Les policiers bientôt équipés d'une caméra individuelle
Le Luxemburger Wort a reçu l'avant-projet de loi sur l'utilisation des bodycams par la police. Chaque policier sera équipé d'une caméra individuelle sur l'ensemble du territoire.
La Sarre mise depuis 2018 sur un modèle qui montre également l'image enregistrée. © PHOTO: dpa
Avant les vacances d'été, le projet de loi sur l'utilisation de bodycams par la police devrait être prêt. C'est ce qu'a confirmé cette semaine le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox (Déi Gréng), en marge d'une conférence de presse.
Mais contrairement à ce qui avait été annoncé les années précédentes, il n'y aura pas de phase de test, a précisé Henri Kox. Chaque policier sera équipé d'une caméra individuelle sur l'ensemble du territoire. Son port sera obligatoire. Le prix d'achat des plus de 2.000 appareils devrait se situer entre six et sept millions d'euros.
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A première vue, l'annonce de Henri Kox rappelle d'autres promesses faites dans ce contexte ces dernières années. C'est un projet qui, depuis qu'il a été évoqué il y a plus de cinq ans, se trouve dans la «dernière ligne droite» - du moins si l'on écoute les responsables politiques.
Un projet pilote déjà promis en 2018
En avril 2017, il fait l'objet d'une pétition, en décembre 2017, le ministre de la Sécurité intérieure de l'époque, Etienne Schneider (LSAP), annonce la mise en place de caméras.
En juillet 2018, il promet de lancer un projet pilote de bodycams pour les policiers du quartier de la gare en septembre 2018. Un an plus tard, ce n'est toujours pas le cas, mais Schneider explique que la base légale est désormais prête.
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Le plaidoyer du chef de la police
En 2019, sous le ministre de la Police François Bausch (Déi Gréng), il est dit que l'on travaille d'arrache-pied à la base légale. Son successeur et actuel ministre de la Sécurité intérieure a déclaré en juin 2021 que le sens et l'objectif des caméras devaient d'abord être définis - et il a fait référence, comme ses prédécesseurs, aux difficultés liées à la loi sur la protection des données.
Quelques mois plus tard, le 5 octobre 2021, c'est le directeur général Philippe Schrantz qui, lors de la fête patronale de la police, prononce un plaidoyer étonnamment enflammé en faveur de l'introduction des bodycams. Il souligne que cet appareil de surveillance mobile est bénéfique à la fois pour la protection du policier et pour la transparence pour le citoyen.
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L'argument fait sens : celui qui sait qu'il est filmé dans ses actions réfléchit à deux fois avant de faire quoi que ce soit, que ce soit en tant que policier ou en tant que citoyen. Juste après le discours de Philippe Schrantz lors de la fête de la Saint-Michel, le ministre Henri Kox a indiqué que des consultations étaient toujours en cours.
En coulisses, on dit ce jour-là qu'en matière de bodycam, ni Etienne Schneider ni ses successeurs n'ont réellement écrit concrètement ce qu'ils allaient faire depuis leur promesse. Plusieurs événements dramatiques survenus au cours des mois précédents auraient déjà plus qu'illustré l'urgence de la situation.
Le jour de la fête nationale 2021, la vieille ville avait été le théâtre de graves violences entre des groupes de jeunes et la police. Par la suite, un policier a également fait l'objet d'une enquête. Les violents affrontements ont été principalement documentés par des vidéos de témoins oculaires dans les médias sociaux, qui ne montraient toujours que quelques instantanés. Les bodycams auraient incontestablement facilité les poursuites judiciaires. De plus, elles auraient pu avoir un effet de désescalade dès le début.
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Elles auraient également permis une clarification plus rapide après un incident dramatique survenu en août 2021 à Ettelbruck. Des policiers avaient été attaqués par un homme armé d'un couteau. Lorsqu'un agent a ouvert le feu sur l'homme et l'a tué, il s'agissait, selon l'enquête désormais terminée, d'un cas de légitime défense absolue. Là aussi, les vidéos prises par des témoins sur leur téléphone portable ont joué un rôle décisif dans l'enquête.
L'avant-projet de loi donne un aperçu
Ces événements ont sans doute contribué de manière décisive à la décision de généraliser l'utilisation des bodycams dans un avenir proche. Le Luxemburger Wort a reçu l'avant-projet de loi modifiant l'article 43-bis de la loi sur la police, qui prévoit l'introduction des bodycams.
