Virgule
Campagne électorale

Législatives: les partis vont chercher des voix au... Brésil

Sur invitation de l'Association des citoyens luxembourgeois du Brésil, cinq partis politiques du Grand-Duché se rendent dans le plus grand pays d'Amérique du Sud. La campagne des législatives se joue ainsi aussi de l'autre côté de l'Atlantique.

11.495 Brésiliens ont obtenu la nationalité grand-ducale parce qu'ils avaient un ancêtre luxembourgeois.

11.495 Brésiliens ont obtenu la nationalité grand-ducale parce qu'ils avaient un ancêtre luxembourgeois. © PHOTO: Marc Wilwert

Journaliste

Un meeting politique, rien de plus banal. Et pourtant, celui-ci sort de l'ordinaire, qu'il s'agisse du lieu ou encore du public. Sur invitation de l'Association des citoyens luxembourgeois du Brésil (AcLux), les représentants de cinq partis politiques du Grand-Duché (Pirate, déi gréng, CSV, LSAP et ADR) se rendent à Florianopolis, capitale de l'Etat brésilien de Santa Catarina.

Au programme, rencontre ce vendredi 31 mars des élus brésiliens suivie, samedi, d'une présentation du fonctionnement du Parlement luxembourgeois en vue des élections législatives du 8 octobre 2023.

Près de 20.000 Luxembourgeois au Brésil

Selon le ministère des Affaires étrangères, en date du 31 décembre 2022, 19.939 Luxembourgeois sont déclarés comme résidant au Brésil. Parmi eux, des naturalisés grâce à la procédure de recouvrement. C'est le cas de la plupart des 600 personnes attendues pour assister à cet événement politique.

Pour rappel, cette procédure mise en place en 2009 permettait d'obtenir la nationalité grand-ducale si les personnes concernées avaient un ancêtre luxembourgeois. À la date du 28 mars 2023, 11.495 Brésiliens ont effectué cette démarche selon le ministère de la Justice.

Roberta Zuge, vice-présidente de l'AcLux, est à l'origine de l'organisation du meeting.

Roberta Zuge, vice-présidente de l'AcLux, est à l'origine de l'organisation du meeting. © PHOTO: DR

Pour rappel, cette procédure mise en place en 2009 permettait d'obtenir la nationalité grand-ducale si les personnes concernées avaient un ancêtre luxembourgeois. À la date du 28 mars 2023, 11.495 Brésiliens ont effectué cette démarche selon le ministère de la Justice.

C'est le cas aussi de la vice-présidente de l'AcLux Roberta Zuge, à l'initiative du meeting organisé. Elle vit depuis deux ans à Mersch et travaille en tant que vétérinaire. «C'est mon cousin qui a découvert que notre arrière-grand-père était Luxembourgeois et nous sommes plusieurs dans notre famille à avoir fait la demande.»

«Nous essayons de trouver des solutions pour faciliter l'installation des naturalisés au Luxembourg», explique-t-elle. Selon cette dernière, malgré la nationalité, des problèmes administratifs demeurent. Elle souhaite ainsi pointer du doigt ce problème, mais aussi soulever les préjugés qui peuvent exister envers ces Néo-Luxembourgeois venant d'un «pays dit exotique» et créer des contacts entre cette communauté et son nouveau pays d'adoption. Parmi les Brésiliens naturalisés, certains feront plus de 2.000 kilomètres depuis Brasilia pour venir assister au meeting, raconte Roberta Zuge.

L'opération séduction de Sven Clement

«Quand nous avons reçu l'invitation, c'était une évidence pour nous d'y aller», indique le député Pirate Sven Clement qui sera du déplacement.«Ils ne connaissent pas forcément le fonctionnement de nos élections». Est-ce l'occasion de faire une opération de séduction pour gagner de nouveaux électeurs? «C'est évidemment un signal qu'on les prend au sérieux.»

Lire aussi :40% de néo-Luxembourgeois grâce à un aïeul en 2022

Le fondateur des Pirates ne manque pas de rappeler son engagement pour les néo-Luxembourgeois. Il avait notamment défendu la prolongation de la procédure de recouvrement. «Je m'engage aussi pour qu'il y ait des consuls itinérants permettant de faciliter l'obtention de carte d'identité et de passeport. Nous devons développer notre réseau consulaire à l'étranger et améliorer la reconnaissance des diplômes», fait-il valoir. Roberta Zuge dit avoir eu, en effet, des problèmes pour faire reconnaître son master de vétérinaire en arrivant au Grand-Duché.

