Le paradigme de la sécurité nucléaire est révolu
Pratiquement un an après la catastrophe de Fukushima Daiichi au Japon - c'était le 11 mars 2011 -, Greenpeace Luxembourg, par la voix de Roger Spautz, a présenté les conclusions d'un rapport d'experts intitulé "Les leçons de Fukushima". La fin du paradigme de la sécurité nucléaire n'est pas la moindre.
Les risques réels étaient certes connus, mais largement sous-estimés
Pratiquement un an après la catastrophe de Fukushima Daiichi au Japon - c'était le 11 mars 2011 -, Greenpeace Luxembourg, par la voix de Roger Spautz, a présenté les conclusions d'un rapport d'experts intitulé "Les leçons de Fukushima". La fin du paradigme de la sécurité nucléaire n'est pas la moindre.
Douze mois se sont écoulés depuis la catastrophe nucléaire de la centrale japonaise de Fukushima Daiichi. Trois experts, le Dr David Bolley (physicien nucléaire), David McNeill (correspondant au Japon) et Arnie Gundersen (ingénieur nucléaire) ont rendu un rapport intitulé "Les leçons de Fukushima".
Avant d'analyser l'éventualité d'une telle catastrophe sur le sol européen, et singulièrement aux portes du Luxembourg, en France, Belgique et Allemagne, Roger Spautz, de Greenpeace Luxembourg, a dévoilé les trois principales conclusions à tirer du rapport susmentionné.
La première grande leçon à tirer est assurément la fin du paradigme de la sécurité nucléaire. Il est en effet clairement apparu que les autorités japonaises avaient tort quant aux hypothèses émises à propos des risques d'accident nucléaire. Les risques réels étaient certes connus, mais largement sous-estimés.
Le nucléaire sans risque n'existerait donc pas, car il reste à la merci de défaillances techniques ou humaines, ou encore de catastrophes naturelles. Les fameux "stress tests" (tests de résistance) auxquels sont régulièrement soumises les centrales nucléaires tendent à le prouver.
Le deuxième point important est que, si le Japon est considéré comme l'un des pays les mieux préparés au monde pour le traitement des catastrophes majeures, dans la réalité de la catastrophe de Fukushima, il est apparu que face à l'urgence, les plans d'évacuation prévus pour protéger les populations avoisinantes ont totalement échoué. L'évacuation s'est déroulée de manière très chaotique.
Sur ce plan, il convient également de pointer le manque coupable de transparence des autorités japonaises - singulièrement le gouvernement - ainsi que de TEPCO, la société exploitante de la centrale.
Bref, une impréparation généralisée et une mauvaise communication à tous les échelons - Etat comme opérateur - qui ont entraîné des décisions inadaptées ou trop tardives.
Enfin, la troisième conclusion importante du rapport a trait aux populations elles-mêmes, et se rapproche très fort de la question des droits de l'Homme.
Des centaines de milliers de personnes ont en effet été affectées par les évacuations afin d'échapper à la contamination radioactive. Elles ne peuvent pas reconstruire leur vie aujourd'hui, en raison d'un manque de soutien et de compensation financière, bien que le Japon soit l'un des trois seuls pays possédant une loi qui rend l'exploitant nucléaire responsable de la totalité des coûts d'une catastrophe.
La catastrophe est arrivée parce que les institutions ont préféré protéger les profits de l'industrie nucléaire plutôt que les personnes © PHOTO: Reuters
Une catastrophe avant tout d'origine humaine
Ces différentes conclusions amènent à une réflexion générale sur le rôle des autorités dans la gestion de la catastrophe. Il ressort du rapport que ce n'est pas seulement une catastrophe naturelle (tremblement de terre et tsunami) qui a conduit à la catastrophe nucléaire de Fukushima, mais les échecs à la fois du gouvernement japonais, des régulateurs et de l'industrie nucléaire. Et ce, dans un pays que l'on pensait parfaitement préparé pour faire face à ce type de catastrophe.
La catastrophe est arrivée parce que les institutions ont préféré protéger les profits de l'industrie nucléaire plutôt que les personnes. La catastrophe nucléaire de la centrale de Fukushima est donc avant toutes choses d'origine humaine et pourrait se répéter dans n'importe quelle installation nucléaire dans le monde.
Et, comme aucune leçon n'a été tirée par les responsables politiques, selon Roger Spautz, des millions de personnes continuent d'être exposées aux risques du nucléaire.
Ainsi, en Europe, tous les tests de résistance montrent que toutes les centrales ont des points faibles et qu'une catastrophe n'est pas à exclure aux portes du Luxembourg.
Un point important n'est d'ailleurs pas analysé dans le cadre de ces tests: les plans d'urgence externes. L'opacité complète des procédures à suivre en cas d’accident nucléaire laisse la population concernée totalement désarmée face à une situation critique. Les Plans Particuliers d’Intervention (PPI), qui ne sont pas les mêmes selon les types d’installations et les zones géographiques, modifient les procédures à appliquer suivant la distance du site. Elles sont ridiculement réduites au-delà de dix kilomètres.
Dans l'espace "Union européenne + Suisse", on compte 19 centrales nucléaires, pour 39 réacteurs, qui sont localisés dans les environs d'une ville de 100.000 habitants. Parmi celles-ci, la centrale de Cattenom (4 réacteurs) en France, ainsi que celles de Doel (4 réacteurs) et Tihange (3 réacteurs) en Belgique.
Fort de ce constat, Greenpeace exige des gouvernements européens d’inclure une analyse approfondie des plans d’urgence externes comme troisième volet dans le cadre des tests de résistance.
Dans un contexte identique, il est intéressant de relever que le rapport luxembourgeois sur la centrale lorraine de Cattenom sera rendu public lundi prochain. Il émane d'un expert luxembourgeois, mandaté en son temps pour établir un rapport sur toutes les centrales nucléaires françaises.
La catastrophe de Fukushima aura à tout le moins, dans un premier temps, induit des conséquences indirectes, comme la réduction (parfois drastique) de la capacité nucléaire au Japon, mais aussi en Allemagne et en Grande-Bretagne. En outre, elle a provoqué l'arrêt provisoire de la construction de 27 réacteurs nucléaires en Chine.
Et, qui sait?, comme à toutes choses malheur est bon, ce drame représente peut-être un tournant, et fournira l'occasion de se tourner vers d'autres sources d'énergie efficace (l'éolien, le solaire, ...) et de construire un avenir sans risque atomique.