Les réfugiés irakiens n'en peuvent plus d'attendre
Ils ont fui l'Irak et sont arrivés au Luxembourg voilà quatre, six ou même neuf mois. Et depuis, les demandeurs de protection internationale irakiens attendent d'avoir un entretien au Service des réfugiés. Ce mardi, ils ont manifesté silencieusement leur désarroi. Le ministre de l'Immigration explique que les dossiers irakiens «sont hautement plus complexes».
Par Maurice Fick
Ils ont fui l'Irak et sont arrivés au Luxembourg voilà quatre, six ou même neuf mois. Et depuis, les demandeurs de protection internationale irakiens attendent d'avoir un entretien au Service des réfugiés. Ce mardi, ils ont silencieusement manifesté leur désarroi de ne pas être entendus. Le ministre de l'Immigration et de l'Asile, Jean Asselborn, explique que les dossiers irakiens «sont hautement plus complexes».
Ils sont une quarantaine, hommes, femmes et enfants d'origine irakienne à avoir fait le déplacement mardi matin de Marienthal, Esch-sur-Alzette, Sanem, Foetz, Bourscheid et bien d'autres foyers pour réfugiés de la capitale, pour qu'enfin quelqu'un veuille bien les recevoir et entendre leur histoire au Service des réfugiés.
Sans aucune pancarte, ni cri, mais silencieusement, ils ont manifesté leur mécontentement par leur présence groupée devant la Direction de l'immigration, route d'Arlon à Luxembourg. Des policiers n'ont pas tardé à faire surface.
«Ce qui compte c'est de passer l'entretien pour que nous puissions expliquer les raisons qui nous ont poussés à venir ici», explique Mustafa. Il est venu dire son ras-le-bol de ne pas être pris en considération, soutenu par son épouse Dunia et leurs trois petits enfants, alors que le thermomètre ne veut pas grimper jusqu'à 0°C. Deuxième étape après leur arrivée au Luxembourg, l'entretien est un passage obligatoire pour celui qui souhaite obtenir le statut de réfugié.
«On ne peut plus vivre librement en Irak»
Alors que de «nombreux Irakiens finissent par quitter le Luxembourg», comme l'atteste Ennas, d'autres sont contraints à l'exil. La jeune femme a quitté son Irak natal «parce qu'elle exerce un métier devenu trop dangereux là-bas».
Elle était journaliste de télévision et a «été menacée par des membres du gouvernement», raconte Ennas qui a fui l'Irak avec son mari Ali. Mustafa et son épouse expliquent «ne plus pouvoir vivre librement en Irak. le groupe islamique Daech sévit dans le nord et des milices tuent des personnes à Bagdad». S'ils sont venus au Luxembourg c'est «pour pouvoir vivre d'autres rêves», glisse pudiquement Mustafa.
Comme beaucoup d'hommes, Mohammed vit seul depuis cinq mois dans un foyer pour réfugiés non loin de Luxembourg et se fait un sang d'encre pour «sa femme et ses trois enfants restés à Bagdad. Le quartier est devenu dangereux à cause de certaines milices qui tuent des gens ou les kidnappent. Dans l'école de mon fils, ils ont pris en otage deux enfants en bas âge et ont réclamé une rançon. J'ai décidé que les enfants devaient rester à la maison. Mais l'Irak est aujourd'hui hors de contrôle et le gouvernement ne peut rien faire contre».
Les demandeurs de protection internationale irakiens se sentent discriminés car ils considèrent que l'instruction de leurs demandes de protection internationale prend bien trop de retard par rapport aux demandes émanant de Syriens.
Des dossiers irakiens «hautement plus complexes»
La loi du 18 décembre 2015 relative à la protection temporaire, fixe un délai de six mois pour mener à terme la procédure. L'ennui est que «les dossiers de demandeurs irakiens sont hautement plus complexes que les dossiers syriens», répond Jean Asselborn.
Et au ministre de l'Immigration et de l'Asile d'expliquer que l'article 26 de cette loi permet de prolonger ce délai de «neuf mois supplémentaires lorsque des questions factuelles ou juridiques complexes entrent en jeu». De plus, cette prolongation de la procédure «peut être appliquée lorsqu'un grand nombre de ressortissants tiers ou d'apatrides demandent simultanément une protection internationale».
Ce qui est le cas au Luxembourg: depuis le mois de septembre 2015, le Luxembourg a connu un afflux de 374 demandeurs en septembre, 381 demandeurs en octobre, 423 demandeurs en novembre et 429 demandeurs en décembre 2015.
Le ministre précise que «tous les demandeurs irakiens ayant déposé leur demande avant août 2015 ont déjà été invités à un entretien individuel». Selon des informations recueillies auprès du Service réfugiés, les personnes arrivées depuis septembre 2015 «vont être convoquées dans les prochaines semaines». D'autant que les effectifs du service ont été renforcés pour écourter les délais d'attente justement.
En ce qui concerne les demandeurs syriens, le ministre précise que l'instruction des dossiers se limite à «des entretiens individuels plus courts et l'accent est essentiellement mis sur l'établissement de l'identité et l'origine des personnes. De ce fait, il est normal que les délais d’instruction dans les dossiers syriens soient plus courts».