Les jeux de société ont la cote
Boostée par les confinements successifs, la popularité des jeux de société continue de grimper au Luxembourg, où petits et grands se réunissent volontiers pour s'amuser et s'affronter autour de plateaux plus ou moins classiques.
Les petits chevaux et le Monopoly ont laissé leur place à une multitude de jeux modernes, parfois destinés exclusivement aux adultes. © PHOTO: Shutterstock
Certains avaient assurément pris un peu la poussière. D'autres étaient restés enfermés dans un placard depuis plusieurs années. Mais après que leurs propriétaires eurent terminé Netflix, épuisé leur bibliothèque et fait le tour des recettes de pain fait maison, bien des jeux de société ont enfin revu la lumière du jour. Et ce, pour le plus grand bonheur des joueurs.
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La pandémie a en effet permis à ce loisir, que certains avaient laissé aux enfants, de reprendre toute sa place au sein des foyers. Le ministre de l'Éducation, Claude Meisch, avait même encouragé les résidents à sortir Monopoly et Scrabble pour permettre à leurs enfants de s'épanouir. Les jeux de société se sont également fait une place grandissante dans les rayons de certaines enseignes, ainsi qu'au sein d'établissements spécialisés. Ces derniers sont de plus en plus nombreux à ouvrir leurs portes au Luxembourg.
C'est justement pendant la crise sanitaire que Nicolas Bouscarat a ouvert les portes de son bar pour gamers. «Notre but était de créer un endroit pour tous les joueurs, qu'ils soient fans de jeux de société, de jeux vidéos, ou encore de figurines, pour qu'ils puissent venir jouer sans être mal vus», explique l'ex-informaticien.
«Un véritable engouement»
Aux côtés de son associé, François Contessi, il a fondé Respawn, qui a accueilli ses premiers clients en juin 2021. S'il n'a donc pas un recul nécessaire pour évaluer l'impact de la pandémie sur l'attrait des Luxembourgeois pour les jeux de société, Nicolas Bouscarat peut témoigner d'une forte demande. «On organise régulièrement des soirées jeux, et on ne s'attendait pas à ce que ce genre d'événement attire autant de monde. On accueille chaque fois 40 à 50 personnes, le bar est plein. Il y a un véritable engouement qui fait plaisir à voir.»
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Cet engouement, la Spillfabrik a eu un peu plus de mal à le constater. Ce club d'amateurs de jeux de société fondé en 2011 a notamment pâti des restrictions sanitaires, empêchant ses membres de se retrouver pour leurs traditionnelles soirées jeux. «On est dépendant des gens qui veulent bien sortir de chez eux pour nous rejoindre donc on a un peu souffert avec la pandémie, car les gens confinés ont perdu l'habitude de venir au club», explique Alain Baum, membre du comité et webmaster du site de l'association.
Si de nouvelles personnes ont grossi les rangs du club, qui compte une petite centaine de membres, Alain Baum reste incapable d'expliquer si ces adhésions sont liées à un quelconque effet pandémie. «La plupart du temps, les personnes qui nous rejoignent sont des joueurs qui veulent étendre leur cercle d'amis avec lesquels ils peuvent jouer, et faire de nouvelles connaissances.»
Toute une génération est née dans cet univers et est prête à emboîter le pas pour continuer d'y jouer ou transmettre cette passion à leurs enfants.
Le membre de la Spillfabrik y va même de sa propre analyse de la situation: «J'ai plutôt l'impression que les gens qui ont redécouvert les jeux de société en famille restent chez eux, pour jouer avec leurs proches à des jeux classiques comme le Monopoly». Au sein du club, les jeux de société modernes sont davantage populaires, comme Code Names ou encore Just One.
C'est justement cette diversité de jeux qui a attiré beaucoup de joueurs au sein du Respawn bar. Certains de ses clients sont des parents qui ont à coeur de faire partager ces nouveautés à leurs enfants. «On a grandi avec une gamme beaucoup plus étoffée de jeux de société. Toute une génération est née dans cet univers et est prête à emboîter le pas pour continuer d'y jouer ou transmettre cette passion à leurs enfants», fait savoir Nicolas Bouscarat.
«C'est fini le Monopoly et les petits chevaux, maintenant les jeux logiques, compétitifs sont très populaires. L'industrie est devenue mature, et ne s'adresse plus uniquement à des enfants, voire propose des jeux à destination des adultes exclusivement», poursuit le gérant qui estime que la pandémie a permis aux joueurs de pouvoir consacrer davantage de temps à leur loisir. «Avant on était focus sur le travail, là on a retrouvé une activité plus calme, à redécouvrir, avec un potentiel plus mature.»
Un élan qui va perdurer
Cette popularité grandissante du jeu de société a également été constatée par le Sica, le syndicat intercommunal pour l'hygiène publique du canton de Capellen. En octobre 2021, cet organisme a lancé une action pour collecter les jeux de société inutilisés qui dormaient dans les armoires des résidents. Résultat: en un mois et demi, pas moins de 710 boîtes ont pu trouver une seconde famille. «Cela a été un réel succès, les jeux les plus demandés étant ceux auxquels on peut jouer en famille, davantage que ceux à destination des enfants», souligne Jessica Ries du Sica.
Depuis l'ouverture de sa boutique de recyclage en novembre 2019, le syndicat a remarqué un intérêt non dissimulé pour les jeux. «Chaque mois qui passe, on a toujours plus de demandes pour la catégorie jouets et jeux. Cela correspond à un volume de 1,5 tonne en moyenne par mois.» Et cet élan, Jessica Ries le voit bien perdurer. «Les gens s'intéressent de plus en plus à ce loisir, car il s'agit d'une activité qui permet de réellement s'amuser en famille.»
Les jeux d'ambiance fonctionnent très bien le soir en semaine, car il s'agit de jeux simples pour lesquels on ne met pas une heure à comprendre les règles.
Les jeux font également leur retour sur les tables des bistrots, grâce au club Spillfabrik. «On a lancé en 2018 une initiative avec l'Horesca intitulée bistrospill qui permet de faire revenir le jeu de cartes», souligne Alain Baum. Pour ce projet, des jeux bien spécifiques sont sélectionnés chaque année. Ils doivent pouvoir être joués sur une petite table, avec des règles peu complexes. «Le dernier jeu en date s'intitule Hula-Hoo, qui a été créé par un auteur luxembourgeois qui a déjà sorti plusieurs jeux.»
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Des jeux d'auteurs luxembourgeois, la Spillfabrik en comporte quelques-uns, dans ses cinq grandes armoires remplies de 300 jeux de société et d'un grand choix de puzzle. Le Respawn bar, de son côté, possède une petite centaine de références, permettant tout de même à chacun d'y trouver son compte. Nicolas Bouscarat note tout de même que certains jeux plaisent plus que d'autres, les jeux d'ambiance, notamment. «Blanc manger coco, ou Cards against humanity sont des jeux qui fonctionnent très bien le soir en semaine, car il s'agit de jeux simples pour lesquels on ne met pas une heure à comprendre les règles», révèle le gérant.
Au-delà des jeux de société, Respawn bar ambitionne par la suite de développer d'autres activités, comme les jeux de rôles. «Peut-être que Stranger Things y est pour quelque chose», sourit Nicolas Bouscarat «mais on cherche encore des animateurs». Un beau programme pour les joueurs novices et initiés. Alors, prêts à ressortir vos cartes et vos dés?