Les principaux points à retenir des Assises du logement
Le ministre du logement Henri Kox a annoncé que plusieurs amendements allaient être proposés à des projets de loi relatifs à l'épineux sujet des logements abordables. Retour sur une journée de tables rondes.
Henri Kox: «Ces propositions d’amélioration au projet de loi du logement abordable n’assurent pas seulement la résilience des bailleurs, mais permettent une avancée réelle vers le droit au logement pour tous, inscrit dorénavant dans notre Constitution». © PHOTO: SIP/Jean-Christophe Verhaegen
Ce mercredi 22 février, 175 représentants de plus de 75 associations étaient présents aux Assises du logement. Pour cette deuxième édition, c'est un panel trié sur le volet qui a échangé face au public sur les enjeux du logement du marché privé et sur la création et la gestion de logements abordables au Grand-Duché.
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L’occasion pour le ministre du logement Henri Kox (Déi Gréng) de parler de la stratégie nationale globale pour le droit au logement, mais aussi des propositions d’amélioration aux projets de loi sur le bail à loyer et le logement abordable. Le ministre en a d'ailleurs profité pour affirmer qu'il était au fait des nombreuses critiques qu'il a pu lire dans la presse, mais aussi entendre lors de discussions avec les parties prenantes du secteur.
Voici donc les principales idées à retenir de ces deux tables rondes.
1. L'accélération du développement du logement abordable
Que les choses n'aillent pas assez vite sur la question du parc du logement abordable, le ministre du Logement le reconnaît sans peine mais tient à préciser aussi que tout est mis en œuvre «pour rattraper des années de retard». Aussi, il propose de soumettre au gouvernement une série de modifications au projet de loi 7937 relative au logement abordable, déposé en décembre 2021 et toujours en attente à ce jour d’un avis du Conseil d’État.
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En ligne de mire, un objectif simple: «l’abordabilité». Et il y a urgence pour qu’il puisse être discuté utilement à la Chambre des députés et ce, avant la fin de la législature. «La crise du logement est trop urgente pour reporter ce dossier aux calendes grecques.»
Dans le détail, les propositions faites par le ministre concernent essentiellement:
L’introduction d’une panoplie de logements destinés à des publics spécifiques comme les jeunes, les 60+, les salariés ou encore les associés des sociétés coopératives actives comme promoteurs sociaux;
La simplification des procédures d’attribution des logements abordables locatifs à la demande des bailleurs sociaux;
L’adaptation des forfaits de gestion auxquels peuvent prétendre les promoteurs et les bailleurs sociaux pour leurs efforts de même qu’une simplification des conditions de l’agrément du bailleur social;
La prise en compte de terrains mis à disposition par des personnes physiques et morales à des promoteurs sociaux via emphytéose en vue du développement de projets de logements abordables;
L’instauration d’un dialogue structuré proposé aux acteurs du terrain afin d’avancer ensemble vers le droit au logement pour tous.
Pour que tout cela soit possible, Henri Kox a tenu à insister sur le fait que le ministère n'était pas seul à pouvoir tout accomplir, comptant donc sur l'initiative des communes et l'ensemble des professionnels du secteur.
2. Le rachat de projets privés en «vente en état futur d’achèvement»
Le ministre a également rappelé la possibilité pour des promoteurs privés de proposer à l’État des projets de logements en vue d’une acquisition en «vente en état futur d’achèvement» (VEFA).
Cette option «ouverte à tous les acteurs» ne sera toutefois possible que pour les projets qui répondent aux critères du cahier des charges appliqué aux projets de création de logements abordables bénéficiant d’une aide à la pierre du ministère. Une commission interne à l’État est en train d’évaluer un certain nombre de propositions d’acquisition. Une initiative pensée pour assurer la continuité de l’activité du secteur de la construction, présentement en difficulté.
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Sur ce point, Roland Kuhn, présent en tant que représentant de la Chambre des métiers, en a profité pour souligner que le problème est justement qu'en ce moment, le secteur «construit beaucoup moins», rappelant aussi que les «meilleurs clients sont les fonctionnaires d’État, une mentalité luxembourgeoise».
