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Les covid longs à la croisée des chemins

C'est au centre hospitalier de Luxembourg que se décide le suivi thérapeutique des malades présentant encore des symptômes plus de trois mois après leur infection au coronavirus ou leur (supposée) guérison.

Deux infirmiers ont été détachés pour assurer un rôle de "case manager", assurant téléconsultations et tests pour les malades covid nécessitant un suivi.

Deux infirmiers ont été détachés pour assurer un rôle de "case manager", assurant téléconsultations et tests pour les malades covid nécessitant un suivi. © PHOTO: Anouk Anthony

Patrick Jacquemot

C'est une drôle de maladie. Variée dans ses formes, complexe à prendre en charge. «Mais pour ce qui est du covid long, la première erreur consiste à croire qu'il s'agit juste d'une personne essoufflée alors qu'elle était censée être guérie de l'infection», corrige d'emblée le Dr Thérèse Staub. Ainsi, depuis plusieurs mois, la cheffe du service des maladies infectieuses au CHL a vu défiler moult patients qui, des mois après leur contamination par le virus, se plaignaient encore de maux divers.

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«On estime ainsi à 2% des personnes infectées qui pourraient développer une forme durable de la maladie.» Après plus de 18 mois d'épidémie, et plus de 77.700 cas covid+ officiellement dépistés, le Luxembourg arriverait donc avec un potentiel de sujets pouvant développer un covid long approchant les 1.550 sujets. Et c'est pour eux que, depuis août dernier, toute une organisation spécifique a été mise en place. Dispositif mettant en action aussi bien le centre hospitalier de Luxembourg que le Rehazenter ou le domaine thermal de Mondorf.

Bien entendu, à chacun de ces établissements sa mission. Et pour le CHL, le rôle confié relève de la gare de triage. Les généralistes ou spécialistes signalant au centre les sujets qui, selon eux, pourraient nécessiter une prise en main particulière à la suite d'une infection covid. En dix semaines, déjà 220 demandes sont ainsi remontées aux deux ''case managers", deux infirmiers spécialement dédiés au dispositif long covid.

Deux personnels dont la tâche consiste d'abord à évaluer la situation des patients orientés vers eux. «La première étape se déroule en téléconsultation. Le malade et le case manager remplissent ensemble un questionnaire sur leur état de santé, explique le Dr Staub. Un screening permettant d'évaluer les syndromes respiratoires éventuellement ressentis comme les troubles de l'humeur, l'état de fatigue, des maux de tête persistants, les ruptures dans l'activité quotidienne ou professionnelle engendrées par l'infection, etc.» Une évaluation à distance qui est automatiquement suivie par des tests en présentiel cette fois.

A travers toute une série d'exercices simples, les ''case managers'' cherchent cette fois à mesurer le niveau des troubles possibles de la mémoire, du degré d'angoisse développé, des possibles pertes d'odorat ou de goût, des oublis de vocabulaire ou de la confusion dans l'élocution, des manques d'appétit, d'un amoindrissement de la mobilité ou de la résistance à des efforts ordinaires.

«Rien qu'en faisant marcher les personnes pendant six minutes, on peut s'apercevoir qu'à défaut d'être essoufflées, leur pouls s'est accéléré plus que de raison ou que le degré de saturation en oxygène devient insuffisant en comparaison à un état de forme classique.» Vient ensuite le tour de la consultation avec le médecin.

Auscultation en janvier

Un million d'euros, ça c'était pour le budget. Six mois, c'était pour la durée du projet-pilote de suivi des long covid au Luxembourg. En janvier 2022, le ministère de la Santé réunira donc les différents acteurs de cette initiative pour voir s'il y a lieu de la maintenir. «Mais je crains que cela soit plus que nécessaire», s'avance le Dr Staub. «Une prise en charge dans le temps s'avérant le plus souvent nécessaire pour ces patients», note celle qui vient tout juste d'effectuer une première consultation de clôture de dossier d'un patient suivi pour un long covid. «Nous sommes en septembre 2021 et c'était une personne infectée durant la première vague du printemps 2020...»

