Le dilemme rouge
L'ambiance chez les socialistes n'est pas bonne ces jours-ci. Le pire résultat électoral obtenu depuis la Seconde Guerre mondiale soulève des questions fondamentales. L'objectif premier: se renouveler. Mais comment?
Le formateur du futur gouvernement, Xavier Bettel (de dos, au centre), salue la délégation socialiste lors de la première réunion de discussion en vue d'une coalition tripartite. © PHOTO: Pierre Matgé
Le LSAP avait obtenu 39,57% des voix en 1948. Son meilleur résultat électoral dans la période de l'après-guerre. En 1964, le parti socialiste plafonnait encore à 37,68% des voix. Difficile de s'imaginer aujourd'hui qu'en 1948, 1964 et 1974, le LSAP avait obtenu plus de voix que le CSV .
Et pourtant: le LSAP est tombé à 16,77% des voix entre-temps. Mais, après cette législature, il aura fait partie du gouvernement plus longtemps que le CSV. Enfin si tout va bien. Car il y a des voix au sein du parti, qui préconisent de passer dans l'opposition.
La dernière grande victoire électorale des socialistes remonte à 1984. Ils étaient passés de 24,87 à 33,57% et de 14 à 21 sièges au parlement. Même si le nombre de députés est passé de 59 à 64, ce fut un énorme succès. A l'époque, le LSAP était sorti de l'opposition. Lorsque le LSAP est passé dans l'opposition en 1999 après avoir perdu quatre sièges, le parti n'a gagné que 1% et un siège en 2004.
Le parti des seniors
Si dans le contexte des sondages en leur défaveur publiés dans le Luxemburger Wort avant les élections, le président du parti, Claude Haagen, et sa tête de liste, Etienne Schneider, se voulaient convaincants en expliquant que le renouvellement d'un parti ne pouvait avoir lieu qu'au sein d'un gouvernement, c'était davantage l'expression d'une conservation du pouvoir et une explication empirique. En effet, au cours des dernières décennies, les socialistes ont été affaiblis après chaque passage au gouvernement. Y compris le sortant. Tout comme une législature dans l'opposition ne mène pas automatiquement au renouvellement, ni ne conduit à un come-back glorieux. Comme l'a prouvé le CSV.
Le résultat des élections montre combien le LSAP est devenu le parti des seniors: Jean Asselborn, Mars Di Bartolomeo, Alex Bodry, Nicolas Schmit, mais aussi Dan Kersch et Romain Schneider, tous, au vu de leur résultat électoral, revendiqueront un poste.
Ils sont connus pour rester collés à leurs sièges. Ils sont depuis trop longtemps en politique et la voient comme une question existentielle, sans s'imaginer un autre horizon. Les tractations au sujet des postes ministériels sont actuellement plus importantes que la préparation des négociations de la coalition.
Une jeune génération, sans profil
La jeune génération a certainement eu l'opportunité de se profiler mais Yves Cruchten, Claudia Dall'Agnol, Taina Bofferding, Tess Burton n'en ont pas profité, ne se sont pas appropriés de sujets, ne se sont pas suffisamment fait connaître auprès de l'électorat. Seuls, Georges Engel vient d'être réélu et Dan Biancalana, bourgmestre de Dudelange, est un visage nouveau et porteur d'espoir. Lorsque le jeu de chaises musicales, entre ministres et députés en attente sera fini, peu de têtes auront probablement changé au premier comme au second rang. Dans ces circonstances, qu'en sera-t-il du LSAP dans cinq ans?
L'affaiblissement de la direction et de la base du parti est un autre problème. Les sections qui fonctionnent bien se comptent encore sur les doigts d'une main. La direction du parti s'en soucie peu et n'a visiblement pas l'étoffe: ni Claude Haagen, président du parti, ni le secrétaire général, Yves Cruchten, n'ont été réélus aux élections législatives.
La touche rouge doit coller
Si le LSAP veut convaincre sa base -qui donnera finalement son aval pour une participation à la coalition tripartite- il devra négocier durement. Le LSAP se trouve dans une position affaiblie et a perdu 3 sièges au parlement. Si l'on tient compte du rapport du Statec et le risque de pauvreté accru au Luxembourg, l'augmentation de salaire social minimum, combattue jusqu'ici par le DP, ne devrait plus être un problème. Tout comme la réduction du temps de travail (semaine de 38 heures et 6e semaine de congés). La réduction de l'impôt sur les sociétés rejetée par le LSAP devrait également constituer un point d'achoppement.
Le LSAP devra continuer à revendiquer la Sécurité sociale, la Santé ainsi que le ministère du Travail. Une non-modification de l'indice et des pensions, et l'introduction du tiers payant devront être des revendications de base. Stop aux thématiques sociales. La base sera moins intéressée par le fait qu'Etienne Schneider conserve les portefeuilles ministériels liés à la police, l'armée et la politique économique ou énergétique.
Annette Welsch (trad. MF)