Le «coworking» face aux problèmes de mobilité
Face à l'afflux de frontaliers français au Luxembourg, un nouveau centre dédié au télétravail vient d'ouvrir ses portes du côté de l'agglomération de Thionville. Une solution toute trouvée pour limiter les embouteillages? Pas si sûr.
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Ce lundi 3 juin marque l'ouverture du S-Hub Meilbourg One, un bâtiment spécialement dédié aux «travailleurs frontaliers français» du Luxembourg - qui ont dépassé, en septembre 2018, la barre symbolique des 100.000 personnes.
Situé aux abords de l'autoroute A31, du côté de Yutz, ce S-Hub permet de réserver en temps réel un espace de travail, pour une demi-journée, une journée complète ou un mois entier.
Un service à «la luxembourgeoise»
«Le but est de faire du télétravail non pas à domicile, mais dans un lieu où le salarié peut retrouver des services: un parking de covoiturage, un service de conciergerie, des bureaux individuels, des salles de réunion...», explique Hervé Melchior, directeur de la Sodevam, société-mère de ce projet.
Car outre les bureaux et salles de réunion - 70 places sont actuellement disponibles, à partir de 17,30 euros la journée -, ce bâtiment offre toute une multitude de services divers, «à la luxembourgeoise», souligne le directeur dans un sourire.
Une solution de «démobilité»
Un clin d’œil volontaire. Cet espace vise en effet à attirer les nombreux travailleurs frontaliers empruntant chaque jour l'A31. «C'est une étape nécessaire pour apporter une solution de démobilité», détaille ainsi le maire de Thionville, Pierre Cuny.
L'homme politique, fervent supporter du télétravail, veut montrer l'intérêt qu'une telle structure à la frontière franco-luxembourgeoise peut apporter.
«Je trouve ça absurde, en 2020, de parler mobilité sans faire quelque chose pour le télétravail», martèle-t-il, ajoutant «cela va de pair avec l'A31 bis ou encore l'augmentation ferroviaire entre nos deux pays».
46 jours de télétravail par an
Si, sur le papier, le principe semble être la solution adaptée, une restriction de taille vient perturber ce procédé: pour l'heure, les frontaliers français sont limités à 29 jours par an de télétravail. Un nombre de jours que le maire de Thionville veut revoir à la hausse, rapidement.
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«Je veux pousser les autorités luxembourgeoises à permettre un jour de télétravail par semaine pour les frontaliers. Les Belges viennent d'obtenir 48 jours par an. Nous pouvons passer à 46 jours pour les Français!», martèle-t-il, ajoutant : «Il faut qu'on avance sur ce dossier. Songez à négocier du temps de télétravail plutôt qu'une voiture de fonction par exemple».
La législation pose problème
Mais un autre point vient ici noircir le concept du S-Hub. Si le modèle économique de ce projet se basait, dans un premier temps, sur une adhésion des banques et grandes entreprises du Luxembourg, ce sont finalement les institutions européennes qui ont été séduites.
En cause: une législation en matière de télétravail difficile à contourner. «Sur le plan fiscal, la richesse ne peut pas être produite en France pour que cela reste considéré comme du télétravail. L’administration française doit donc examiner les dossiers au cas par cas, et les entreprises craignent que les activités réalisées en France soient requalifiées fiscalement, donc ils ne veulent pas prendre de risque dans l’immédiat», se désole Hervé Melchior.
«Mailler le territoire»
Face à ces difficultés, le S-Hub n'a donc pu conclure aucun partenariat avec une entreprise grand-ducale. Aucune réservation officielle n'a été réalisée pour le moment, mais les concepteurs se laissent trois années pour prouver la fiabilité de leur concept. «Ce sera plein d'ici trois mois, vous verrez», renchérit Pierre Cuny avec certitude.
Un permis de construire pour un deuxième bâtiment sera d'ailleurs bientôt déposé. «Il faut expérimenter et surtout insuffler une dynamique. Notre but est de mailler le territoire d’autres espaces de télétravail comme celui-ci», appuie le maire de Thionville.
Le «coworking» au Luxembourg depuis 2012
Si le S-Hub développe un concept unique dans la Grande Région, de part sa multitude de services, le «coworking» a la cote depuis de nombreuses années au Grand-Duché.
Le travail coopératif existe ainsi dans le pays depuis 2012. Le premier espace à avoir ouvert ses portes était le Wishbox, qui s'est installé à Bereldange la même année.
Depuis, de nombreux autres espaces ont fleuri sur le territoire national et aux frontières, comme vous pouvez le voir dans notre carte ci-dessous:
Il faut dire que les problèmes de mobilité vont bon train dans le pays; certaines entreprises cherchent donc de nouveaux moyens pour alléger le quotidien de leurs salariés.
Une problématique que le gouvernement prend au sérieux. Plusieurs points dans l'accord de coalition visent à favoriser encore davantage le télétravail, aussi bien pour les résidents, que les frontaliers.