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La météo assèche les revenus des propriétaires forestiers

Un peu plus de la moitié des bois du Luxembourg appartient à près de 13.000 privés. Ceux qui ont misé sur l'épicéa, attaqué par les scolytes, auront des aides doublées pour replanter d'autres variétés mais aussi d'énormes difficultés à vendre leur bois.

«Les propriétaires privés sont obligés de couper ces épicéas. Mais ils ont de grandes difficultés à vendre leur bois», informe Winfried Von Loë, directeur du Lëtzebuerger Privatbësch.

«Les propriétaires privés sont obligés de couper ces épicéas. Mais ils ont de grandes difficultés à vendre leur bois», informe Winfried Von Loë, directeur du Lëtzebuerger Privatbësch. © PHOTO: Guy Jallay

Maurice Fick

«En comparaison avec les prix pratiqués il y a encore deux ans, les propriétaires forestiers touchent aujourd'hui peut-être encore un tiers du prix» pour le bois d'épicéa, assure Winfried Von Loë, directeur du Lëtzebuerger Privatbësch. Le groupement des sylviculteurs soutient et conseille un peu plus de 2.000 personnes qui possèdent près de 55% des forêts privées.

Lire aussi :L'avenir des forêts d'épicéas menacé par les scolytes

Et «les prix sont encore en baisse» en ce début septembre, prévient-il. Pour la bonne et simple raison que des millions de mètres cubes de bois d'épicéa inondent les marchés français, belge et allemand. L'offre est largement supérieure à la demande.

La faute au bostryche typographe. «Les foyers d'infection ont continué à progresser de façon alarmante cette année», a reconnu récemment Carole Dieschbourg, ministre de l'Environnement (Déi gréng).

Depuis le printemps, les propriétaires privés touchent 10.000 euros par hectare pour repeupler leurs parcelles de forêt avec des feuillus.

Depuis le printemps, les propriétaires privés touchent 10.000 euros par hectare pour repeupler leurs parcelles de forêt avec des feuillus. © PHOTO: Guy Jallay

Le scolyte adore s'installer sous l'écorce des épicéas. Près de «55.500 m3 de bois d'épicéas scolytés et de dégât de chablis ont dû être abattus» dans les forêts publiques gérées par l'Administration de la nature et des forêts, rapporte son directeur, Frank Wolter.

La forêt luxembourgeoise a particulièrement souffert en cet été 2019 du fait de la météo estivale comme du manque d'eau. Ces conditions ont favorisé la propagation des insectes ravageurs, les poussant à s'envoler plus souvent pour peupler de nouveaux arbres. Autant de troncs d'épicéas que les propriétaires sont ensuite obligés de couper.

A qui appartient la forêt ?

«Un peu plus de la moitié des forêts luxembourgeoises (54%) sont entre les mains de personnes privées. Le reste c'est de la forêt publique», résume Frank Wolter, directeur de l'Administration de la nature et des forêts. Elle-même gère les 46% de forêts publiques et celles, privées, qui appartiennent à la famille grand-ducale. Les pessières, entendez les plantations d'épicéas, constituent un peu moins d'un tiers (14.000 hectares) des forêts privées dont la surface totale est évaluée à environ 46.000 ha.

Un arbre sec est «très difficilement vendable, si le bois est encore vert, ça reste possible», explique Winfried Von Loë dont l'association conseille les propriétaires privés dans l'objectif d'une «croissance de rendement qualitatif et quantitatif des forêts tout en respectant l'exploitation durable».

Lire aussi :La forêt luxembourgeoise en état d'urgence

Une fois les épicéas au sol, les propriétaires sont tenus de replanter leurs surfaces déboisées. Pour cela «ils perçoivent une double subvention», explique le directeur du Lëtzebuerger Privatbësch.

Au printemps, les montants des aides allouées par l'État pour les travaux de reboisement ont effectivement été doublés. Le règlement grand-ducal du 12 mai 2017 fixe les montants de ces aides à «30 euros l'are de la surface à reboiser» lorsque le propriétaire replante des résineux (mélèze, douglas, etc) et à 50 euros l'are lorsqu'il replante des feuillus (hêtre, chêne, érable, etc).

Au lieu de 5.000 euros par hectare jusqu'ici, le propriétaire est encouragé à repeupler ses parcelles pour 10.000 euros par hectare aujourd'hui.

Deux trous perforés par des bostryches typographes dans l'écorce d'épicéa. L'entrée sous l'écorce de l'arbre.

Deux trous perforés par des bostryches typographes dans l'écorce d'épicéa. L'entrée sous l'écorce de l'arbre. © PHOTO: Guy Jallay

Mais «toute plantation d'épicéas est hors de subvention», souligne bien Winfried Von Loë. Avant d'expliquer que cette variété n'est en réalité «pas vraiment adaptée» au Luxembourg. Bien qu'étant le favori des privés à la recherche de rendement élevé, l'épicéa n'est en effet pas une variété indigène.

Mais cette essence d'arbre, et les deux étés passés viennent accentuer le phénomène, n'est plus adaptée au Luxembourg. «Je conseille très peu les plantations d'épicéas parce qu'ils ont besoin d'eau et qu'il y en a de moins en moins dans nos sols», relève Winfried Von Loë.

Tout indique donc que l'épicéa est amené à disparaître de la forêt luxembourgeoise dans un avenir proche. «Si les étés continuent comme ça, l'épicéa disparaîtra dans tout le Guttland (la partie au sud d'une ligne Diekirch-Ettelbruck). Ça peut être dans les cinq ou dix ans, voire moins», ne cache pas Frank Wolter.

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