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Le racisme reste un défi pour le Luxembourg

Si une manifestation est organisée vendredi en signe de solidarité aux afro-américains victimes de racisme, l'événement sera également l'occasion de revenir sur une problématique peu médiatisée au Grand-Duché, bien qu’existante selon les associations.

Pour Lëtz Rise Up, la manifestation prévue vendredi à 14h devant l'ambassade US est l'occasion de revenir sur une problématique peu médiatisée au Grand-Duché

Pour Lëtz Rise Up, la manifestation prévue vendredi à 14h devant l'ambassade US est l'occasion de revenir sur une problématique peu médiatisée au Grand-Duché

Anne-Sophie de Nanteuil

La vidéo du meurtre de George Floyd, un citoyen américain d'origine africaine, aura fait le tour de la planète. Et elle aura surtout choqué. Au Luxembourg, l'association Lëtz Rise Up a décidé de réagir. Alors que les mouvements de protestation violents continuent outre Atlantique, la manifestation prévue vendredi après-midi dans la capitale sera, elle, pacifique. Au programme, un rassemblement et des discours afin de «transformer cette souffrance et cette colère en quelque chose de positif», explique Sandrine Gashonga, présidente de l'association féministe et antiraciste.

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Un message de tolérance qui semble séduire puisque si une centaine de participants était espérée, le mouvement devrait réunir «pas moins de 300 personnes», selon les estimations de l'association. Sur Facebook, ils sont même plus de 600 à indiquer vouloir participer à l'événement, malgré des conditions météo bien moins favorables que ce mardi. Une participation attendue bien au-delà de la limite fixée en raison de la pandémie à 20 personnes en extérieur. «Nous sommes en train de constituer une équipe pour que les personnes puissent respecter les consignes sanitaires», tente toutefois de rassurer Sandrine Gashonga.

Une manifestation qui entend soulever une problématique ouvertement sociétale puisque le Luxembourg n'échappe pas au racisme. Bien que sans commune mesure avec le phénomène observé aux Etats-Unis, le traitement différencié des individus en fonction de la couleur de la peau constituerait l'une des facettes des discriminations au Grand-Duché. Du moins, à en croire les conclusions d'une étude réalisée en 2018 par l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Cette dernière révélait que 52% des résidents luxembourgeois d'origine africaine se sont sentis «victimes d’un harcèlement raciste au cours des cinq dernières années». Des chiffres que tempérait fin 2019 Corinne Cahen (DP), ministre de la Famille et de l'Intégration, en soulignant l'absence de «données de référence» luxembourgeoises à disposition des sondeurs. Ce qui n'empêchait pas la ministre d'admettre l'existence d'un «certain nombre de défis», illustrés par le le traitement d'«une vingtaine de dossiers par année en moyenne» par le Centre pour l'égalité de traitement.

Si le Grand-Duché manque de données sur le sujet, la question du racisme n'en est pas moins importante pour le pays dont la population est composée pour moitié d'étrangers, la plupart provenant de l'Union européenne. En effet, si l'esprit «multikulti» semble plutôt bien fonctionner, les discriminations «existent bel et bien», souligne Laura Zuccoli, présidente de l'Asti. Selon le rapport d'activité du Centre pour l'égalité de traitement (CET), 31 dossiers ont ainsi été déposés pour un motif de discrimination raciale en 2019, qu'il soit supposé ou avéré.

Un nombre vraisemblablement sous-représentatif à en croire Laura Zuccoli. Toutes les victimes ne portent en effet pas plainte. «Les gens ne se sentent pas à l'aise et craignent des représailles», souligne la présidente de l'organisation non gouvernementale. Des discriminations qui seraient d'ailleurs présentes «tant dans le milieu professionnel que personnel avec notamment la question du logement». Avec des propriétaires davantage intéressés par les origines de leurs locataires plutôt qu'à leur solvabilité, selon les révélations de nos confrères de RTL en juillet dernier.

Une information que confirme Laura Zuccoli, évoquant des dénonciations de résidents. Des critères raciaux tacites, notamment envers les «personnes d'origine africaine ou indienne». Le problème, souligne-t-elle, c'est qu'il n'existe «aucune preuve écrite».

Face à ce défi, le gouvernement a bien mis en place des outils spécifiques. Entre autres, rappelle Corinne Cahen, «la charte de la Diversité Lëtzebuerg», «le Centre pour l'égalité de traitement» ou encore «le plan d'action national d'intégration». Un plan dans lequel ne figure «même plus la lutte contre le racisme», regrette toutefois la présidente de l'Asti, évoquant par là une incongruité.

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