La santé et les soins en état préoccupant
Face à l'évolution en nombre et en âge de la population, le Luxembourg peine à recruter ou à former suffisamment de professionnels. Aussi le ministère envisage-t-il une nouvelle politique à mener afin de rendre plus attirantes les professions en manque de personnels.
Les infirmiers représentent plus de 50% des personnels de santé luxembourgeois. Mais à peine 4 sur 10 sont luxembourgeois. © PHOTO: Guy Wolff
Un ministre de la Santé doit, parfois, administrer des remèdes. Il en va de l'avenir de la prise en charge des malades. Au vu d'une récente étude portant sur les professions médicales et de santé au Luxembourg, il semble urgent qu'Étienne Schneider (DP) agisse. En effet, le pays grossit en taille (plus de 600.000 habitants, et 6.000 naissances par an), voit affluer de plus en plus de frontaliers (x2 d'ici 2040), vieillit (moyenne d'âge 40,1 ans). Ce mardi, en commission santé, les parlementaires ont pris connaissance du diagnostic.
Le pouls est correct
De l'étude menée en 2018, il ressort en premier lieu que l’état de santé de la population du Grand-Duché est bon. De plus, il n’a jamais été nécessaire de fermer des offres de soins par, manque de professionnels de santé. Leur nombre a même augmenté au cours des dix dernières années. À ce jour, 17.595 professionnels travaillent dans le secteur de la santé et des soins, dont 15.062 professions de santé réglementées et 2.331 médecins.
Des symptômes préoccupants
La faiblesse du système de santé et de médecine du Grand-Duché tient en un mot: dépendance. En effet, le recours à des professionnels non luxembourgeois est devenu indispensable. Cela rend le pays «extrêmement vulnérable des décisions politiques et économiques des pays frontaliers en faveur des soignants». Actuellement, le pays confie ainsi ses maux à des professions de santé réglementées occupées à 62% par des étrangers. C'est un mieux côté médecins, où 51% des docteurs sont de nationalité luxembourgeoise.
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Mais, nul doute à avoir: le nombre de médecins issus du Luxembourg formés à l’étranger dans les différentes disciplines par année ne permet pas d’assurer le renouvellement naturel des générations de médecins. Dernièrement, l'AMMD (Association des médecins et médecins-dentistes) avait d'ailleurs fait part de sa préoccupation sur ce point.
Des béquilles fragiles
D'ores et déjà, le renouvellement de certaines spécialités n'est plus assuré par les seuls nouveaux diplômés. Les départs naturels en pension ne sont pas compensés, les délais de recrutement de certaines catégories médicales s'allongent et l'on va trouver ces personnels de plus en plus loin géographiquement.
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Le coût du logement, l’absence de centre hospitalier universitaire au Grand-Duché, l’absence de faculté de médecine complète, l'inexistence d'un programme d’intégration des jeunes médecins constituent certains des handicaps repérés comme frein aux recrutements actuels et en devenir.
Pire, si les pays formateurs viennent à rehausser les salaires des soignants, plus sûr que l'afflux vers le Luxembourg ne soit aussi massif qu'aujourd'hui. «Cela engendrerait immédiatement une grave crise du système sanitaire», alerte d'ailleurs l'auteure de l'étude, Marie-Lise Lair.
Des signes d'affaiblissement
Le check-up mené sur le système de santé et de soins luxembourgeois laisse aussi apparaître les premiers signes d'une dégénérescence inquiétante: diminution du nombre de visites médicales à domicile, refus de médecins de prendre des nouveaux patients, délais allongés d’obtention de rendez-vous chez un spécialiste, grande difficulté pour recruter un médecin généraliste pour le suivi des patients en rééducation gériatrique.
La rééducation gériatrique est un des parents pauvres du système de santé actuel.Gare: ce besoin va devenir croissant dans les années à venir. © PHOTO: Lex Kleren
Une ordonnance sur 15 ans
Alors, c'est grave docteur? Oui, à en croire le ministre de la Santé qui préconise un remède de cheval. «Il y a lieu de revoir en profondeur l’organisation du système de santé afin de mieux utiliser les ressources professionnelles existantes et de n’avoir aucune déperdition de ressources rares», exige Etienne Schneider.
Et de lister la médication envisagée pour les 15 années à venir:
Revaloriser et rendre plus attrayantes les professions médicales (accompagner les jeunes médecins lors de leur installation, améliorer les conditions de l’exercice médical au Luxembourg, investir dans les soins primaires);
Revaloriser et promouvoir les professions de santé auprès des jeunes et des parents, et leur redonner du sens au sein de la société;
Renforcer le nombre d’étudiants en médecine;
Revoir la formation et la fonction des soignants;
Adapter les attributions de toutes les professions de santé aux réalités du terrain et aux besoins des patients;
Utiliser de manière plus efficiente les nouvelles capacités de la numérisation offertes dans le secteur de la santé.