Le Luxembourg pressé de nommer ses procureurs délégués
Didier Reynders a rappelé, lundi, que le Grand-Duché restait à la traîne pour désigner les deux magistrats devant être affectés au Parquet européen. Le commissaire européen à la Justice insistant sur la nécessité d'un choix avant la mi-2021.
Le commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, a été reçu au Cercle Cité. © PHOTO: Chris Karaba
«Je tiens à remercier le Luxembourg pour son soutien infaillible, en tant que pays hôte, au Parquet européen.» Mais face aux députés du Grand-Duché, lundi matin, le compliment du commissaire européen chargé de la Justice n'a pas masqué un regret: celui de constater que l'institution (désormais installée au Kirchberg) ne savait toujours pas quels magistrats allaient représenter le pays au sein de cette autorité devant enquêter sur toute malversation impactant le budget de l'UE.
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Certes le pays a marqué son intention, mais aux yeux de Didier Reynders, les deux noms attendus tardent à venir (sur 140 désignés par les 22 pays participants). Un commissaire européen impatient de voir débuter les travaux pour le premier semestre de cette année. La Chambre a entendu le message, tout comme ensuite la ministre de la Justice Sam Tanson (Déi Gréng). «mais je suis certain que dans les semaines à venir, ce sera chose faite», encourageait le politique belge.
Mais en cette fin mars, le représentant de la Commission von der Leyen était surtout de passage au Grand-Duché pour présenter le premier rapport européen sur l'Etat de droit. Autrement dit la juste soumission du pouvoir exécutif aux lois en place. Si au sein des 27, le Luxembourg est loin d'être un cancre en la matière, Didier Reynders a surtout insisté pour que le pays «en devienne un «modèle. Et pour cela quelques efforts restent à faire, certes bien moindres que dans d'autres pays moins disciplinés en la matière. Pologne ou Hongrie par exemple.
«L'Etat de droit, une culture que nous devons renforcer»
Quand le pouvoir politique s'exerce sans contrôles parlementaire ou judiciaire véritables, alors il en est fini de l'Etat de droit. Idem quand la corruption, les discriminations prennent le pas sur le bien commun dans l'action publique, la liberté ou la pluralité des médias. Et de cela, globalement, l'Union européenne ne veut pas quitte à pénaliser les pays dérivant vers trop d'autoritarisme. D'où notamment ce règlement sur le financement européen qui a été rédigé pour conditionner les aides au respect de l'Etat de droit sur le territoire de l'UE. Un texte applicable depuis ce 1er janvier 2021, remis en cause par la Pologne et la Hongrie et dont l'application reste suspendue à une prochaine décision de la Cour européenne de justice. Signe que rien n'est acquis en la matière.
Alors qu'un second rapport sur l'Etat de droit devrait être publié en juillet 2021, le commissaire européen a notamment rappelé qu'il était important que le Luxembourg presse le pas, notamment sur la création d'un Conseil national de Justice ou de la magistrature. Le Parlement y travaille déjà, notamment dans le cadre de la révision constitutionnelle. Cependant, Didier Reynders n'a pas manqué de souligner qu'il convenait qu'au moins la moitié des sièges de magistrat de ces autorités soient occupés «par des représentants désignés par leurs pairs», et non pas seulement par choix des politiques. Une ligne de conduite indispensable pour garantir l'indépendance de la structure «Mais je ne doute pas que ce point sera tenu.»
Parmi les ''reproches'' évoqués dans le rapport sur l'Etat de droit, il a également été souligné qu'en matière de lutte contre la corruption, il n'existait «ni cadre, ni stratégie spécifique, ni de personnels dédiés directement» à cette mission. Au lendemain des révélations d'OpenLux, la piqûre de rappel s'impose toujours visiblement.
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Tout comme le pays doit agir plus visiblement et efficacement contre le lobbying. «Aucun registre des groupes d'intérêt n'est mis en place», a indiqué Didier Reynders. Invitant les parlementaires à réfléchir à la création de pareil fichier mais aussi à doter le pays d'une loi fixant le cadre des nominations d'untel à tel poste par rapport à des fonctions exercées par le passé. Autrement dit, être plus vigilant aux conflits d'intérêts éventuels et autres formes de pantouflage...
Si besoin, d'autres Etats ont déjà avancé sur la question. Comme la France, l'Allemagne ou l'Autriche. Et si besoin encore, le GRECO (Groupe d'États contre la corruption) ne manque pas de conseils pour orienter les députés dans leurs réflexions , a rappelé le commissaire européen. Message saisi, notamment, par Charles Margue (Déi Gréng). Le président de la commission Justice de la Chambre notant bien qu'au-delà du texte, c'est à sa bonne application qu'il faut veiller. Sinon, comme l'a fait remarquer l'élu écologiste «un texte ne vaut pas plus que le papier sur lequel il est rédigé».