Le télétravail à l'heure des changements
Les deux mois de confinement passés ont prouvé l'efficacité du télétravail. Mais le cadre légal reste trop restrictif pour donner à cette forme d'organisation plus d'ampleur à l'avenir.
Seuls 31% des salariés sont restés à leur poste au Luxembourg depuis le début du confinement, mi-mars. © PHOTO: dpa
(pj avec Morgan KUNTZMANN) Le télétravail? Aujourd'hui, on lui prête toutes les vertus. Il a sauvé des vies, selon l'argumentation de la directrice du Liser. Sans doute. Il aura permis à ce que le produit intérieur brut du Luxembourg ne chute pas aussi fortement que dans les autres États de l'UE. Selon la dernière publication du Statec, 69% des salariés du pays seraient ainsi passés à cette forme de travail à domicile ces dernières semaines. Un chiffre boosté par le confinement et à mettre en relation avec les données 2019 quand, en moyenne, il était estimé que 20% de la main-d'oeuvre avait pu opter dans l'année à cette formule.
Mais aussi bénéfique qu'ait pu être ce passage, reste que le télétravail peine à trouver un cadre légal au Grand-Duché. Un problème qu'a dernièrement soulevé à la Chambre le député Marc Spautz (CSV). «Le Home Office apporte beaucoup de bonnes choses aux gens. Economie sur les trajets domicile-travail, moins d'embouteillages, réduction des émissions de CO2. Mais quand votre employeur peut-il vous joindre? Quand pouvez-vous rester hors ligne? Qu'en est-il de la sécurité au travail? Comment s'assurer en cas d'accident? L'employeur est-il autorisé à contrôler le lieu de travail de l'employé?»
Sans même parler des incertitudes subsistant pour les 200.000 frontaliers. Selon son pays de résidence, chacun se retrouve sous une réglementation différente. Certes, pendant l'état de crise, les jours télétravaillés ne seront pas décomptés comme à l'habitude. Mais ce n'est qu'une pause temporaire, il est devenu pressant de régler cette question (qui joue sur la fiscalité des salariés et l'organisation des entreprises) avec les voisins français, belges et allemands. La discussion est d'autant plus urgente que la fin probable de l'état de crise approche (le 24 juin).
Le député Charles Margue (Déi Gréng) s'en préoccupe d'ailleurs. «Sur quel état de crise les accords binationaux sur le télétravail ont-ils été pris? Le français ou le luxembourgeois, par exemple? Car en termes de date de sortie, cela va faire une grande différence.» En conséquence, les députés demandent à ce que les accords bilatéraux avec les Etats voisins soient bien vite renégociés. Avec cet objectif pour le Grand-Duché : voir les salariés belges, français ou allemands bénéficier de plus de jours (hors fiscalité) de télétravail qu'avant la crise.
Qui paye quoi?
Sven Clement (Piraten) a déposé un projet de loi en ce sens. Mais selon le député, il y a aussi un aspect social à ne pas négliger : «Alors que les propriétaires qui ont déjà un bureau peuvent le déduire de leurs impôts, d'autres qui travaillent en appartement ou qui ont peu d'espace doivent travailler dans leur cuisine sans déduction possible».
Marc Baum (Déi Lénk) prolonge la réflexion en rappelant qu'historiquement, l'employé fournit sa main-d'œuvre à son employeur qui, lui, lui offre son cadre. Mais dans la formule télétravail, le travailleur met à disposition non seulement l'espace de travail mais aussi l'électricité nécessaire à l'exécution de ses missions sur ordinateurs, quand ce n'est pas l'accès à son réseau internet personnel. «Comment cela pourrait-il être financé?», s'interroge le parlementaire. Sans oublier les problématiques de santé spécifiques à cette pratique.
La balle est désormais dans le camp des différentes commissions de la Chambre qui devront répondre à tous ces aspects. Que ce soit pour le secteur privé ou l'administration luxembourgeoise, elle aussi amenée à télétravailler plus à l'avenir. Patrons, employés et politiques ont pu juger de la pertinence du dispositif ces dernières semaines, il faut donc battre le fer du temps qu'il est chaud.