Le luxembourgeois, langue nationale depuis 35 ans
La loi votée le 24 février 1984 a officiellement renforcé le multilinguisme du pays en ajoutant à l'allemand et au français une troisième langue de réponse pour les administrations. Trois décennies plus tard, la question linguistique reste d'actualité.
Ce dimanche 24 février, la langue luxembourgeoise célèbre ses 35 ans en tant que langue nationale. © PHOTO: Gerry Huberty
Le 24 février 1984, la langue luxembourgeoise devenait la langue nationale des Luxembourgeois à travers la loi sur le régime des langues. Aujourd'hui, 35 années plus tard, a-t-elle aussi acquis le statut de langue d'intégration d'un pays qui compte un nombre toujours croissant de résidents étrangers?
Ces dernières années, le luxembourgeois a vivement animé le débat politique montrant ainsi comment Luxembourgeois et résidents étrangers considèrent la langue de Dicks.
En 35 ans, le luxembourgeois a fait du chemin et s'est doté d'une grammaire et a conventionné son orthographe. © PHOTO: Gerry Huberty
E.Dicks, justement, l'enjeu pour le gouvernement n'a pas été simplement de promouvoir la langue nationale mais également sa culture. Un plan d'action qui s'étire sur 20 ans, soutenu par la loi du 20 juillet 2018, promet de renforcer son importance, de soutenir son utilisation et son étude, d'encourager son apprentissage et de promouvoir sa culture.
En 35 ans, le luxembourgeois a fait du chemin et s'est doté d'une grammaire et a conventionné son orthographe. Une formation continue nommée"Lëtzebuerger Sprooch a Kultur" a vu le jour à l'Université du Luxembourg, un dictionnaire en ligne permet en quelques clics de vérifier son orthographe. Sans compter le «national branding» et ses emojis.
«Dans la mesure du possible»
Cependant, les termes de la loi, bien qu'ils fassent de la langue luxembourgeoise la langue nationale du pays, stipulent que les administrations peuvent répondre «dans la mesure du possible» dans la même langue à toute requête qui lui est adressée en allemand, en français ou en luxembourgeois.
Ainsi, des voix se font entendre demandant d'introduire l'obligation pour les administrations de répondre aux requêtes des citoyens dans la langue choisie par ceux-ci. Une requête que le député ADR, Fernand Kartheiser, appuie: il vient de déposer une proposition de loi allant dans ce sens.
La langue luxembourgeoise est-elle pour autant en péril? Si pour l'UNESCO, elle se place dans les langues dites «vulnérables» (La plupart des enfants parlent la langue, mais elle peut être restreinte à certains domaines (par exemple: la maison), ndlr), elle n'a pourtant jamais eu autant d'adeptes parmi les résidents étrangers et les frontaliers.
3/4 de la population parle le luxembourgeois
D'après une étude du Statec datant de juin 2018, le luxembourgeois est la langue commune de trois quart de la population. Une langue vernaculaire parlée par 73% et écrite par 65% des sondés.
L'étude est également intéressante car elle montre que les jeunes Luxembourgeois entre 16 et 24 ans plébiscitent leur langue nationale et qu'ils sont 94% à l'utiliser pour communiquer avec leurs congénères.
Mais elle montre aussi que 92% des jeunes sondés parlent les trois langues officielles du pays et souvent même, une ou deux de plus.
Ces dernières années, enseigner le luxembourgeois est aussi devenu une démarche que l'on retrouve dans les établissements privés destinés en grande partie à une population résidente étrangère. En ce qui concerne les francophones, le lycée Vauban a mis en place des cours de luxembourgeois à partir du collège et l'école Charlemagne s'est dotée à la rentrée dernière de cours pour les classes de primaire.
L'école Charlemagne s'est lancée en septembre dernier dans une expérience qui n'a encore jamais été réalisée au Luxembourg par une école francophone: enseigner la langue luxembourgeoise aux élèves, dès les classes de primaire. © PHOTO: Gerry Huberty
«Sur le plan éducatif, cela nous a semblé tout à fait cohérent» , nous expliquait il y a quelques mois, Aude Libert, enseignante et directrice de l'établissement. «On ne peut pas aimer ce qu'on ne connaît pas et, de fait, apprendre aux enfants le pays qui les accueille est devenu au fil du temps une évidence pour nous».
Explosion des demandes de cours de luxembourgeois
On estime aujourd'hui le nombre de locuteurs à 400.000 personnes, un chiffre qui n'a jamais été aussi élevé et qui va grandissant ces dernières années au regard du nombre croissant d'inscriptions officiellement enregistrées auprès de l'Institut national des langues (INL) pour apprendre la langue.
Ce sont les personnes résidentes qui constituent la majeure partie des élèves de l'INL. Elles représentent 90,91% des élèves alors que les travailleurs résidant hors des frontières sont 9,4%.
La mise en place d'une nouvelle loi sur la nationalité a incité les résidents étrangers à prendre des cours afin de pouvoir réussir le test de langue nécessaire à l'obtention de la nationalité luxembourgeoise.
En 2013, 2014 et 2015, l'INL enregistrait une quarantaine de personnes inscrites par an en cours de luxembourgeois. A partir du printemps 2016, ce ne sont pas moins de 142 personnes qui suivent le cursus du niveau B1.
Pour rappel, les candidats à la nationalité doivent avoir le niveau A2 en expression orale et le niveau B1 pour la compréhension.
Cette réalité satisfait-elle les défenseurs de l'identité luxembourgeoise qui craignent que cette augmentation soit davantage le fait de la hausse de la population que d'un véritable engouement pour la langue?
Pour le Premier ministre, Xavier Bettel, appelé a réagir à l'issue des deux débats à la Chambre suscités par deux pétitions publiques antagonistes sur la place à attribuer à la langue luxembourgeoise: «Le luxembourgeois est notre langue» et elle «n'est pas en train de mourir».