La trésorerie des entreprises artisanales est mise à mal
L'augmentation des coûts des matériaux et de l'énergie combinée à des difficultés de recrutement de personnel qualifié risque d'entraîner une chute de l'indicateur de l'activité de l'artisanat au troisième trimestre 2022.
Le secteur de la construction fait l'objet de perspectives économiques particulièrement assombries. © PHOTO: Gerry Huberty
La situation semble aller de mal en pis pour l'artisanat luxembourgeois. Depuis plusieurs mois déjà, les sociétés du secteur attirent l'attention sur les nombreuses difficultés auxquelles elles font face. Après avoir, pour certaines, épuisé leurs réserves financières pendant la pandémie, toutes sont confrontées à une augmentation fulgurante des prix des matières premières et de l'énergie. De quoi «mettre en péril la survie de certaines entreprises», alerte la Chambre des métiers.
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Ce cri d'alerte, la structure le pousse dans sa note conjoncturelle du second semestre 2022. Et cette dernière soulève peu de perspectives réjouissantes. Après avoir nettement augmenté en 2021, grâce, notamment, aux aides de l'État mises en place pour favoriser la relance post-pandémie, l'indicateur de l'activité de l'artisanat commence à stagner. Pire, pour le troisième trimestre, les chefs d'entreprise envisagent une décrue de cet indicateur de trois points.
Une situation particulièrement due aux tendances inflationnistes qui pèsent, d'une part, sur l'énergie, et d'autre part sur les matériaux. De telle façon que «l'établissement d'un devis constitue désormais un exercice périlleux», souligne la Chambre des métiers. Ainsi, si la majorité des matières premières ont vu leur prix reculer depuis le début de la guerre en Ukraine, toutes sont encore affichées à des tarifs nettement supérieurs à ceux pratiqués avant la crise sanitaire. En juillet 2022, le bois se vendait 93% plus cher qu'en janvier 2020, tandis que le béton armé enregistrait une hausse de 81%.
La main-d'œuvre manque toujours
Même punition pour l'énergie. Après une hausse fulgurante au printemps, le prix du gaz a connu une accalmie à l'été. Mais ce n'est que pour repartir de plus belle à l'automne-hiver, selon le Statec, qui prévoit une explosion du tarif de cette énergie de 90% par rapport aux prix pratiqués cet été. «Un prochain retour à la normale paraît improbable», souligne la Chambre des métiers, d'autant plus que l'électricité ne sera pas non plus exempte d'augmentation de ses tarifs.
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À cela se rajoutent les problématiques de recrutement auxquelles fait face le secteur depuis maintenant plusieurs années. Si elles s'étaient apaisées pendant la crise sanitaire, elles sont désormais reparties de plus belle. Ainsi, au second trimestre 2022, 36% des 1.400 entreprises artisanales interrogées (représentant ainsi un peu plus d'un tiers des emplois du secteur) ont déclaré que leur activité était gênée par un manque de personnel. Les secteurs de l'alimentation (39%) et de la construction (38%) sont les plus touchés.
Et pas de perspective d'amélioration en ligne de mire pour ce secteur qui devra composer avec 22.000 à 25.000 départs à la retraite sur ses 100.000 actifs dans les 10 prochaines années. De quoi créer une situation de concurrence accrue entre les entreprises pour attirer de nouveaux employés, ce qui ne manque pas de pousser les salaires vers le haut, alors qu'une nouvelle tranche indiciaire est prévue par le Statec avant la fin de l'année 2022. Un contexte qualifié de «très difficile» par la Chambre des métiers, qui lance un appel à ce que les prochaines réunions tripartites «donnent lieu à des discussions responsables».
La construction en difficulté
Additionnées, ces problématiques entraînent inévitablement une réduction des marges bénéficiaires pour 35% des entreprises interrogées. En effet, il est impossible pour ces dernières de transposer l'ensemble de ces surcoûts sur la facture de leurs clients, «soit parce que le contrat ne prévoit pas de clause de révision de prix, soit par souci de maintenir des prix compétitifs».
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Parmi les secteurs les plus touchés, on retrouve en tête la construction. L'indice des prix à la construction ayant augmenté de 13,9% entre avril 2021 et avril 2022, la branche connaît ainsi son plus haut niveau de variation annuelle depuis avril 1975. Une situation qui pousse certains clients à reporter, annuler ou réduire le volume de leurs projets de construction.
Le secteur de l'alimentation fait également l'objet de perspectives assombries. Ce dernier semble en effet avoir atteint un pic lors du second semestre, selon les chefs d'entreprise, qui prévoient une baisse non négligeable de leur activité au troisième semestre. Même si son indicateur de l'activité est en hausse, la mécanique ne s'en sort pas mieux et reste bien en dessous de sa moyenne décennale. Une situation notamment due aux problèmes d'approvisionnement que connaît la branche. Seul les secteurs de la mode, santé et hygiène s'en sortent mieux, grâce à la fin des restrictions sanitaires et du télétravail généralisé.