Le député Pirate estime que ces Luxembourgeois exilés «envers lesquels beaucoup de préjugés persistent», sont tous «des ambassadeurs du Grand-Duché» et contribuent à son rayonnement dans le monde.

Ce voyage au Brésil ne sera pas le premier pour Sven Clement. Il s'est déjà rendu en mai dernier dans les villes de São Pedro de Alcântara, Angelina et Rancho Queimado dans l'Etat de Santa Catarina pour rencontrer la communauté luxembourgeoise.

Selon l'ACLux, Sven Clement est le premier à avoir pris des billets d'avion. Mathis Godefroid, également membre du parti Pirate, l'accompagne dans ce nouveau voyage.

Les autres partis étaient davantage favorable à ce que cet événement soit organisé en ligne. Djuna Bernard, coprésidente de déi gréng, regrette comme les autres partis que cette «alternative moins coûteuse et plus respectueuse de l'environnement» n'ait pas été choisie. «Mais je comprends que les organisateurs préfèrent qu'il puisse y avoir un contact direct.»

Lire aussi :Sam Tanson élue officiellement tête de liste nationale des Verts

Les «mêmes droits et devoirs»

Pour la députée écologiste le message adressé à ces néo-Luxembourgeois reste le même que celui transmis au Grand-Duché: «Déi gréng voit les défis de notre époque et propose des solutions et des alternatives. La crise climatique touche autant le Brésil que nous et la protection de la biodiversité est également importante dans ces deux pays.»

«Avec la nouvelle loi d'intégration qui est en train d'être étudiée à la Chambre toutes les personnes venant chez nous, y compris celles qui ont la nationalité luxembourgeoise, pourront bénéficier des mêmes outils, accompagnements et formations», expose Djuna Bernard. Elle souligne également que ce déplacement est l'occasion d'éclairer ces citoyens sur leurs «droits et devoirs».

Des représentants de cinq partis politiques luxembourgeois se sont rendus à Florianopolis afin d'échanger avec des députés brésiliens et des Luxembourgeois résidant au Brésil.

Des représentants de cinq partis politiques luxembourgeois se sont rendus à Florianopolis afin d'échanger avec des députés brésiliens et des Luxembourgeois résidant au Brésil. © PHOTO: Isabel Wiseler-Lima

«Il n'y a pas de Luxembourgeois de seconde zone», abonde Isabelle Wiseler-Lima. L'eurodéputée CSV a pris son vol ce mercredi soir pour arriver au Brésil (19h de vol). Elle considère qu'il faut davantage se soucier de la diaspora luxembourgeoise: «Ce n'est pas encore assez le cas, ce déplacement est assez exceptionnel. C'est dans l'intérêt de notre pays de maintenir ce contact, non seulement pour des raisons culturelles, mais aussi économiques. C'est une véritable plus-value pour notre pays et une situation gagnante pour tout le monde.»

Il doit y avoir un certain intérêt pour que des personnes vivant de l'autre côté de l'Atlantique veuillent voter pour le petit Luxembourg.
Liz Braz

Lors des dernières élections, l'Etat de Santa Catarina a plébiscité à 69,3% le président sortant Jair Bolsonaro. Une région qui semble être loin d'être progressiste et socialiste au vu de ses résultats.

«On ne peut pas transposer la controverse Lula et Bolsonaro sur nos partis. Ici au Luxembourg, seul l'ADR se rapprocherait de Bolsonaro, mais personne ne voterait à 70% pour l'ADR. Nous avons un autre système et une autre mentalité», juge Liz Braz, coprésidente des Jeunes socialistes dans le Sud.

Lire aussi :Liz, la fille de Félix Braz, entre en politique

Sera-t-il dans ce contexte possible pour le LSAP de se faire entendre et récolter des voix pour les législatives? «Je pense que c'est la mauvaise motivation pour y aller. Il s'agit plutôt de comprendre pourquoi ils souhaitent participer au vote, parce qu'il doit y avoir un certain intérêt pour que des personnes vivant outre-Atlantique veuillent voter pour le petit Luxembourg», répond la fille de l'ancien ministre de la Justice et vice-Premier ministre, Félix Braz.

Pour renforcer le lien entre le Grand-Duché et cette communauté, la candidate socialiste aux élections communales à Esch-sur-Alzette considère qu'il faut mettre l'accent sur la culture, afin de leur faire connaître «nos traditions et nos coutumes nationales».

