La vidéosurveillance sous l’œil de l'IGP
L'inspection générale de la police vient de rendre son rapport sur l'efficacité des caméras dans la lutte contre la délinquance. Pas de doute : des progrès peuvent être faits.
Luxembourg-ville compte près de 98 spots de prises de vue pour aider la police dans son travail quotidien. Mais l'emploi du service est largement perfectible. © PHOTO: Anouk Antony
98 caméras veillent sur la capitale, ses habitants, ses salariés, ses touristes, ses visiteurs et... ses dealeurs, ses voleurs aussi. Mais tous ces yeux électroniques ont-ils une réelle influence sur le climat de Luxembourg en matière de délinquance. Pas vraiment, à en croire le rapport que vient d'établir l'Inspection générale de la police. Aussi, l'IGP ne s'est-elle pas privée de faire de nombreuses recommandations pour l'exploitation de ce service mis en fonction voilà plus d'une dizaine d'années maintenant.
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Car Visupol devrait, pourrait, avoir une utilité. A sa mise en place, ce réseau de caméras (fixes ou dômes) était porteur de nombreux espoirs : augmenter le nombre d'arrestations en flagrant délit, accroître les condamnations pénales y compris pour des infractions mineures, dissuader petits et gros délinquants. Il faut croire qu'avec le temps, et la réduction des moyens octroyés, le service a perdu de sa pertinence. Certes le nombre de spots a augmenté, la couverture géographique s'est étendue mais le nombre de personnels surveillant les écrans, lui, a plongé.
Ce point a été, bien entendu, relevé par l'Inspection générale. L'IGP s'étonnant -légitimement- qu'en dehors d'événements particuliers (type Schuberfouer ou match de foot au Josy-Barthel), Visupol n'est plus sous contrôle de professionnels dès 19h. Pas sûr qu'à cette heure-là, les dealeurs soient sagement au lit. Dix effectifs, dont nombre de personnels civils, ne sauraient suffire pour assurer le contrôle efficace des rues filmées, de jour comme en soirée.
Mais où se cachent-elles?
Au départ, environ 70 caméras du réseau Visupol ont été installées en trois points chauds de la capitale : secteur Gare, Aldringen et Limpertsberg-Glacis. Mais depuis la vidéosurveillance s'est étendue : autour du stade national rue d'Arlon, près du Pont Adolphe et autour du centre de conférence au Kirchberg.
Résultat, l'efficacité mesurée par le rapport de l'IGP est sans doute moindre qu'espérée. De 2014 à juillet 2020, le réseau de vidéosurveillance n'aurait ainsi permis que 38 interpellations en flagrant délit. A peine 7 par an donc... L'introduction du dispositif n'a pas permis, non plus, de voir le nombre d'affaires de petite ou grande criminalité régresser. Au mieux, y a-t-il eu ici ou là un «effet stabilisateur» notamment en matière de vols ou de violences. Mais concernant le trafic de stupéfiants, revendeurs et clients ont appris à jongler avec les angles morts et les coins hors de vue.
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Mais si l'Inspection n'hésite pas à qualifier le système de «guère intimidant», pas question d'en nier l'utilité. D'ailleurs, chaque année dans une trentaine de cas, les images collectées par Visupol s'avèrent «cruciales» dans la résolution d'enquêtes. Tout comme le guidage qui peut-être donné aux agents sur le terrain depuis la salle de contrôle conserve tout son intérêt aux yeux des policiers en patrouille ou en intervention dans les rues vidéosurveillées.
Reste qu'après avoir sondé des dizaines d'agents, l'IGP encourage le ministère de la Sécurité intérieure et la hiérarchie de la police grand-ducale à plus s'appuyer sur ce réseau, en renforcer l'organisation. Une question dont débattront également les députés, le 25 mars prochain. En possession du rapport, ils auront tout loisir de peaufiner le projet de loi en cours devant offrir un nouveau cadre légal à l'emploi de ces caméras.
Et qu'en disent les habitants?
En décembre, une vaste enquête sur le 'sentiment de sécurité' a été organisée auprès de 16.000 ménages de la capitale. Plus précisément des foyers de Bonnevoie, et des quartiers Gare, Limpertsberg. Et des réponses des 1.932 ménages qui ont participé à ce sondage TNS-Ilres, il s'avère que 67% estiment que la vidéosurveillance joue un rôle important pour l'amélioration de la sécurité publique et donc du bien-être quotidien. Mais ce n'est là que le 9e critère retenu. D'ailleurs, seulement un tiers pensent qu'une extension du réseau de caméras est nécessaire. Aux yeux des personnes interrogées, il apparaît que les solutions à l'insécurité tiennent en des remèdes autres comme un éclairage efficace de l'espace public, de la visibilité ou des patrouilles plus fréquentes. Un dernier élément qui fera le bonheur de la bourgmestre, Lydie Polfer (DP), qui a instauré des rondes d'agents privés autour de la gare centrale depuis décembre dernier. Vigiles et chiens qu'elle a l'intention de laisser en place, au moins, jusqu'en avril.