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Nutrition au Luxembourg

Le Nutri-Score peine encore à trouver son public

Un peu plus d'un an après l'introduction de ce système au Luxembourg, l'heure est au premier bilan.

Cette classification, que certains acteurs de l'agroalimentaire pourraient qualifier de «discriminante», peine encore à trouver son public au Luxembourg.

Cette classification, que certains acteurs de l'agroalimentaire pourraient qualifier de «discriminante», peine encore à trouver son public au Luxembourg. © PHOTO: Getty Images

Journaliste

Il est aujourd'hui difficile de passer à côté du Nutri-Score, tant celui-ci a envahi les rayons de nos supermarchés depuis son introduction, il y a un peu plus d'un an. Des milliers de produits disposent désormais d'une notation allant de A à E, censé représenter la qualité nutritive de l'aliment concerné.

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En effet, c'est en février 2021 que le Nutri-Score a fait officiellement son apparition dans sept pays européens, dont le Luxembourg, la Belgique ou encore la France. Le lundi 7 mars, l'heure était au bilan pour les comités scientifiques et de pilotage issus de cette collaboration transnationale. Ces derniers ont publié leurs rapports annuels. Des rapports qui indiquent qu'en général, l'algorithme du Nutri-Score, qui calcule donc la qualité nutritive d'un aliment pour lui donner une note, fonctionne «bien». «Certaines améliorations peuvent être obtenues dans des domaines spécifiques. Ainsi, une proposition de révision de l’algorithme est attendue en été 2022», peut-on toutefois lire dans les rapports.

Un système qui peut se révéler défaillant

Sur papier, l'initiative du Nutri-Score peut paraître louable. Un indice permettant de guider facilement le consommateur vers un mode de vie plus sain est une bonne idée. Dans les faits, l'algorithme de calcul a ses défauts. Ainsi, certains aliments pourraient se voir attribuer un mauvais Nutri-Score (D ou E) en raison d'une trop grande quantité de graisses. C'est notamment le cas du beurre qui, pourtant, a également ses bienfaits pour la santé, à l'instar de certaines huiles qui elles aussi sont loin d'être néfastes pour la santé et qui se sont pourtant vues décerner un mauvais Nutri-Score. Bref, le tout est de savoir dans quelle quantité est consommé le produit concerné.

Les comités scientifiques l'ont bien compris et reconnaissent à demi-mot que certains produits pourraient être injustement notés. Parmi ceux-ci : les poissons et les fruits de mer, les graisses et les huiles, les produits à grains entiers, les boissons, les produits laitiers, le sel et le sucre.

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Cette classification, que certains acteurs de l'agroalimentaire pourraient qualifier de «discriminante», peine encore à trouver son public dans les entreprises luxembourgeoises pour les raisons invoquées ci-dessus. Guy Feyder, vice-président de la Chambre d'Agriculture luxembourgeoise, ne dit pas autre chose au moment d'évoquer le Nutri-Score. «Le secteur suit ce projet avec une certaine prudence», entame l'intéressé.

«Se nourrir sainement, cela comporte un ensemble d'aliments et non un seul alors que c'est ce que fait le Nutri-Score. Un exemple frappant est également celui des frites surgelées qui présentent, au moment de l'achat, un Nutri-Score A ou B. Alors certes, les pommes de terre sont bonnes pour la santé mais ici, ces frites ne seront pas mangées crues et passeront dans la majorité des cas par la friteuse, seront salées et mangées avec des sauces, ce qui fera exploser le compteur des calories. Le Nutri-Score n'est donc pas logique et cela freine certaines entreprises de l'agroalimentaire au Luxembourg.»

Seulement cinq entreprises participantes au Luxembourg

Jeannette Muller, conseillère au ministère de la Protection des consommateurs, explique avoir également bien pris connaissance de ces rapports. Cette dernière précise qu'à l'heure actuelle, seulement cinq entreprises dans le pays ont manifesté un intérêt pour le Nutri-Score.

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«Mais cela peut s'expliquer par le fait qu'il n'y pas une quantité énorme d'acteurs dans l'agroalimentaire. Il faut toutefois noter que le Nutri-Score est déjà très présent sur notre marché, car celui-ci est très ouvert», note-t-elle. Bien que le marché soit limité, il reste encore des entreprises à séduire, afin de les faire adhérer à ce projet. «A l'instar des autres pays, nous souhaitons laisser le temps à ces acteurs de l'industrie pour leur donner le temps de réflexion nécessaire et rejoindre le projet une fois qu'ils seront décidés à le faire. Peut-être que la nouvelle version de l'algorithme permettra de convaincre les plus réticents.»

Il n'empêche que la conseillère au ministère de la Protection des consommateurs assure que l'instauration du Nutri-Score a déjà eu un impact positif sur le marché. «On constate que le consommateur est davantage vigilant vis-à-vis de ce qu'il achète grâce à ce Nutri-Score. Toutefois, le bilan luxembourgeois en tant que tel interviendra un peu plus tard.»

Si aujourd'hui, le Nutri-Score est bien accepté au Luxembourg, en France, en Belgique mais aussi en Allemagne, d'autres pays européens ont toujours refusé l'instauration de ce système comme l'Italie, la Grèce ou encore la Roumanie. «Pour l'heure, il y a 7 pays qui ont pris part à ce projet», précise Jeannette Muller, qui n'exclut pas que de nouveaux pays rejoindront le mouvement dans un avenir proche.

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