Le Luxembourg au régime sec
Inutile de croire que les orages de ces derniers jours ont changé la donne. L'épisode de sécheresse demeure. Mais si la situation en termes d'eau potable n'apparaît pas préoccupante, le monde agricole qui vient de vivre une énième vague de chaleur s'inquiète davantage.
Selon l'Administration de la gestion de l'eau, le niveau des cours d'eau est préoccupant mais pas catastrophique. © PHOTO: Shutterstock
(DH) - Après la canicule, les orages. Mais si les phénomènes météorologiques se succèdent, les derniers bilans des spécialistes de la situation hydrologique du pays font état d'un épisode de sécheresse qui perdure et affecte à la fois les ressources en eau potable, les récoltes et même les vendanges.
«Faute de pluviométrie suffisante, le niveau des rivières et des ruisseaux est bas pour le moment et nous ne constatons pas d'amélioration», souligne Jean-Paul Lickes, le directeur de l'Administration de la gestion de l'eau. Et si pour ce dernier, la situation ne présente pas de caractère «préoccupant», à ce jour, il rappelle les recommandations émises à la mi-juin concernant l'utilisation de l'eau du robinet ainsi que le prélèvement des eaux de surface.
Avec un mois de janvier le plus chaud de tous les temps, et un hiver le plus clément depuis 1947, «ces conditions ont influencé le régime hydrologique des cours d'eau et des eaux souterraines». Des conditions exceptionnelles qui ont fait suite au déficit pluviométrique des deux années précédentes, rappelle Jean-Paul Lickes. «Avec des sols asséchés, et malgré des pluies abondantes, il a fallu attendre la deuxième semaine de janvier 2019 pour observer une fenêtre utile pour recharger les nappes aquifères.»
Par ailleurs, et en conséquence du changement climatique, la végétation couvre les sols plus précocement et plus longtemps, «ce qui freine les infiltrations». «Ces deux éléments sont impactants car n'oublions pas que la moitié de notre alimentation en eau potable reste issue des eaux souterraines», souligne encore le directeur de l'Administration des eaux.
Pour ce dernier, il demeure aussi impératif d'adopter une nouvelle stratégie. Stratégie qu'il résume en trois points: protéger les ressources, réduire la consommation par habitant et par jour - elle est actuellement de 135 litres - et chercher de nouvelles grandes ressources. Pour ce dernier point, les eaux de la Moselle sont envisagées pour être ajoutées au réseau.
«Les nappes phréatiques sont sous stress», insiste encore Jean-Paul Lickes. Mais pas question de crier au loup et d'affoler la population. Les réserves d'eau potable sont suffisantes, «même en cas de deuxième vague de covid-19». «Nous avons l'expérience de la première vague. J'estime que les impacts vont se niveler. De toute façon, nous sommes préparés et en contact avec nos fournisseurs.»
Si l'Administration de la gestion de l'eau se veut rassurante, le son de cloche ne résonne pas de la même manière du côté du ministère de l'Agriculture. «Les mois de juillet et août ont été très secs, les sols agricoles sont très asséchés», indique Andrew Ferrone, chef du service météorologique. En raison d'un manque d'humidité dans les deux premiers mètres du sol, ce dernier n'est pas en capacité de retenir l'eau. Et les conséquences ne se sont pas fait attendre. Il n'y a qu’à observer les étendues de prairies jaunies par la chaleur pour s'en rendre compte.
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Certes, les moissons ont été effectuées plus tôt que prévu cette année mais le rendement n'est pas à la hauteur des espérances. Les pertes se mesurent jusqu'à 40% par endroit selon la Centrale paysanne. «Il n'y a plus de nourriture pour les animaux dans les prairies permanentes. Certains agriculteurs ont dû rentrer leurs animaux à l'étable et les nourrir avec les stocks hivernaux», précise encore le Dr Ferrone. Les cultures de maïs, grosses consommatrices, apparaissent aussi «dans un état catastrophique faute d'irrigation».
La vigne aussi souffre de la sécheresse. Surtout les jeunes pieds qui ne sont pas encore âgés de cinq ans et qui ne possèdent pas de racines suffisamment profondes. «Habituellement, les températures élevées sont un bel atout, notamment pour certains cépages comme le Riesling qui arrive à maturité, mais nous observons des brûlures au niveau des feuilles.» Sur les ondes de RTL, Josy Gloden, le président des Domaines Vinsmoselle, estimait même une perte de 25% de la production sur certaines parcelles.
Le secteur agricole n'a pas encore demandé d'aide à l'Etat, mais une rencontre avec le ministre Romain Schneider (LSAP) est programmée le 3 septembre pour un état des lieux.