L'idée de base est de permettre à la police d'effectuer des enregistrements vidéo dans toutes les situations où des incidents peuvent se produire.
Selon l'avant-projet de loi, l'enregistrement des images et du son ne doit pas être permanent. Il peut être lancé et arrêté lorsque cela est nécessaire. Les caméras doivent être portées de manière visible. La mise en service doit être communiquée oralement à toutes les personnes présentes - si les circonstances le permettent. En outre, l'enregistrement sera signalé par un signal sonore au début et par un signal lumineux pendant l'enregistrement.
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Concrètement, la caméra doit se trouver en temps normal dans une sorte de mode veille. Celle-ci enregistre alors toujours des séquences d'une durée de 30 secondes dans une mémoire temporaire, qui sont ensuite toujours réenregistrées. Lorsqu'un policier appuie sur le déclencheur pour démarrer l'enregistrement, les 30 secondes précédentes sont également transférées dans une mémoire fixe. Elles font alors partie intégrante de l'enregistrement.
La mémoire est protégée. L'intégrité de l'enregistrement des images et des sons est ainsi garantie. En outre, tous les accès aux données sont également consignés. Chaque accès doit être justifié par écrit. Seul le fonctionnaire portant la caméra et les personnes désignées par le directeur général ont accès aux caméras et à leur contenu. Les images ne peuvent toutefois être visionnées que si cela s'avère nécessaire dans le cadre des missions de la police.
Effacement automatique des données avec des exceptions
Les données enregistrées sont automatiquement effacées au bout de 28 jours, sauf si elles font déjà l'objet d'une enquête préliminaire à ce moment-là - tant dans le domaine pénal que disciplinaire, précise l'avant-projet de loi.
Il y a toutefois une exception notable : les enregistrements des grandes interventions peuvent être utilisés, avec l'autorisation de l'opérateur de caméra concerné et du directeur général de la police, aussi bien pour analyser les événements que pour la formation.
La durée de conservation est alors de dix ans maximum. Si une personne est identifiable dans les enregistrements utilisés à des fins de formation, elle doit être rendue méconnaissable de manière irréversible.
L'avant-projet de loi a été transmis le 28 avril dernier à l'inspecteur général de la police, au syndicat de la police et aux différentes représentations du personnel dans la police. Ceux-ci avaient jusqu'au 11 mai pour donner leur avis.
Le SNGPL favorable aux bodycams
Interrogé par le Luxemburger Wort, le président du SNPGL Pascal Ricquier confirme l'existence de l'avant-projet de loi. Le Syndicat national de la police grand-ducale est bien sûr favorable à l'introduction des bodycams comme moyen d'intervention, souligne Pascal Ricquier. Mais le syndicaliste s'inquiète de l'organisation pratique de l'utilisation, telle qu'elle est actuellement envisagée par le ministre Henri Kox.
Nous sommes convaincus que les images des caméras ne devraient être visionnées que sur ordre du parquet.
«L'exploitation et l'analyse des caméras devraient être prises en charge par le service Visupol de la police», explique-t-il. Il s'agit du service qui gère actuellement les caméras de surveillance dans les lieux publics de la capitale.
«Nous craignons cependant que le ministre sous-estime la charge de travail que représente l'exploitation de plus de 2.000 caméras», poursuit Pascal Ricquier. «Si cette unité n'est pas mise en place de manière adéquate, le projet est voué à l'échec». Selon lui, l'utilisation des bodycams par la police va bien au-delà du simple fait de les attacher à l'uniforme le matin et de les enlever le soir.
Les caméras qui seront utilisées au Luxembourg n'ont pas encore été déterminées de manière définitive. «La grande majorité des modèles de caméras utilisés dans ce domaine à l'étranger sont des appareils de bonne qualité technique», souligne Pascal Ricquier. «Mais il existe de grandes différences en termes d'utilisation et d'objectif. Il est donc extrêmement important d'orienter la décision d'achat de manière précise et sans compromis en fonction de l'utilisation prévue».
Mais Pascal Ricquier a encore des doutes sur un autre point : «Nous sommes convaincus que les images des caméras ne devraient être visionnées que sur ordre du ministère public», souligne le président du SNPGL. «C'est la seule façon d'éviter une utilisation abusive des images».
Cet article a été publié pour la première fois sur wort.lu/de