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Lutte contre le sida

Les jeunes Luxembourgeois plus exposés au VIH qu'auparavant

L'objectif de l'Onusida, le programme des Nations Unies, est d'éradiquer le sida dans le monde d'ici 2030. Au Luxembourg, plusieurs programmes existent pour atteindre cet objectif, dont la PrEP.

Le VIH continue de circuler au Luxembourg et la crise sanitaire a par ailleurs entraîné pas mal de retards dans les dépistages.

Le VIH continue de circuler au Luxembourg et la crise sanitaire a par ailleurs entraîné pas mal de retards dans les dépistages. © PHOTO: D.R.

Journaliste

En 2020 au niveau mondial, 1,5 million de nouvelles contaminations au VIH ont été recensées. Aujourd'hui, plus de 37,7 millions de personnes vivent avec le virus. D'un autre côté, lors de la même année, 680.000 personnes sont décédées d'une maladie opportuniste liée au sida. S'il fallait encore en douter, la maladie est un enjeu de santé publique, y compris au Luxembourg. Toutefois, le Grand-Duché dispose de plusieurs moyens afin de prévenir de nouvelles infections.

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Parmi les programmes déployés, celui de la PrEP, pour Pre-Exposure Prophylaxis. Carole Devaux, présidente du comité de surveillance du sida, explique que cette méthode empêche le virus du VIH de se développer et de se fixer dès son entrée dans le corps. «Ce qui empêche le virus de survivre et permet à la personne de rester séronégative. La PrEP est un moyen de prévention qui s’adresse aux personnes qui n’ont pas le VIH, et consiste à prendre un médicament afin d’éviter de se contaminer. Ce principe de prévention médicamenteuse n’est pas spécifique au VIH : certains médicaments permettent d’éviter d’attraper le paludisme en voyage par exemple», détaille-t-elle.

Il existe plusieurs façons de prendre la PrEP. «Il y a notamment la PrEP en continu où il s’agit de prendre 1 comprimé tous les jours à la même heure pendant une certaine période. Il y a également la PrEP à la demande, uniquement à destination des hommes: il s’agit de prendre deux comprimés minimum 2h et maximum 24h avant le rapport sexuel et puis de reprendre un comprimé le lendemain à la même heure et un second 24h après», précise Carole Devaux, qui ajoute qu'un suivi médical est important afin de vérifier qu’il n’y a pas de contamination au VIH et la présence d’IST pour les traiter. «Toutefois, aucun cas de transmission n’a été reporté dans le cadre de la PrEP au Luxembourg. C’est un moyen de prévention très efficace si le traitement est bien pris».

Un nombre croissant de patients

Bref, la méthode semble se démocratiser de plus en plus au Luxembourg. Les députés Fernand Kartheiser et Jeff Engelen (ADR) ont cherché à connaître le nombre de patients bénéficiant de la PrEP au Luxembourg. Chiffres à l'appui, la ministre de la Santé Paulette Lenert a expliqué que ce chiffre était croissant depuis plusieurs années. Ainsi, de 2017 à 2021, le nombre de consultations médicales concernant la PrEP est passé de 71 à 888 et le nombre de patients suivis est quant à lui passé de 42 à 418. «Le Luxembourg a été le troisième pays en Europe à introduire la PrEP gratuite dans le cadre d’un projet novateur», a rappelé la ministre.

Lire aussi :49 nouvelles infections au VIH en 2019

Faut-il s'en réjouir pour autant? Pas forcément puisque le VIH continue de circuler au Luxembourg. La crise sanitaire a par ailleurs entraîné pas mal de retards dans les dépistages. «Nous n’avons pas eu le retour de tous les laboratoires, mais on voit une reprise du nombre de dépistages dans les premiers retours par rapport à 2020. En ce qui concerne les dépistages par tests d’Orientation rapide (qui permet d'avoir un résultat en quelques minutes, NDLR), réalisés au plus près des communautés à risque, ils ont bien repris en fin d’année 2021 et ont atteint finalement des niveaux similaires à ceux de 2019, avant la crise sanitaire, ce qui est rassurant», tempère Carole Devaux.

Cette dernière indique une certaine stagnation dans les données des nouvelles contaminations au Luxembourg. «Le nombre de nouvelles infections au VIH serait de 46 personnes nouvellement infectées mais les données pour 2021 ne seront finales qu'au 31 mars prochain».

En 2017, ce chiffre était grimpé à 60 pour arriver à 43 en 2018 puis 49 en 2019. Pandémie mondiale oblige, il n'y avait eu que 33 cas recensés en 2020. «Nous observons donc une stagnation du nombre de nouvelles infections depuis les données de 2019.»

Par contre, Carole Devaux se dit très inquiète de l'âge des nouvelles personnes contaminées. «11 personnes, entre 20 et 35 ans, des hommes qui ont des relations avec les hommes, se sont infectées en 2021. Nous n’arrivons donc pas à cibler cette population jeune pour la prévention et notamment pour la PrEP. D’autre part, 11 hommes de plus de 50 ans ont été infectés, dont 6 de manière hétérosexuelle. C’est sur ces 2 points que nous devons donc progresser en termes de prévention et offrir de nouvelles solutions pour diminuer la prise de risque chez les jeunes homosexuels, mais également chez les personnes de plus de 50 ans».

Un nouveau plan national en préparation

C'est ainsi que le gouvernement, en collaboration avec toutes les institutions compétentes dont le comité de surveillance du sida, planche actuellement sur un nouveau plan national de lutte contre le VIH et qui sera lancé en 2023. «L’élargissement de la PrEP à d’autres groupes à risque, comme les travailleurs du sexe et les usagers des drogues, fait partie du nouveau plan national qui est en voie de rédaction. De nouvelles molécules anti-VIH, parfois à longue durée d’action et sous forme injectable, permettront potentiellement de nouvelles utilisations préventives parmi des populations vulnérables et précaires», a également expliqué Paulette Lenert dans sa réponse parlementaire.

Lire aussi :«Tout le monde peut être touché par le Sida»

«La PrEP est déjà recommandée pour les travailleurs du sexe et les usagers des drogues dans le plan d’action national 2017- 2022. Cependant, dans la pratique, il y a des barrières dans le fait de se rendre au CHL ou de ne pas avoir de sécurité sociale. La couverture sanitaire universelle, telle qu’engagée en 2022, pour permettre de donner accès aux soins aux personnes sans sécurité sociale, devrait permettre d’améliorer la prise en charge de ces personnes précaires vers le dépistage, la PrEP ou un traitement», note toutefois Carole Devaux.

Des axes à consolider

Pour cette dernière, les axes importants à consolider sont ceux de la formation des professionnels de santé et des personnes de terrain pour atteindre les populations les plus vulnérables. «Je pense aux homosexuels, aux travailleurs du sexe, aux migrants, aux usagers de drogue ou encore les prévenus et détenus en centres pénitentiaires. Cela doit aussi passer par la communication vers des populations ciblées ainsi que l’éducation des populations cibles les plus à risque afin d’élargir le dépistage, la PrEP et le traitement au niveau communautaire par le biais d’un programme de santé sexuelle».

A l'heure actuelle, au Luxembourg, 1164 personnes porteuses du VIH ont été recensées au Service national des maladies infectieuses. «On estime que 15% supplémentaires ne savent pas qu’elles sont infectées ou ne sont pas en lien avec les soins au Luxembourg», conclut la présidente du comité de surveillance du sida.

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