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«Les gens aiment les slogans car ce n'est pas compliqué»

Pedro Castilho, coach spécialisé dans la prise de parole en public, analyse la communication du gouvernement depuis le début du confinement. Globalement, l'exercice semble réussi selon lui, bien qu'il regrette un manque de phrases accrocheuses.

Entre calme et émotion, la paire Lenert-Bettel se complète bien.

Entre calme et émotion, la paire Lenert-Bettel se complète bien. © PHOTO: SIP

Depuis la mi-mars et le déclenchement des mesures de confinement, le gouvernement se trouve en mode communication de crise. Une phase loin d'être évidente à gérer pour informer convenablement le grand public. Pedro Castilho, expert dans la prise de parole en public répond aux questions du Luxemburger Wort sur l'approche gouvernementale en la matière.

Comment évaluez-vous la communication de crise du gouvernement à ce jour?

Pedro Castilho: «Je remarque le passage d'une phase où le gouvernement courait après les événements vers une situation où il semble capable d'anticiper les problèmes. Les Américains appellent cela à juste titre "to be ahead of the story", être en avance sur l'histoire. Cela signifie qu'il faut expliquer la situation aux gens, pas simplement constater les faits. Le plus important dans ces situations exceptionnelles est d'éviter que la crise ne soit aggravée par une mauvaise communication. Le fait qu'aucune déclaration n'ait encore été retirée par l'exécutif montre que la communication a bien fonctionné jusqu'à présent.

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Selon vous, qu'est-ce qui ne va pas?

«Prenez la communication verbale, par exemple. Certains ministres parlent trop lentement. […] Vous remarquerez à l'inverse qu'ils ne prennent pas le temps nécessaire pour répondre aux questions des médias à la fin des conférences de presse. Souvent ils répondent trop rapidement aux questions sans même les comprendre. Bien sûr, la situation de quarantaine rend les choses plus difficiles, car les questions sont lues à voix haute et ne peuvent être posées par les journalistes eux-mêmes. Néanmoins, les ministres devraient prendre le temps de comprendre les questions et de les replacer dans leur contexte.

D'une part, les responsables doivent sensibiliser la population au danger, mais d'autre part, ils doivent aussi la rassurer. Comment gérer une telle situation?

«Tout d'abord, il faut noter que les membres du gouvernement ne sont pas des inconnus. Le ministre qui se présente devant les citoyens est la même personne qui a pris des décisions par le passé. Il peut disposer donc d'un certain capital de sympathie. Ce qui peut être à double tranchant. Car le degré de compétence d'un homme politique dans les mois, voire les années précédant la crise, ou la façon dont il est perçu, influencent également le sérieux avec lequel la population prend les recommandations du gouvernement.

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La ministre de la Santé, Paulette Lenert (LSAP), n'a pris ses fonctions qu'au début du mois de février. Est-ce un avantage ou un inconvénient?

«C'est clairement un avantage. Elle n'est pas responsable si des économies ont été réalisées dans le système de santé. Il faut aussi dire qu'elle communique très bien. On peut affirmer qu'elle est dans le coup et qu'elle maîtrise ses dossiers. Et elle reste authentique. Si elle connaît la réponse à une question, elle répond rapidement et précisément. Si elle n'est pas sûre, elle demande conseil et y revient plus tard. Madame Lenert donne une impression de professionnalisme et de calme.

Paulette Lenert et Xavier Bettel tiennent la plupart des conférences de presse. Tous deux utilisent des expressions faciales et des gestes différents. Quelles conclusions tirez-vous?

«Les deux se complètent bien. Alors que la ministre de la Santé communique avec calme et sérénité, le Premier ministre fait plus de gestes et semble être plus affecté par la situation. Cet aspect émotionnel de Xavier Bettel se reflète également dans sa communication verbale. Le slogan, "Bleift doheem, Dir sidd deel vun der Léisung" (ndlr: restez à la maison, vous faites partie de la solution), a tendance à marquer les esprits. C'est une approche moderne de la communication. Les gens aiment les slogans parce que ce n'est pas compliqué et qu'il est plus facile de se souvenir du contexte.

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L'économie est la prochaine victime de cette pandémie. Comment évaluez-vous le travail de relations publiques du gouvernement à ce jour?

«La population est encore très insécurisée par rapport à la situation économique. Malheureusement, lorsque le ministre de l'Economie, Franz Fayot (LSAP), a présenté le plan de stabilisation il ne l'a pas accompagné d'un slogan. Cela pourrait pourtant aider à expliquer une situation compliquée et susciter de l'espoir. Je ne suis pas du tout un fan de Donald Trump, mais c'est une chose que le président américain sait faire: réduire les questions économiques compliquées à une seule phrase. Cette approche devrait être plus investie au Luxembourg.»

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