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La Chambre des députés s'apprête à débattre sur le projet de loi du budget 2023.
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Mobilité, énergie, santé... Le budget 2023 passé au crible

La Chambre des députés s'apprête à débattre sur le projet de loi du budget 2023. © PHOTO: Marc Wilwert

Alors que les parlementaires sont sur le point d'entamer l'épineux débat portant sur le projet de loi du budget 2023, Virgule s'est penché sur certaines thématiques du texte.

Par Laura Bannier et Mélodie Mouzon

Après la présentation du rapport de la commission finances et budget, présidée ce mardi 13 décembre par Max Hahn (DP), rapporteur du budget 2023, vient l'heure des débats. Les parlementaires vont échanger, avant d'avoir à voter, jeudi, sur le projet de loi portant sur le budget 2023. Un exercice qui s'annonce animé.

26,254 milliards de recettes pour 26,243 milliards de dépenses, le budget en question se positionne à la hausse par rapport à celui de l'année précédente. Une augmentation qui s'explique, entre autres, par les surcoûts engendrés par la crise énergétique. Énergie, justement, transports, santé, environnement, pensions et Grande Région, autant de lignes de dépenses sur lesquelles Virgule s'est penché, afin de mieux comprendre cette hausse de quatre milliards.

Energie

Il pesait pour 0,11% du budget total en 2022. S'il y a bien un ministère qui a pris un peu plus de poids dans la version 2023 de l'exercice budgétaire de l'État, c'est celui de l'Énergie et de l'Aménagement du territoire. Dans le projet de loi, l'administration est créditée d'1,67% des dépenses totales, soit près de 440 millions d’euros. Largement plus que les 23 millions qui étaient prévus pour cette année.

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Pour trouver le motif qui se cache derrière cette augmentation exponentielle des dépenses, pas besoin d'aller bien loin. Ainsi 427 de ces 440 millions, soit 97% du montant, sont consacrés à l'Énergie et parmi eux, 392 millions servent à soutenir une mesure exceptionnelle: la prise en charge par l'État des frais engendrés par l'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel, et des frais engendrés par le frein des prix du gaz.

Aider les particuliers

Pour rappel, l'intervention de l'État sur les frais engagés pour la livraison et la distribution du gaz au client remonte au 1er mai 2022. La mesure était entrée en vigueur après la signature du premier «Solidaritéitspak», et visait à venir en aide aux particuliers face à la hausse des prix de l'énergie, qui avaient augmenté de 41% entre août 2021 et mars 2022.

Fin novembre, les députés ont voté en faveur du projet de loi 8088, visant à étendre la mesure jusqu'à la fin de l'année 2023. Le texte portait par ailleurs sur une limitation de la hausse des prix du gaz pour les clients résidentiels à hauteur de 15% par rapport au prix moyen du gaz en septembre 2022. Cette seconde mesure a même fait l'objet d'une rétroactivité, portant sur une période courant du 1er octobre 2022 jusqu'à fin 2023. Faisant partie de l'accord tripartite, ces deux interventions de l'État sur les prix du gaz ont fait l'objet d'une estimation de leur impact budgétaire, fixé à approximativement 500 millions d'euros lors du vote de la loi.

Transports

La mobilité, elle, pèse bien plus lourd dans le budget prévisionnel pour 2023. 10,20% des 26 milliards de dépenses sont ainsi consacrés au ministère de la Mobilité et des Travaux publics. Si l'on observe une légère baisse en proportion par rapport à la prévision de l'exercice 2022, où ce ministère engrangeait 11,21% du budget total, la valeur absolue, elle, est en augmentation, passant de 2,489 milliards à 2,675 milliards.

Dans ce budget global, la gratuité des transports publics représente une part non négligeable, et connaît, elle aussi, une hausse. Le coût de cette mesure, instaurée depuis le 1er mars 2020, avait été chiffré à 41 millions par an. Ce montant correspond uniquement à la perte des recettes tarifaires, auquel il convient de rajouter le coût de fonctionnement des trains, trams, et bus du pays.

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Ce dernier a donc été revu à la hausse pour 2023, et correspond à un investissement de 799,7 millions, soit 110 millions de plus qu'en 2022. Dans ce total, c'est au rail que revient la plus grosse part du gâteau, à savoir 524,1 millions d'euros, dont 283,3 millions d'euros serviront à financer les projets d'infrastructures dans le cadre de l'extension et de l'amélioration du réseau. À noter que l'État ambitionne de faire du réseau ferroviaire nationale le réseau «le plus moderne d'Europe», avec un investissement de 2,6 milliards d'ici 2026.

