Virgule
Bettel a été le premier chef de gouvernement de l'UE à rendre visite à Zelensky après que la Commission européenne s'est prononcée en faveur de l'octroi à l'Ukraine du statut de candidat à l'adhésion.
MultimédiaUn an de guerre

Ukraine: le Luxembourg l'aide comme au premier jour

Bettel a été le premier chef de gouvernement de l'UE à rendre visite à Zelensky après que la Commission européenne s'est prononcée en faveur de l'octroi à l'Ukraine du statut de candidat à l'adhésion. © PHOTO: AFP

Appréhension de la guerre, soutien militaire, accueil des réfugiés, échanges diplomatiques...Virgule.lu revient sur les moments-clés des relations du Luxembourg avec l'Ukraine depuis le début du conflit.

Journaliste

Vers une guerre imminente?

24 février 2022. Vladimir Poutine lance son «opération militaire spéciale en Ukraine». Le chef du Kremlin justifie cet acte de guerre, qui ne dit pas son nom, en prétendant vouloir «dénazifier» l'Ukraine.

Deux semaines plus tôt, Jean Asselborn (LSAP) pensait ce scénario encore évitable. Le ministre des Affaires étrangères disait le 8 février à la Chambre voir les visites d'Emmanuel Macron à Moscou et à Kiev comme «des signes pour sortir du tunnel et pour qu'il n'y ait pas de guerre». Le chef de l'Etat français assure alors la présidence française du Conseil européen.

Emmanuel Macron rencontre Vladimir Poutine à Moscou pour éviter le déclenchement d'une guerre en Ukraine.

Emmanuel Macron rencontre Vladimir Poutine à Moscou pour éviter le déclenchement d'une guerre en Ukraine. © PHOTO: AFP

Quatre jours plus tard, le chef de la diplomatie du Grand-Duché demande aux ressortissants luxembourgeois présents en Ukraine de quitter le pays. Dans un entretien accordé au Luxemburger Wort, Jean Asselborn confie à ce moment-là que même en tant que ministre des Affaires étrangères «il est difficile d'y voir clair» sur les intentions russes.

«La diplomatie est là pour éviter les guerres. Nous devons faire comprendre à la partie russe que nous voulons discuter sincèrement de ce qu'elle critique et des points sur lesquels nous pouvons nous réunir à nouveau.»

L'inquiétude d'une guerre imminente, Nicolas Zharov la sent monter au sein de la communauté ukrainienne du Luxembourg. Entre 2.000 à 3.000 Ukrainiens sont alors présents au Grand-Duché. «Ils me demandent ce qu'on va faire, si quelqu'un va partir en Ukraine et si on va manifester ici au Luxembourg», raconte le président de l'association LUkraine mi-février à Virgule.lu. Il ne manque pas de rappeler que le conflit dure déjà depuis 2014 dans une partie de son pays d'origine.

Lire aussi :«Une honte pour la Russie»

Lundi 21 février. Vladimir Poutine prend la parole à la télévision russe. «Je juge nécessaire de prendre cette décision qui était mûre depuis longtemps: immédiatement reconnaître l'indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk». Le président russe reconnaît ainsi l'indépendance des séparatistes prorusses d'Ukraine.

Jeudi 24 février. Les chars russes franchissent la frontière ukrainienne. «Une journée sombre et triste» selon Xavier Bettel (DP). «La sécurité et la stabilité en Europe sont en danger», fait remarquer le Premier ministre luxembourgeois. Les députés condamnent «fermement» cette agression russe. Sous le choc, la communauté ukrainienne se mobilise à Luxembourg-Ville, demandant «d'arrêter Poutine».

Le soutien militaire et logistique du Luxembourg

Le Luxembourg décide rapidement de venir soutenir l'Ukraine. Le 28 février, le ministre de la Défense François Bausch (déi gréng) annonce ainsi des mesures d’assistance et d’appui militaires en faveur de l’Ukraine. L'armée luxembourgeoise fournit dans un premier temps notamment 100 armes antichars de type NLAW (Next Generation Light Anti-Tank Weapon).

En un an, le Luxembourg a engagé près de 90 millions d'euros pour soutenir l'Ukraine selon François Bausch le 14 février dernier.