Si les autres y vont et nous pas, on a l'impression de rater quelque chose.
Fred Keup, président de l'ADR

Cet événement organisé par l'AcLux est l'occasion de soigner les relations et de mieux connaître ces Brésiliens naturalisés, relève Fred Keup. Son parti sera représenté sur place par Frédéric Becker, en charge de la section internationale de l'ADR (cette section existe depuis un an). Le moment choisi n'est pas le bon selon Fred Keup: «Cette invitation est une idée intéressante et les organisateurs sont demandeurs, mais nous sommes avant l'élection et ça pose deux problèmes. Nous avons assez à faire ici au Luxembourg et en allant là-bas tout le monde a les élections en tête. J'aurais préféré que ça se fasse après les élections, l'atmosphère aurait été plus détendue et paisible. Mais si les autres y vont et nous pas, on a l'impression de rater quelque chose et d'être perdant.»

Lire aussi :Comment l'ADR veut former une «coalition citoyenne» avec le CSV

Le candidat tête de liste de l'ADR se montre, en effet, assez sceptique sur une forte mobilisation de la diaspora pour les élections législatives.

En date du 31 décembre 2022, 122.349 Luxembourgeois étaient déclarés comme résidant en dehors du Grand-Duché. Lors du dernier scrutin en 2018, 5.500 électeurs vivant à l'étranger avaient voté par correspondance selon le ministère d'Etat.

Faut-il élargir le droit de vote aux étrangers?

«C'est une situation paradoxale que des personnes vivant au Brésil puissent davantage décider de l'avenir du Grand-Duché que 300.000 personnes non luxembourgeoises ici», admet le député Sven Clement. «Le référendum de 2015 a été clair, les Luxembourgeois ne souhaitent pas leur accorder ce droit de vote, mais cela n'empêche pas de voir d'autres formes de participation. Une piste serait de transformer la Conseil national des étrangers en véritable Chambre consultative des étrangers avec des élections. Cette Chambre pourrait donner son avis sur tous les projets de loi comme le fait la Chambre des salariés.»

78% des Luxembourgeois se sont prononcés contre le droit de vote des étrangers lors du référendum de 2015. Fred Keup avait à l'époque mené campagne pour le camp du «non». Il dit ne pas voir de paradoxe dans le fait que cette communauté outre-Atlantique puisse voter pour les législatives, alors qu'au Luxembourg, près de 50% de la population est privée de ce droit de vote en n'ayant pas la nationalité luxembourgeoise. «C'est tout à fait logique. Un Parlement ne représente pas les habitants d'un pays, mais les personnes qui ont la nationalité. Un Français qui habite ici est représenté par l'Assemblée nationale et pas par la Chambre des députés.»

Si quelqu'un souhaite voter aux élections législatives, qu'est-ce qui l'empêche de prendre la nationalité luxembourgeoise, s’il peut le faire
Isabelle Wiseler-Lima, eurodéputée CSV

Liz Braz estime que ce référendum ne s'est pas tenu au bon moment et que si le non l'a emporté, c'est «à cause d'enjeux politiques qui n'avaient rien à voir avec la question posée». «La société évolue et les règles démocratiques doivent être adaptées. Je pense pour cela qu'il ne faut pas définitivement écarter la discussion du droit de vote des étrangers. Nous avons clairement un déficit démocratique.» La représentante des Jeunes socialistes estime que selon certains critères, comme une clause de résidence, il faudrait accorder le droit de vote aux Non-Luxembourgeois.

Lire aussi :Vie politique: «La langue, c'est la grande problématique»

Isabelle Wiseler-Lima (CSV) considère que «ceux qui souhaitent obtenir la nationalité doivent pouvoir le faire sans qu'il n'y ait d'obstacles infranchissables». Elle s'interroge ainsi: «Si on souhaite voter au niveau national et qu'on peut prendre la nationalité luxembourgeoise, qu'est-ce qui empêche cette personne de le faire?» L'eurodéputée chrétienne-sociale rappelle que le droit de vote a été accordé pour tous les étrangers pour les élections communales, «mais peu d'entre eux s'inscrivent». Au 30 février dernier, le taux de participation des résidents non luxembourgeois était de 16,1%. Ce déplacement au Brésil aura-t-il un impact sur le nombre de votants? Et quel parti parviendra à en bénéficier? Verdict après les législatives.

Sur le même sujet

Sur le même sujet