«Nous avons pris et nous prendrons nos responsabilités»
Le Premier ministre est longuement revenu sur la situation économique, sociale et financière de son pays. Résolument optimiste, il a notamment levé le voile sur de nouveaux incitants financiers et sur les futurs enjeux du Luxembourg.
Le Premier ministre est revenu de manière transparente sur la situation économique, sociale et financière du pays. © PHOTO: LW
La place de Premier ministre de Xavier Bettel (DP) a déjà été plus enviable que cela. Crise sanitaire, crise du logement, inflation, guerre en Ukraine, les dernières années du dirigeant en place sont loin d'avoir été un long fleuve tranquille. Pourtant, c'est un homme résolument décidé qui a pris la parole ce mardi à la Chambre des députés pour faire le point sur l'état de la Nation.
Un long discours où le Premier ministre est revenu de manière transparente sur la situation économique, sociale et financière du pays. À de nombreuses reprises, ce dernier a rappelé que son pays a pris de «nombreuses responsabilités» face aux différentes crises qui se sont succédé. «Depuis mars 2020, notre monde est sens dessus dessous», a admis d'emblée Xavier Bettel. «Après plus de deux longues années de pandémie, le président russe plonge l'humanité dans une prochaine crise avec une guerre inhumaine»
Ce gouvernement fera tout pour que les Luxembourgeois se portent bien à l'avenir.
Le chef de l'exécutif s'est d'ailleurs montré plutôt pessimiste au regard de l'inflation qui ne cesse de plomber le pouvoir d'achat des ménages. «Nous sommes au bord d'une crise économique mondiale. Nous vivons une époque marquée par l'incertitude et l'insécurité. Aucun d'entre nous ne peut dire avec certitude à quoi ressemblera le monde dans un an ou même dans quelques mois. Ce que je peux dire avec certitude, c'est que ce gouvernement fera tout pour que les Luxembourgeois se portent bien à l'avenir.»
Mais peu importe pour Bettel. «Ce gouvernement a pris ses responsabilités à plusieurs reprises au cours des dernières années. Nous sommes prêts à prendre nos responsabilités aujourd'hui, et aussi demain», a-t-il assuré.
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Comme il l'avait déjà martelé lors de son discours à l'occasion de la fête nationale, le Premier ministre se dit «fier» de la solidarité du peuple luxembourgeois, notamment lors de la guerre en Ukraine. «Plus de 2.600 réfugiés ukrainiens sur un total d'environ 4.100 ont été hébergés à titre privé par des résidents luxembourgeois. C'est un énorme acte de solidarité et d'humanité», a noté l'intéressé, tout en rappelant que le gouvernement a aussi fait sa part.
«Pour la première fois dans l'histoire du Luxembourg, nous avons livré des armes lourdes dans une zone de guerre active. À ce jour, nous avons envoyé 72 millions d'euros d'équipements militaires à l'Ukraine. Cela correspond à 16% de notre budget de défense actuel. Ainsi, nous faisons partie des premiers dans l'Union européenne et dans l'OTAN. Nous sommes déterminés à poursuivre ces efforts»
Un effort de Défense considérable
Et puis, celui-ci est aussi revenu sur la hausse du budget pour la Défense qui doit, d'ici 2028, représenter 1% du PIB. Pour cela, le Luxembourg mise notamment sur un bataillon belgo-luxembourgeois ou encore sur des technologies dans le domaine du cyberespace. «Nous ne cédons pas au chantage. Et surtout pas de la part d'autocrates qui veulent détruire notre Europe libre et pacifique», a-t-il lancé. Poutine appréciera.
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Aussi, face aux récentes cyberattaques subies par Enovos ou encore Creos, Xavier Bettel a levé le voile sur projet pilote visant à créer une réserve de cyberdéfense nationale. «C'est-à-dire une réserve de spécialistes dans le domaine de la cybersécurité», a-t-il dit. «Le GovCERT va installer un réseau national de sondes à proximité de nos infrastructures critiques. Les anomalies du réseau seront à l'avenir communiquées à un centre national de sécurité afin de transmettre rapidement l'information à nos infrastructures critiques et de mieux les protéger contre les attaques.» Pour ce faire, les administrations et les autorités en charge de la cybersécurité recevront des moyens nettement plus importants dans le prochain budget.
Bref, le Luxembourg veut faire la guerre aux pirates informatiques, tout en composant avec une guerre énergétique et économique. «Oui, ce n'est pas une période facile pour de nombreux citoyens et pour beaucoup d'entreprises», a reconnu Bettel. «Mais nous sommes tous restés solidaires pendant ces mois difficiles. Entre nous ici, mais aussi avec les autres personnes qui se trouvent dans une situation encore pire. Pendant les derniers mois, le gouvernement avait comme préoccupation majeure de ne pas laisser les citoyens et les entreprises seuls avec leurs inquiétudes. Lors du pacte Energie et des deux tripartites, nous avons voté des paquets d'aides historiques d'un montant total de 2,5 milliards d'euros pour soutenir financièrement ceux qui souffrent le plus de la situation actuelle.»
Nous avons sauvegardé le système d'indexation et le paiement de toutes les tranches sera exécuté l'année prochaine
Mais au total, on apprend que depuis le début de la pandémie et les crises successives, ce n'est pas moins de 5,5 milliards d'euros d'aides directes et indirectes qui ont été versés aux personnes et aux entreprises.
Et selon le Premier ministre, les aides mises en place fonctionnent ! «Nous avons sauvegardé le système d'indexation et le paiement de toutes les tranches sera exécuté l'année prochaine. Les aides aux entreprises montrent leur efficacité en empêchant des faillites et en sécurisant les postes de travail. Le nombre de faillites est approximativement au même niveau qu'en 2019. L'année dernière, environ 12.600 nouvelles entreprises ont été créées. Le chômage à 4,8% est même en dessous du niveau d'avant la pandémie».