Le Grand-Duché s'est aussi engagé à former dès 2023 des soldats ukrainiens en participant à la mission d'assistance militaire de l'Union européenne pour l'Ukraine (EUMAM Ukraine), avec d'autres partenaires internationaux comme les États-Unis et Royaume-Uni.

Lire aussi :Documenter les crimes de guerre avec des scanners 3D

La solidarité luxembourgeoise s'est aussi traduite par l'envoi de camions de secours. Ces derniers ont été envoyés dans le cadre de la campagne de solidarité mondiale «Ukrain is calling» lancée depuis le Grand-Duché. L'objectif est de récolter 10 millions d'euros pour acheminer 100 véhicules d'urgence en Ukraine. La commune de Dudelange y a également participé en offrant un camion-échelle à l'Ukraine.

Luxembourg, terre d'accueil pour les réfugiés ukrainiens

Au-delà de l'appui militaire luxembourgeois, le Grand-Duché devient aussi une terre d'accueil pour les réfugiés ukrainiens. Pour faciliter leur arrivée, les Ukrainiens sont exemptés des restrictions temporaires aux frontières extérieures mises en place suite à la crise sanitaire et peuvent prétendre au statut de protection temporaire.

Lire aussi :Que deviennent les réfugiés ukrainiens au Luxembourg ?

Des structures et des lits sont préparés pour pouvoir les héberger. Les premiers réfugiés sont accueillis par la commune de Differdange. Pour l'année 2022, l'Office national de l'accueil (ONA) recense 3.877 personnes ayant fui la guerre en Ukraine dans son réseau d'hébergement. Rien que pour le mois de mars 2022, elle en comptait déjà 1726, soit pratiquement la moitié des exilés accueillis sur toute l'année par l'ONA.

La solidarité luxembourgeoise se traduit également dans les différentes communes du pays. Ces dernières se sont organisées pour héberger les réfugiés et leur fournir des produits de première nécessité. La commune de Schifflange a par exemple lancé un projet de tiny house pour leur offrir un toit.

Sur toute l'année 2022, le Luxembourg a tendu la main à 5.000 réfugiés ukrainiens selon le ministère des Affaires étrangères.

Scolarisation des réfugiés ukrainiens A la date du 7 février 2023, le ministère de l'Éducation recensait 1.264 élèves réfugiés dans les écoles publiques, dont 397 dans les classes des écoles fondamentales et 867 dans les écoles internationales et lycées.

Bettel: Allô Kiev, allô Moscou

«La mort de Poutine, le seul moyen de sortir de la guerre.» Jean Asselborn crée la polémique avec ses propos tenus au micro de 100.7 le mercredi 2 mars. «Ma réaction à la question de savoir si une «solution» pouvait être trouvée a été que la guerre en Ukraine ne peut être arrêtée que si les actions de Poutine peuvent être arrêtées. Je ne vois pas d'autre solution. Les deux mots «éliminer physiquement» m'ont échappé», affirme-t-il par la suite.

Des mots moins chocs, mais francs. Xavier Bettel tente d'être un médiateur dans le conflit. Mettre un terme à la «tragédie humaine» et «instaurer un cessez-le-feu». Voilà le message qu'a tenté de faire passer Xavier Bettel en appelant Vladimir Poutine le 14 février. Le Premier ministre luxembourgeois dit avoir encouragé le chef du Kremlin «à établir un contact direct avec le président Zelensky pour sortir de cette crise».

Lire aussi :Le Luxembourg expulse un diplomate russe

Mais après le massacre de Boutcha, le lien entre Xavier Bettel et le président russe Vladimir Poutine est rompu. Le chef du gouvernement se dit choqué par ce crime de guerre où au moins 20 corps sans vie ont été retrouvés le 2 avril dans cette ville proche de Kiev. «Je n'ai plus envie désormais. Pour un dialogue constructif, il faut être deux à le faire avancer», explique-t-il lors fin mai dernier.

Notre ligne du temps avec les moments marquants du conflit est à retrouver ici.

Zelensky en visio, Bettel à Kiev

Avec Kiev en revanche, les échanges sont réguliers. Xavier Bettel dit être en contact une fois par semaine avec les autorités ukrainiennes, dont le chef du gouvernement ukrainien Denis Chmywal et le président Volodymyr Zelensky.

