Les HRS souhaitaient-ils organiser un vaccinodrome?
Les hôpitaux Robert-Schuman ont-ils entrepris des démarches pour se procurer des vaccins anti-covid et les administrer pour le compte de sociétés privées? La réponse est loin d'être tranchée.
Pour l'heure, les laboratoires ne produisent des vaccins anti-covid que pour les Etats. © PHOTO: AFP
Non, non et non : pour le moment, nulle autre organisation que celle mise en place par l'Etat luxembourgeois n'a le droit de lancer une campagne de vaccination anti-covid. Pas plus les entreprises qui mettent sur pied, parfois, des campagnes d'injection antigrippe que les hôpitaux. Et pourtant la tentation a, semble-t-il, été grande pour Claude Schummer, jusqu'à peu directeur général des hôpitaux Robert-Schuman (HRS). Au point que le CEO (qui devrait être démis de ses fonctions d'ici peu) aurait entrepris des démarches en ce sens.
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Alors que la vaccination dans le pays vient tout juste d'atteindre les 54.865 doses injectées, il apparaît de plus en plus probable que ''quelqu'un'' aux HRS ait sérieusement réfléchi à l'achat en très grand nombre de doses ainsi qu'à la mise en place de personnels qualifiés pour leur injection.
L'Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) a été la première à mentionner cette tentative. Celle-ci aurait alors pour finalité le démarrage d'un vaccinodrome ouvert à des salariés du secteur privé ou à la fourniture de cette prestation de santé auprès d'entreprises pressées de voir leurs employés immunisés.
Officiellement, le conseil d'administration réfute l'hypothèse. Tout comme ses membres nient avoir été informés d'une quelconque initiative allant dans ce sens. Mais Claude Schummer assure, lui, avoir bien pris contact avec des fournisseurs pour voir s'il était possible d'obtenir des doses. Il aurait d'ailleurs aussi été en relation avec un groupe d'assurance luxembourgeois pour conforter sa démarche (Radio 100,7 évoque DKV, membre du groupe Lalux).
Dès début janvier, Claude Schummer aurait ainsi pris contact avec la direction luxembourgeoise de Pfizer, dont le vaccin était arrivé au Grand-Duché au lendemain de Noël 2020. Sans nier un éventuel échange «officieux», le directeur de Pfizer confirme qu'il n'a jamais été question de la signature d'une commande officielle au nom du groupe hospitalier. «Nos chaînes de production sont réservées à la fourniture des seules doses anti-covid destinées aux Etats membres de l'UE qui ont contractualisé leur achat groupé avec nous. Nous livrons, selon les directives des différents ministères de la Santé, et donc aucune entreprise ou aucun hôpital ne peut actuellement souscrire une réservation de flacons supplémentaires.»
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Et si, dans le propos de Reginald Decraene, tout tenait dans ce seul mot «actuellement». Car d'ici quelques semaines, une fois que la fourniture en vaccins aura atteint sa pleine vitesse de croisière du côté des laboratoires, rien ne dit que la formule ne soit pas alors considérée «comme un médicament comme un autre». A ce titre, il pourrait être distribué par d'autres voies que par les seuls hôpitaux ou centres de vaccination placés sous la tutelle du ministère de la Santé. «Car pour l'heure, tous les professionnels de santé savent bien que monter une initiative privée serait une hérésie; l'approvisionnement n'étant réservé qu'aux seuls pays.»
Pfizer livrera plus
Normalement, le Grand-Duché devait recevoir en cette fin de mois 7.020 vaccins Pfizer. Mais la livraison depuis l'usine belge qui produit les fameux sérums sera plus conséquente, annonce le laboratoire pour les deux semaines à venir.
De cela, difficile d'imaginer que Claude Schummer (médecin de formation, à la tête des HRS depuis plus de trois ans et impliqué dans les sphères médicales du pays) n'ait pas été au courant. Qu'en est-il de son conseil d'administration : savait-il qu'une stratégie de vaccination parallèle à celle du gouvernement se mettait en place. Le porte-parole des hôpitaux Robert-Schuman assure que le projet n'a jamais été évoqué par cette instance. C'est faire porter une lourde responsabilité sur les épaules de l'ancien CEO.
Pour sa part, la ministre de la Santé assure n'avoir reçu aucune information tangible sur la question. Mais, deux mois et demi après le début de la campagne de vaccination officielle, Paulette Lenert (LSAP) estime que toute personne effectuant une démarche privée et mercantile dans l'achat et la diffusion du vaccin anti-covid perdrait toute crédibilité à ses yeux. En tout cas, voilà un caillou supplémentaire dans la chaussure du ministère, en plus de l'affaire des vaccinations indues (impliquant là aussi les HRS notamment) et des tracas liés au vaccin AstraZeneca...