Construction et inflation

Parmi les autres investissements de taille, qui expliquent cette hausse des dépenses consacrées à la mobilité, se trouve l'extension du réseau du tram qui doit se poursuivre au cours de l'année 2023. Ainsi, si 52,5 millions d'euros doivent être consacrés au réseau du tramway, des dépenses de 25 millions d'euros sont prévues dans le cadre du chantier du pôle d'échange d'Howald, et du réaménagement de la rue des Scillas. Ce chantier, qui doit se terminer en 2025, et tous les autres projets financés font par ailleurs l'objet de différentes hausses de coûts engendrées par l'inflation sur les prix de construction et de matières premières.

Pensions

Plus que la mobilité, davantage que l'éducation, et encore plus élevé que la sécurité, ce sont bien les pensions qui remportent la première place des dépenses sur le budget prévisionnel de l'État. Ces dernières sont inscrites dans les dépenses du ministère de la Sécurité sociale, qui pèse pour 18,02% des dépenses totales, soit la part la plus conséquente. Doté de 4,727 milliards d'euros pour 2023, l'institution en consacrera la moitié (50,81%) à l'assurance pension contributive.

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Les retraités coûteront ainsi 2,402 milliards d'euros à l'État, soit 260 millions de plus qu'en 2022. Une somme conséquente, qui augmente plus vite que les prévisions. En effet, au sein du budget prévisionnel 2022, les dépenses estimées pour l'année 2023 se chiffraient à 2,239 milliards. Ce sont donc 163 millions supplémentaires qui sont venus s'ajouter au total.

Vers une réforme du système

Là aussi, cette hausse des budgets prévisionnels peut s'expliquer par l'inflation. Les pensions étant concernées par l'index, au même titre que l'ensemble des salaires versés au Luxembourg, leur montant va connaître plusieurs augmentations en 2023. Par ailleurs, les pensions vont connaître une revalorisation de l'ordre de 2,2% au 1er janvier.

Mais la hausse du coût de la vie n'expliquera pas à elle seule l'augmentation future des dépenses de l'État liées à la pension. En effet, de plus en plus de pensionnés doivent être financés par la population active. Si les réserves augmentent encore plus rapidement que le niveau de dépenses annuelles, le taux de cotisation de 24% risque de ne plus être suffisant à partir de 2027, ce qui pose la question d'une réforme du système de l'assurance pension.

Grande Région

«Le Luxembourg n'est pas une île.» Si cette phrase est allègrement répétée par les décideurs politiques, comment se vérifie-t-elle à l'intérieur du budget prévisionnel? Alors que le gouvernement dispose d'un ministère de la Famille, de l'Intégration et à la Grande Région, cette dernière ne pèse pas bien lourd en termes de dépenses.

Un financement varié

Comme en 2022, la Grande Région est créditée de 0,01% des dépenses de son ministère. En valeur absolue, il est cependant possible de déceler une légère augmentation des dépenses, qui passent de 256.155 euros à 263.155 euros. Cette hausse s'explique par l'augmentation de 3.000 euros des frais de fonctionnement du secrétariat permanent et commun du comité économique et social de la Grande Région, et de 8.000 euros pour la participation à des actions menées dans le cadre de la coopération transfrontalière de proximité.

À noter que cette participation est vouée à augmenter de quelques milliers d'euros par an dans les budgets à venir. Cependant, si ce montant paraît faible au regard des autres postes de dépenses de l'État luxembourgeois, il est utile de nuancer ce constat en rappelant que le Luxembourg participe au financement de divers projets transfrontaliers, qui ne rentrent pas sous la houlette du ministère. On peut, par exemple, citer l'investissement dans des infrastructures visant à améliorer la mobilité, à l'image du P+R de Metzange, ou encore les lignes de bus RGTR qui desservent les pays frontaliers.