«Mir wëlle bléiwe wat mir sinn.» Le 2 juin, le président ukrainien s'exprime en visioconférence à la Chambre des députés et reprend la devise luxembourgeoise «nous voulons rester ce que nous sommes».

«A l'heure où je vous parle, 20% de notre territoire est sous occupation russe. C'est largement plus que l'espace total du Benelux. Nos territoires sont souillés par des obus et des mines. 5 millions de nos compatriotes ont quitté le pays et 12 millions d'entre eux ont dû être déplacés.»

Trois semaines après cette allocution à la Chambre, Xavier Bettel rencontre Volodymyr Zelensky en Ukraine. Ce dernier l'a invité le 21 juin à venir constater les dégâts de la guerre.

Le chef du gouvernement luxembourgeois s'est notamment rendu à Borodyanka, dévastée par les bombardements successifs. Cette ville située en périphérie de Kiev est un «symbole de cruauté et de violence insensées» selon Xavier Bettel.

La Russie désignée «la menace la plus importante»

«L'Ukraine, c'est l'Europe.» C'est le message lancé à plusieurs reprises lors des manifestations de soutien organisées par l'ASBL LUkraine.

Le jeudi 23 juin, ce pays en guerre franchit une étape dans son rêve européen en obtenant le statut de candidat à l'Union européenne. Mais l'ancien Premier ministre Jean-Claude Juncker prévient sur RTL: «L'Ukraine ne doit pas croire qu'elle fait déjà partie de l'UE, ça va encore durer des années, beaucoup de réformes sont nécessaires.»

La semaine suivante, les Européens et Américains se réunissent lors du sommet de l'OTAN(28-30 juin) à Madrid. Le nouveau Concept stratégique 2022 y est adoptés par les Alliés. Ce document «définit clairement la Russie comme la menace la plus importante et directe pour la sécurité euro-atlantique.

Pour Xavier Bettel, présent au Sommet de l'Otan, il est «plus nécessaire que jamais» d'adopter une «nouvelle posture de dissuasion et de défense avancées de l’Alliance».

La tournée européenne de Zelensky

Plusieurs chefs d'Etat se sont rendus à Kiev depuis le début de la guerre pour montrer leur solidarité.

Volodymyr Zelensky quitte pour la première fois son pays depuis le début du conflit. Il se rend aux Etats-Unis le 21 décembre. Il entame par la suite en février une tournée européenne.

Lire aussi :«L'Ukraine a besoin de trois milliards de dollars par mois»

Après un déplacement à Londres et Paris, le président ukrainien s'est rendu à Bruxelles le 9 février. Il a demandé aux Européens de livrer davantage de matériel militaire, notamment des avions de chasse, à l'Ukraine.

Pour Nicolas Zharov, président de LUkraine, la livraison d'avions de chasse est nécessaire pour que l'Ukraine puisse se battre à armes égales face à la Russie: «Cette guerre va durer encore plus et provoquer plus de morts et blessés. Il est maintenant temps d'accélérer, nous n'avons plus de temps à perdre!»

Le Luxembourg continuera à soutenir l'Ukraine.
Xavier Bettel, Premier ministre

Xavier Bettel a assuré à Volodymyr Zelensky à Bruxelles que «le Luxembourg continuera à soutenir l'Ukraine en offrant une aide militaire, une aide humanitaire et un soutien dans les forums internationaux pour s'assurer qu'aucun crime de guerre ne restera impuni.»

«Un tribunal spécial, établi à travers un accord entre l'Ukraine et les Nations Unies, semble être la meilleure option afin d'assurer la redevabilité pour le crime d'agression contre l'Ukraine et de surmonter le problème de l'immunité personnelle des dirigeants russes», a encore souligné le Premier ministre luxembourgeois.

Dans un entretien accordé au Tageblatt (publié ce vendredi 24 février), le ministre de la Défense François Bausch (déi gréng) rappelle la position du Luxembourg: «Nous sommes aux côtés de l'Ukraine et nous la soutiendrons aussi longtemps que nécessaire. Cela ne doit pas se retourner contre le peuple russe. Il ne s'agit pas d'attaquer la Russie, mais de défendre l'Ukraine.»

Sur le même sujet

Sur le même sujet