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Il y a trente ans

Le peuple luxembourgeois reçoit le prix Charlemagne

Ce fut un grand moment dans l’histoire du pays. Le 8 mai 1986, la population luxembourgeoise reçut le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle.

Marc Vanacker

(mv) - Le 8 mai 1986 est une date importante dans l’histoire du Luxembourg. C’est le jour où les 365.000 hommes et femmes luxembourgeois de l’époque ont reçu le prix international Charlemagne d’Aix-la-Chapelle. Cela a également été la première et jusqu’aujourd’hui unique fois qu’une population tout entière ait reçu cette haute distinction en hommage pour les efforts exemplaires et persévérants dans l’intérêt de l’union des peuples de l’Europe.

Dans son éloge panégyrique, le lauréat de l’année précédente, l’ancien président de l’Allemagne (1979 à 1984) Karl Carstens avait souligné les mérites du peuple luxembourgeois. « Déjà au 20e siècle, le Luxembourg a joué un rôle important dans la politique européenne… Les Luxembourgeois ont été des Européens convaincus dès le début… Le rôle que le Luxembourg a joué dans les négociations s’est répercuté dans l’attribution des institutions européennes. Le Luxembourg est ainsi devenu le siège de la Cour européenne de Justice, de la Cour des comptes européenne, de la Banque européenne d'investissement et du secrétariat général du Parlement européen. »

De nombreux Luxembourgeois avaient pris part aux festivités le 8 mai 1986 dans la ville d’Aix-la-Chapelle.

Le Grand-Duc Jean, en tant que représentant du peuple luxembourgeois, avait reçu le prix. C’est également à lui qu’est revenu l’honneur du discours. En voici un extrait :

« Les progrès rapides en science et en technologie en général, et en particulier dans le domaine des moyens de communication modernes ont fait que l’Europe, malgré son potentiel économique considérable, sa richesse, son haut degré de culture et sa civilisation avancée, est devenue cette péninsule dont Paul Valéry a parlé. En d’autres termes, il y a une partie de son destin que l’Europe ne tient plus en ses propres mains. […] Ce n’est que dans une Europe unie que les peuples d’Europe, dans le troisième millénaire de l’histoire chrétienne occidentale et donc européenne, peuvent continuer d’emprunter le chemin historique qu’ils ont pris par le passé avec succès. La paix extérieure et intérieure, la conservation et l’enrichissement de […] l’héritage culturel commun et enfin la croyance inébranlable en un destin européen commun sont les facteurs décisifs dont la combinaison mènera au succès, à condition naturellement que les Européens désirent réellement ce succès. »

De Joseph Bech à Jean-Claude Juncker

Deux autres Luxembourgeois ont encore reçu le prix Charlemagne : Joseph Bech en 1960 et Jean-Claude Juncker en 2006.

Le laudateur, Robert Schuman au sujet de Joseph Bech:

« Le Luxembourg ne revendiquait pas seulement la reconnaissance de ses anciens droits mais voulait également prendre sa propre place au sein des pays européens lorsque ceux-ci se mirent à construire une nouvelle Europe. […] Vous avez intégré dès ses débuts la Communauté pour le charbon et l’acier. Et en même temps, vous avez assuré à votre pays de siéger au sein des hautes autorités; ensuite, vous avez intégré le Marché commun, Euratom et le plan de défense commune. Mais tout cela a pris son véritable sens avec la réconciliation avec l’ennemi d’hier. La méfiance et l’adversité transitoires ont laissé place à une coopération durable et s’inscrivant dans la confiance. »

Extrait du discours de l’ancien ministre d’Etat et chef du gouvernement, Joseph Bech

« A la volonté de pouvoir nous devons opposer la passion plus saine d’une volonté de liberté et de démocratie ainsi que la croyance en toutes les valeurs qui sont menacées et qui font que la vie vaut la peine d’être vécue: la liberté individuelle, le droit, la dignité humaine et l’humanité. […] Seule la croyance inébranlable en la supériorité des valeurs fondamentales de notre conception de l’homme, qui trouve ses racines dans l’héritage antique et chrétien, peut donner à nos peuples la volonté de défendre ces valeurs, ainsi que le courage de prendre sur soi le poids de toutes les mises en garde, lesquelles nous poussent à un fort engagement. […] Il est ainsi permis d’avoir l’espoir, que peut-être un jour, sous la pression des faits, vienne le moment qui permettra de jeter les bases politiques de l’organisation interne de l’Europe. »

Juncker, le seul a avoir deux fois reçu le prix

L’actuel président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a également reçu le prix Charlemagne.

A l’époque, c’était l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl qui a prononcé l’éloge panégyrique. Voici un extrait:

«Jean-Claude Juncker et moi-même nous sommes rencontrés lors de nombreuses réunions dans le cadre de la Communauté européenne et de l’Union européenne. […] Il s’y connaît vraiment dans les affaires d’Etat, et dans tous les domaines, que ce soit la politique budgétaire, économique ou européenne. Il réussit toujours à créer un équilibre entre les différents intérêts. En même temps, il est assez intelligent, en tant que premier ministre du Luxembourg, pour préserver les intérêts de son pays. A chaque fois qu’il est passionné par quelque chose dont il est personnellement convaincu, il reste ouvert à la discussion. Cela a fait de lui un interlocuteur recherché, un négociateur estimé et une personnalité dirigeante respectée de tous en Europe. Peu de personnes en Europe atteignent son niveau en tant que négociateur. […] L’Europe lui a tenu et continue de lui tenir à cœur! »

Jean-Claude Juncker«couronné» à Aachen

Notre journaliste Maurice Fick, qui était sur place à l’époque, avait décrit dans les colonnes de la Voix du Luxembourg la cérémonie comme suit :«Arrêtons de nous lamenter et soyons plutôt fiers de ce que nous avons fait en Europe et de ses atouts». C'est en substance le message lancé hier par Jean-Claude Juncker au moment de recevoir officiellement le prix Charlemagne dans la salle des couronnements de l'hôtel de ville d'Aix-la-Chapelle en présence d'une prestigieuse brochette de personnalités politiques d'hier et d'aujourd'hui, du couple grand-ducal, de son épouse et toute sa famille.

Aussitôt couronné, le «Premier» a dédié au peuple luxembourgeois la récompense obtenue pour son dévouement pour la cause européenne.

«Avec Jean-Claude Juncker, le directoire de la société pour la remise du prix Charlemagne de la Ville d'Aix-la-Chapelle rend hommage en 2006 à un grand Européen qui représente depuis vingt ans, par sa crédibilité, sa compétence et sa ténacité – dans la meilleure tradition du peuple luxembourgeois – un moteur du processus d'intégration, réussissant comme peu d'autres à enthousiasmer et gagner les citoyens et citoyennes à l'œuvre d'unification européenne. Jean-Claude Juncker a fait de grandes choses pour l'Europe. L'avenir repose aussi sur ses épaules» conclut le Dr Jürgen Linden. Le bourgmestre d'Aix-la-Chapelle était chargé hier matin, jour de l'Ascension, de remettre officiellement le prix Charlemagne 2006 à cet «homme de confiance» devant plus de 800 convives sous les yeux du «père fondateur de l'Europe» et les feux de la mythique salle des couronnements de la ville impériale.

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