La coopération transfrontalière, c'est aussi via l'Union européenne, et sa politique de cohésion, comme le programme Interreg, que ça se passe. Station d'épuration, réseau de pistes cyclables ou encore bus bibliothèque, une multitude de projets transfrontières de plus ou moins grande envergure son concernés par l'investissement de fonds européens. Ainsi, jusqu'à 2027, 182 millions d'euros vont être investis par les fonds Feder de l'UE dans ces initiatives variées, visant à rendre la Grande Région plus sociale et plus verte.

L'environnement et le climat

Quelque peu éclipsée par la crise sanitaire ces deux dernières années, la question du changement climatique est revenue en force avec la flambée des prix de l'énergie. Le Luxembourg a toujours pour objectif d'arriver à la neutralité climatique en 2050. Et pour le moment, il fait plutôt figure de bon élève. L'an dernier, il a atteint, et même dépassé, ses objectifs de réduction des émissions de CO2. Mais pour continuer à atteindre les buts qu'il s'est fixés en matière de politique climatique, cela nécessite des moyens.

Plus d'un milliard d'investissements

Même si la part que représente le budget du ministère de l'Environnement dans le budget global reste stable au fil des ans et se situe un peu en dessous de 2%, l'enveloppe destinée aux investissements environnementaux et climatiques gonfle quant à elle chaque année. Pour 2022, elle a atteint 1,114 milliard d'euros et l'an prochain, ces investissements devraient représenter 1,219 milliard d'euros.

En parallèle, les moyens alloués à la réalisation du plan national énergie et climat (PNEC) sont aussi en augmentation. Ils ont atteint près de 1,9 milliard en 2022 et près de 2,2 milliards l'année prochaine.

Et pour tendre encore un peu plus vers la transition écologique et encourager les énergies renouvelables et la mobilité douce, certains incitants financiers ont été revus à la hausse ces derniers mois. Conséquences: le personnel de l'administration de l'environnement s'est retrouvé noyé par les demandes qui affluent de toutes parts. De 8 personnes en janvier 2019, le service compte aujourd'hui 22,25 travailleurs. Mais ce n'est pas encore suffisant pour traiter toutes les demandes à temps.

L'administration a donc décidé de recruter du personnel supplémentaire. Le budget pour ce poste a été revu à la hausse d'une manière significative. Les dépenses pour le personnel augmenteront de 1,7 million d'euros en 2023 par rapport à 2022 (+18%). C'est deux millions de plus que ce qui avait budgétisé auparavant. Cette hausse, bien que moins conséquente, devrait se poursuivre dans les années à venir.

La santé

La pandémie de covid-19 a laissé des séquelles dans le système de santé luxembourgeois, dont le personnel soignant a été fortement éprouvé par ces longs mois de crise. Cette dernière aura engendré un coût de plusieurs milliards d'euros. Cette crise aura-t-elle permis de renforcer le secteur? Oui, à en croire les montants alloués à la santé dans le budget, qui sont en augmentation depuis la pandémie.

Même si la part du budget global consacrée au ministère de la Santé est restée relativement stable, passant de 1,11% en 2020 à 1,43% pour cette année et à 1,31% pour 2023, en valeur absolue, les moyens alloués à la santé sont en hausse chaque année. Par rapport à 2022, l'enveloppe a été gonflée de près de 8%, passant de 317 millions à 342 millions. Entre 2019 et 2023, on note ainsi une hausse de 66% des dépenses consacrées à la santé!

À noter que des dépenses liées au covid sont également inscrites dans le budget de la Sécurité sociale. Dans sa participation au financement de l'assurance-maladie, l'État verse une dotation pour les dépenses liées aux mesures sanitaires. Celle-ci a atteint 62 millions d'euros en 2022, pour 200 millions en 2020, au début de la pandémie. En 2023, cette dotation atteindra 37,5 millions d'euros.

Renforcer les soins de santé

La crise sanitaire aura eu ceci de positif qu'elle aura fait prendre conscience de l'importance d'un système de santé solide. Et de la nécessité de réinvestir dans le secteur, afin de mieux le préparer pour des crises futures.

Globalement, le Luxembourg est bien loti en la matière. Avec 5.400 euros dépensés par habitant pour la santé en 2020, il fait mieux que la plupart de ses voisins européens. Sa gestion efficace de la crise du covid-19 a également été saluée récemment par l’OCDE, qui a conclu «qu’il fallait d’urgence réinvestir à bon escient pour renforcer la résilience des systèmes de santé », notamment en soutenant les professionnels de santé travaillant en première ligne.

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