Or désormais, «le fonctionnaire va acheter des actions, et non plus investir dans la pierre. On suppose qu’il y a 1.500 logements qui vont être construits en moins, et combien de métiers sont en danger? Nous craignons de voir beaucoup de faillites et donc du chômage. Pour redynamiser le secteur, il faut mettre en place des mesures fiscales».
3. Des mesures fiscales pour soutenir les primo-accédants
Ces mesures fiscales pour relancer la construction, le ministre s’y est montré totalement favorable, cela pour aider les primo-accédants au logement.
«Je soutiens une augmentation du crédit d’impôt sur les actes notariaux de 20.000 euros à 30.000 euros sur les douze prochains mois (Bëllegen Akt). Contrairement à d’autres mesures fiscales qui contribuent plutôt à doper la demande et les prix, celle-ci me semble bénéfique et ciblée pour les jeunes, ceux qui désirent réaliser leur rêve d’accession à la propriété», a déclaré le ministre du Logement.
Et sur la question du parc du logement abordable et ce qu'il propose, c'est Romain Schmit, le secrétaire général de la Fédération des artisans, qui a soulevé une question qui a suscité des applaudissements du public présent dans la salle: «Si on fait du logement abordable, alors pourquoi ne pas proposer essentiellement du locatif?». Un rappel qu'une partie des personnes en recherche d'un logement à prix décent ne souhaitent tout simplement pas nécessairement acheter, et surtout à s'endetter.
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Des déclarations qui ont poussé Guy Entringer, le directeur de la SNHBM à préciser que «75% des logements abordables» que son entité propose sont à la vente. «Pour nous, c’est très important que les gens puissent acheter, car un locataire restera toujours locataire, avec un loyer qui peut augmenter, alors qu’une fois qu’il aura payé son logement, il sera à lui et il pourra le transmettre à ses enfants.»
La hausse actuelle des taux des prêts immobiliers tend justement ce marché de la location, car les ménages qui ne peuvent pas ou plus acheter se tournent de plus en plus vers celui-ci et les logements deviennent rares, soulignant à quel point ce parc est sous-développé. Un croisement de demandes supérieures à l'offre qui amène alors à des dérives sur les loyers pratiqués.
4. Plafonnement des loyers: deux améliorations ciblées au projet de loi
Une des mesures prévues dans le cadre de la stratégie nationale du logement abordable concerne justement le projet de réforme du plafond des loyers, «développée dans le but de lutter contre des loyers excessifs et de fournir aux propriétaires, aux locataires, aux commissions des loyers et aux juridictions de la paix les moyens nécessaires pour assurer des loyers équitables pour tout le monde».
Ainsi, deux modifications relatives au projet de loi en instance législative ont été annoncées, à commencer par la règle des tiers annuels jugée trop compliquée par une limite biennale de hausse des loyers de 10%.
Enfin, le ministre entend renforcer la prise en compte des efforts de rénovation. Ce qui signifie que les dépenses liées aux rénovations et aux améliorations des logements ne seront décotées qu’à partir du moment de leur réalisation effective afin de «mieux tenir compte des grands travaux visant une rénovation énergétique et d’inciter les propriétaires de façon générale à lutter contre la vétusté des logements».
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Pour le premier point, Jean-Michel Campanella, le président de Mieterschutz Lëtzebuerg asbl, affirme que ce projet de loi ne changera rien et que les loyers resteront élevés. Cela «aura peut-être un impact sur les chambres de café, mais c’est tout». «Pour nous, c’est comme avoir une Ferrari sans moteur.»
Quant au dernier point, il lui a permis de revenir sur les personnes proposant «des logements dangereux, car insalubres, aux locataires les plus fragiles», déplorant l'absence «de condamnation à la clé». Il a également profité du sujet pour parler «des logements d’urgence», qui n'ont pas été suffisamment prévus pour des situations où les personnes sont contraintes de quitter les lieux. «Il faudrait rapidement pouvoir proposer un hébergement provisoire pour dix à vingt jours.»