La position de la coalition sur les allègements fiscaux
Alors que Déi Gréng fait profil bas, le LSAP ose une attaque frontale avant la tripartite et le DP flaire un danger.
Les représentants de la majorité Carole Hartmann (DP), Dan Biancalana (LSAP) et Meris Sehovic (Déi Gréng) (de gauche à droite) se sont exprimés sur la question fiscale avant la tripartite. © PHOTO: Gerry Huberty
La façade s'effrite. Depuis plusieurs semaines, la coalition gouvernementale est en proie à des conflits récurrents. La pression croissante exercée sur le gouvernement pour qu'il allège la charge fiscale des citoyens en raison de la crise énergétique et de l'inflation laisse entrevoir les clivages idéologiques au sein de la coalition après dix ans de gouvernement.
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En effet, DP-LSAP-Déi Gréng ne sont pas d'accord sur la manière d'alléger la charge fiscale. Lors de la tripartite, le thème de la fiscalité pourrait, comme lors de la première tripartite en mars de l'année dernière, devenir le point d'achoppement des négociations. Lors du Conseil des ministres de mercredi, le sujet a déjà été abordé.
Les représentants syndicaux ont en outre annoncé la couleur avant même le début des négociations vendredi en soumettant au gouvernement leur demande d'adapter le barème fiscal à l'inflation - une requête dont le gouvernement a pris note mardi dans le cadre des discussions bilatérales avec les syndicats et le patronat.
Il reste toutefois à voir si tout le monde se satisfera du fait que le sujet ne soit qu'effleuré et ne fasse pas partie d'une décision potentielle de la tripartite de vendredi. En amont des négociations, le Luxemburger Wort s'est renseigné auprès des partis gouvernementaux pour connaître leur position sur la question fiscale.
Déi Gréng : pas de réforme fiscale structurelle avant la fin de la législature
Ceux qui, jusqu'à la tripartite, n'ont pris publiquement que peu la parole sur la question fiscale sont Déi Gréng. Ce que le coprésident du parti, Meris Sehovic, ne veut toutefois pas laisser entendre : «Par le passé, nous avons toujours été très clairs sur ce qui nous intéresse. Nous ne menons toutefois pas de négociations sur la place publique. Nous n'avons jamais fait de la politique de cette manière».
Mais si l'on cherche une adaptation du barème fiscal à l'inflation comme revendication dans le communiqué de presse envoyé par Déi Gréng pour le grand débat fiscal de l'été 2022, on ne la trouvera pas. Le parti ne soutient-il donc pas la revendication des syndicats ?
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Meris Sehovic ne veut pas anticiper la tripartite, dit-il, mais il est conscient que la progression à froid fait souffrir les gens. «J'entends les syndicats, c'est ce que je fais», dit-il. Mais selon lui, il est surtout important de trouver des solutions à court terme pour soulager les petits et moyens revenus, de prendre les bonnes mesures en matière de construction de logements et d'investir dans la transition énergétique.
J'entends bien les syndicats
Bien qu'il soit trop tard pour une réforme fiscale structurelle au cours de cette législature, Déi Gréng veut en faire la «priorité numéro un» du futur gouvernement, si le parti y participe. «Ce doit être la toute première mesure d'un nouveau gouvernement après les élections», souligne Sehovic. Tous les problèmes liés au système fiscal luxembourgeois ne pourront toutefois pas être résolus de manière satisfaisante dans les prochains mois.
Pour la coprésidente du LSAP, Francine Closener la majorité doit se mettre d'accord sur la fiscalité avant les élections pour mettre sur pied ensemble un projet d'avenir après la campagne électorale. Meris Sehovic ne voit les choses pas «catégoriquement ainsi». «Nous sommes unis en tant que gouvernement.»
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Lors de la campagne électorale, on n'hésitera toutefois pas à mettre en avant le programme de son propre parti, notamment en matière d'impôts. «Nous sommes fiers de notre collaboration, mais nous n'allons pas jusqu'à dire que nous devons déjà mener des discussions de coalition», a conclu M. Sehovic.
DP : «Il est important de penser à nos entreprises»
Interrogé par le Luxemburger Wort, le DP a plus de mal à clarifier sa position sur la question fiscale. La secrétaire générale du DP, Carole Hartmann, répond d'abord : «Pour nous, en tant que DP, il est important que les discussions qui pourraient surgir au sein de la tripartite ne soient pas déjà menées à l'avance».
Mais Carole Hartmann se laisse ensuite aller aux questions. Selon elle, la discussion autour de la suppression de la progression à froid est un débat qui a été demandé par le syndicat - et non par le gouvernement. «Ce n'est pas non plus le sujet de la tripartite, comme cela a été réservé lors des précédents cycles de négociations. Mais si les syndicats cherchent ce débat, nous ne voulons pas nous positionner avant».
Pour le DP, il est clair que les gens doivent être soulagés, que leur pouvoir d'achat doit être renforcé, mais que l'économie doit rester compétitive. «Il est également important que nous pensions à nos entreprises». Carole Hartmann ne veut pas répondre à des discussions portant surtout sur la question de savoir si l'avenir de la coalition pourrait être déterminé par la manière dont le gouvernement aidera les gens à l'avenir via des allègements fiscaux ou une réforme majeure. «Je ne vous donne pas un oui ou un non».
Il est également important de penser à nos entreprises et à leur compétitivité.
Le fait que le DP, en particulier, ne veuille pas se mouiller devant la tripartite a ses raisons. La ministre des Finances Yuriko Backes, mise en place par le DP, n'a cessé de répéter par le passé qu'une adaptation du barème fiscal à l'inflation serait «irresponsable» en temps de crise. La demande des syndicats et l'attention des médias autour du thème des impôts pourraient devenir un test de résistance pour le DP dans le cadre de la tripartite.
Ce que le LSAP ne veut pas dire à haute voix, il le communique par l'intermédiaire de Dan Kersch. Le député est connu pour son "franc-parler". © PHOTO: Stéphane Guillaume
LSAP : la tripartite, cadre idéal pour régler la question fiscale
Dans le camp du LSAP, le coprésident du parti Dan Biancalana se montre aussi hésitant que la secrétaire générale du DP - mais pas d'autres membres du parti. Le député du LSAP Dan Kersch a laissé entendre cette semaine dans une interview radio que le LSAP parviendrait encore à faire changer le DP d'avis afin de pouvoir soulager les citoyens en adaptant le barème fiscal à l'inflation.
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«La situation n'est plus tenable», a même critiqué le DP pour avoir toujours fait référence à la fameuse »marge de manœuvre financière« en matière d'allègements fiscaux. «A mes yeux, cette marge de manœuvre existe aujourd'hui», déclare Dan Kersch à ce sujet.
Dan Biancalana estime toutefois que «ces discussions relèvent de la tripartite». Il n'est pas absolument nécessaire de régler la question fiscale au sein de la tripartite, car elle peut aussi être discutée au sein du gouvernement, mais la tripartite est un cadre approprié pour cela, estime Biancalana. «Nous parlons certes au sein de la tripartite de la manière dont nous pouvons contrer la crise par des mesures, mais l'un n'exclut pas l'autre».
Cet article a été initialement publié sur le site du Luxemburger Wort
Traduction: Thomas Berthol