Le Dossier de soins partagé ne demande qu'à grandir
Depuis 2006, l'idée était dans l'air. Désormais le fichier électronique individuel rassemblant toutes les informations sur la santé des 850.000 assurés de la CNS se déploie. A chaque acteur de le garnir de données.
Parmi les données qui pourraient être stockées dans le DSP figurent les résultats de radiologie ou IRM. © PHOTO: Lex Kleren
Il est des accouchements plus longs que d'autres. Celui du Dossier de soins partagé (DSP) aura pris... 14 ans. C'est dire si, ce mardi, ses ''parents'' étaient heureux de le présenter à la presse. Pensez donc, après une phase pilote de 2015 à 2019, il aura fallu attendre le début de cette année pour voir ce fichier montrer le bout de son nez. Et depuis le 1er janvier, il ne cesse de grandir, peuvent se féliciter la ministre de la Santé Paulette Lenert (LSAP) et son homologue de la Sécurité sociale Romain Schneider (LSAP) «Déjà 652.564 dossiers ont été ouverts pour une couverture globale de 850.000 affiliés à la CNS attendue pour fin 2020.»
Reste maintenant à chacun à se familiariser à ce fichier électronique unique à chaque assuré du Luxembourg où se retrouvent rassemblées un maximum d'informations sur son état de santé. Chacun, c'est-à-dire résidents et frontaliers mais aussi professionnels de santé. Pour ces derniers, une grande partie du travail a été accompli, rassure Christian Oberlé, président de l'agence eSanté: la très grande majorité des pharmacies, laboratoires, hôpitaux et services de soins à domicile, structures spécialisées et médecins généralistes ou spécialistes sont en mesure d'entrer leurs données sur le patient dans le DSP.
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Pour les médecins libéraux du Grand-Duché, près de 75% des cabinets sont en mesure de se connecter au dossier. «Dans la plupart des cas négatifs, il s'agit juste d'un manque d'équipement avec un logiciel compatible avec ce programme, pas de la mauvaise volonté», rassure Christian Oberlé. Un accompagnement veillera à compléter le dispositif.
Car ce Dossier de soins partagés est un fourre-tout sanitaire. Peuvent y être partagés liste des médicaments distribués, résultats d'analyses, compte rendu post-hospitalisation: tout peut être introduit dans ce document. Compris groupes sanguins, rappel des allergies, avis sur le don d'organes, rapports radiologiques, ordonnances, vaccinations, etc. «Et toujours l'assuré qui, au cas par cas, peut accepter ou refuser que tel ou tel professionnel de santé n'intègre les informations dans son propre DSP».
Cet assuré qui, informé par la Caisse nationale de la santé, a 30 jours pour activer l'ouverture électronique de son DSP personnel. Ensuite, c'est l'agence eSanté qui prendra le relais automatiquement. «Mais c'est bien l'assuré qui décide qui a accès à ses données», dit et redit Romain Schneider à qui s'inquiéterait d'une trop grande volatilité d'informations particulièrement intimes.
La mémoire médicale
Pour les autorités sanitaires, le déploiement de ce Dossier de soins partagé constitue une réelle avancée pour une meilleure prise en charge des malades. «Qu'un professionnel puisse en un seul clic consulter un maximum d'informations sur un patient constitue un gain de temps (et donc d'efficacité)», analyse Paulette Lenert. Finis les dossiers constitués à la va-vite par le malade et dans lequel il manque (toujours) la bonne pièce. Oubliée la prescription du docteur illisible. Impossible la confusion entre deux médicaments prescrits. La trace informatique sera la mémoire médicale de tous les assurés désormais.
D'ici peu, les deux ministères s'associeront pour lancer une campagne de promotion du DSP. Communication à destination des usagers de tous âges pour faire comprendre l'utilité de cette nouveauté tant attendue. Dans le même temps, les professionnels de santé devront prendre le réflexe de bien remplir leur part dans le dossier. «Car aucune obligation légale ne les force à cela. Les professions libérales restent maîtres de leurs actes», mais nul doute que le pli sera vite pris.
Déjà plus de 747.000 informations ont pu être implémentées, depuis janvier. Et rien qu'en septembre dernier, les dossiers ouverts alors se sont remplis de près de 3.400 données par jour.
Et pour les frontaliers?
Oui, les salariés français, belges ou allemands et autres recevront, comme les résidents, une demande pour valider l'ouverture de leur Dossier de soins partagés individuel. Car ce n'est pas la nationalité du bénéficiaire qui compte dans le DSP, juste son affiliation à la CNS. Mais pour ces salariés le dispositif connaît une limite: actuellement, seuls les professionnels de santé ayant le doit d'exercer au Luxembourg peuvent accéder à ce fichier pour le documenter ou y puiser des informations. Alors quid des consultations, des analyses ou des prises en charge médicales dans le pays de résidence de ce public frontalier? «Nous travaillons actuellement avec la Région Grand Est», indique Christian Oberlé. Déjà pour recenser les professionnels qui pourraient intégrer notre système, ensuite pour voir comment rendre compatible le système de ''Dossier médical partagé'' en place côté français. «Un casse-tête», ne cache pas le porteur du projet. Et qu'il faudra entamer aussi avec les autres Etats voisins...