«J'ai déjà vu 84 patients et c'est la diversité des profils qui reste toujours aussi étonnante», indique le Dr Staub. Mais la cohorte de long covid déjà observée est déjà suffisante pour déterminer certains profils-types. «70% des sujets sont des femmes», par exemple.

«La moyenne d'âge des patients est de 47 ans et ce ne sont pas forcément des individus qui ont développé une forme symptomatique de l'infection au départ. Certains même ont consulté des cardiologues ou des neurologues pour leur décrire leur état sans forcément que les uns et les autres aient fait le lien avec le coronavirus.»

Des premiers deux mois d'expérience, il ressort aussi qu'à peine 17% des visiteurs de la consultation ont été précédemment hospitalisés pour leur covid... «J'insiste, le long covid ne suit pas forcément une forme grave de l'infection.»

Après cette visite, le médecin va déterminer vers où orienter chacun des cas. Vers le Rehazenter plutôt pour les dossiers nécessitant une reprise en main physique ou pour résoudre des questions somatiques. Vers la cure de Mondorf, pour réactiver une bonne respiration ou reprendre goût à la nourriture ou aux parfums de la vie. Vers un kinésithérapeute, un ORL ou un psychologue pour les cas moins préoccupants.

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«Mais nous avons aussi dirigé une trentaine de patients vers la clinique des troubles émotionnels du CHL. L'idée n'est pas d'organiser des groupes de parole, mais bien de proposer des exercices pour apprendre à mieux gérer l'angoisse née du contexte de l'épidémie». Même chose pour les hommes et femmes invités à suivre des séances auprès du centre hospitalier neuro-psychiatrique (CHNP) d'Ettelbruck. Car au-delà des maux physiques, le long covid se traduit le plus souvent par une faille morale.

Le simple contrôle des variants permet souvent d'observer un trouble des battements cardiaques ou de l'oxygénation du sang possiblement en lien avec une suite d'infection covid.

Le simple contrôle des variants permet souvent d'observer un trouble des battements cardiaques ou de l'oxygénation du sang possiblement en lien avec une suite d'infection covid. © PHOTO: Anouk Antony

«Mais nous avons aussi dirigé une trentaine de patients vers la clinique des troubles émotionnels du CHL. L'idée n'est pas d'organiser des groupes de parole, mais bien de proposer des exercices pour apprendre à mieux gérer l'angoisse née du contexte de l'épidémie». Même chose pour les hommes et femmes invités à suivre des séances auprès du centre hospitalier neuro-psychiatrique (CHNP) d'Ettelbruck. Car au-delà des maux physiques, le long covid se traduit le plus souvent par une faille morale.

«Pour certains, cette crise a été particulièrement perturbante, relève la spécialiste des maladies infectieuses. En ce sens qu'elle a pu faire naître de profonds doutes sur sa santé personnelle, son rapport personnel à la vie (ou à la mort), sur sa capacité d'affronter une épreuve, sur la maîtrise que l'on peut avoir sur un phénomène aussi imprévisible que cette épidémie», indique le médecin-chef.

A ce stade, Thérèse Staub ne saurait se prononcer sur l'origine des cas de long covid. Une persistance du virus, une inflammation complémentaire? «Trop tôt pour le dire encore. Tout comme la science manque encore de recul pour voir si la vaccination a un effet réducteur sur le nombre de cas de long covid.» Mais s'il est une certitude maintenant : «C'est que ce virus nécessite bien une prise en charge sur la durée. Je ne peux donc qu'inciter chacun à bien suivre sur toute la durée les traitements préconisés», indique le docteur.

  • Renseignement sur le parcours long covid: tél. 4411 4870 ou mail adressé à covid-long@chl.lu.

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