'enquête pénale n'avait cependant pas constaté de maladie psychique chez la femme. Selon lui, il n'y avait pas de diminution de la responsabilité.
Christian Richartz s'est quant à lui étonné de la peine prononcée par les juges de la 13e chambre criminelle. Le parquet avait requis 15 ans de prison contre la femme. Les juges ont cependant doublé la peine. Pourtant, la femme n'était pas représentée par un avocat au tribunal et ne s'est pas défendue. Pour Christian Richartz, le parquet aurait dû faire appel du jugement.
Regard sur les mesures sociales
Après la naissance de Bianka, la femme aurait été abandonnée par les instances étatiques. «Dans un pays comme le Luxembourg, les mesures prises par les services sociaux étaient insuffisantes. Au vu des antécédents de la femme, Sarah B. aurait dû être suivie de plus près», souligne Christian Richartz. La garde de ses cinq autres enfants lui avait déjà été retirée auparavant.
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Avant même que Bianka ne voie le jour le 6 juin 2015, le service central d'assistance sociale (SCAS) s'était penché sur la situation de la mère. Après une réunion en avril 2015, un conseiller s'était prononcé auprès du tribunal pour enfants en faveur d'un suivi intensif après la naissance. Une telle mesure n'a toutefois pas été ordonnée. Au lieu de cela, l'encadrant devait par la suite consigner l'évolution de la situation dans un autre rapport.
Cependant, suite aux rapports reçus par le SCAS, l'éducateur a demandé une réunion d'urgence au tribunal de la jeunesse trois jours seulement après la naissance de Bianka, le 9 juin, afin de discuter des mesures de protection de l'enfant. Dans une deuxième lettre adressée au tribunal de la jeunesse, l'éducateur s'est prononcé concrètement le 18 juin en faveur d'une mesure de placement, mais à ce moment-là, l'enfant était probablement déjà mort depuis quelques jours.
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Une juge pour enfants a finalement ordonné la mesure le 26 juin. Lorsque des officiers de police judiciaire sont venus chercher l'enfant le 3 juillet, il n'y avait aucune trace de Bianka. Au cours de l'enquête, la mère ne s'est pas montrée coopérative et elle n'a toujours pas révélé le véritable sort de sa fille.
Pas de corps, pas de scène de crime
Avec l'expiration du délai d'appel, le jugement de la chambre criminelle crée une jurisprudence importante. Les cas comparables sont en effet rares. Avec les restes de la victime et une scène de crime, il manque en effet les pièces à conviction les plus importantes pour élucider un homicide. Les juges disposaient donc en priorité d'indices, mais au final, ils n'ont eu aucun doute sur la culpabilité de la mère .
Sarah B. devra désormais purger sa peine de 30 ans de prison. Selon le code pénal, une demande de libération anticipée est possible au plus tôt lorsque la moitié de la peine est écoulée. Comme la femme a déjà passé 14 mois en détention provisoire dans le cadre de l'enquête, elle pourra faire une première demande en 2037.
Cet article a été publié initialement sur le site du Luxemburger Wort.
Traduction: Pascal Mittelberger