Le Luxembourg, un pays résolument social
Ce discours sur l'état de la Nation a aussi été une opportunité pour le Premier ministre de rappeler que ses promesses ont été tenues: augmentation progressive du salaire minimum, introduction de la gratuité de l'accueil des enfants et des maisons relais, gratuité des livres et des repas scolaires, augmentation de l'allocation de logement, loi électorale modifiée, réforme fiscale socialement équitable, etc. «Au total, 47 % des dépenses du budget de l'État sont consacrées à des mesures sociales.»
Par ailleurs, le salaire minimum et le REVIS seront augmentés en janvier de plus de 3% et l'allocation de vie chère majorée et la prime énergie seront prolongées d'un an. «Afin de pouvoir encore mieux aider les plus faibles de notre société à l'avenir, le gouvernement augmentera de 50% le personnel des offices sociaux».
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Xavier Bettel est aussi revenu sur la crise climatique, dont la «menace est déjà réelle». Malgré les crises et les défis actuels, le changement climatique reste en effet, selon lui, la menace la plus importante et la plus imminente pour l'humanité. C'est dans ce contexte qu'à vu le jour le Bureau du citoyen pour le climat, regroupant une centaine de citoyens. «Celui-ci a dressé un catalogue impressionnant de 56 propositions et plus de 200 mesures individuelles», s'est réjoui Bettel. «Le gouvernement tient sa promesse et intégrera les travaux du Klima-Biergerrot dans les discussions sur le nouveau plan en matière d'énergie et de climat.»
Dans le cadre de la protection du climat, il est à noter que la production d'énergie renouvelable a été doublée au cours des six dernières années. «Nous constatons un succès particulier dans le domaine des systèmes d'énergie solaire. L'année dernière, nous avons installé 15 fois plus d'unités qu'en 2016», soutient le Premier ministre, tout en annonçant une augmentation de 50% de la prime pour le remplacement d'un système de chauffage aux combustibles fossiles par un système plus respectueux du climat. «Le gouvernement soutiendra aussi, via subsides, les ménages, qui chauffent aux pellets et qui sont actuellement confrontés à des prix élevés. Les aides «Klimabonus» pour toute rénovation énergétique seront augmentées de 25%.»
Je me mets devant vous aujourd'hui et je dis en toute clarté : nous devons stopper la catastrophe climatique. Coûte que coûte, car nous n'avons pas le choix
Mais plus que des incitants financiers, Xavier Bettel semble vouloir aussi employer la manière forte en introduisant l'obligation, après une phase de transition, d'installer un système photovoltaïque sur le toit entier de chaque nouvelle construction. «Pour cette raison, l'État prendra en charge le coût des installations photovoltaïques des personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas se permettre cet investissement. Dès que l'État aura récupéré les coûts induits par la production d'électricité, il offrira l'installation au propriétaire.»
Des espaces de coworking pour les frontaliers
Un Luxembourg plus respectueux du climat passera aussi forcément par l'électromobilité. De ce côté-là, le Premier ministre s'est montré satisfait du nombre de nouvelles immatriculations pour des véhicules électriques ou hybrides, tout en assurant que le réseau de bornes de recharge rapide sera étoffé d'ici à 2025. «Je me mets devant vous aujourd'hui et je dis en toute clarté : nous devons stopper la catastrophe climatique. Coûte que coûte, car nous n'avons pas le choix.»
Toujours rayon mobilité, Xavier Bettel n'a pas oublié les travailleurs frontaliers belges, français et allemands qui, chaque jour, font face à des embouteillages parfois interminables pour se rendre sur leur lieu de travail. C'est pour cela qu'il souhaite utiliser la digitalisation pour rendre la mobilité plus efficace. «Le gouvernement est en train de créer un observatoire de la mobilité digitale. Nous déposerons l'année prochaine un texte légal afin que cet observatoire puisse collecter les informations nécessaires et les mettre à disposition de tous les acteurs intéressés».
Les frontaliers n'ont donc pas été oubliés par Bettel qui en a profité pour évoquer le télétravail, source d'interrogations depuis la reprise de la vie «normale». Pour lui, la solution doit passer par la création de davantage d'espaces de coworking installés aux frontières. «Après avoir discuté avec la Chambre de commerce et la Chambre des métiers, le gouvernement a également mené une enquête auprès des chefs d'administrations publiques. Nous allons maintenant analyser toutes ces informations et travailler sur une stratégie pour répondre le plus rapidement possible aux souhaits des entreprises, des travailleurs frontaliers et des résidents de disposer davantage d'espaces de coworking décentralisés.»
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Toutefois, ce dernier a insisté et a invité un maximum d'automobilistes à délaisser la voiture pour les transports publics gratuits. «Nous continuerons d'investir dans les trains, les bus et les tramways».
Faut-il rappeler l'idée d'une ligne de tram du Findel à la Cloche d'Or? «L'ensemble de ce tracé devrait être mis en service d'ici 2024», a promis Bettel. Par ailleurs, en plus des études pour la réalisation d'un tram rapide en direction d'Esch, le gouvernement déposera à la Chambre des députés, encore au cours de cette législature, des projets de loi supplémentaires pour le financement d'extensions additionnelles, des nouvelles lignes et d'un nouvel hangar de tram.
Les agriculteurs seront soutenus
Le Premier ministre n'a pas oublié non plus les agriculteurs, qui «ne sont pas nos adversaires, mais plutôt nos alliés» pour atteindre les objectifs climatiques. Avant l'été, le gouvernement a adopté le projet de la nouvelle loi agricole. Plus de 800 millions d'euros du budget national et européen seront affectés aux entreprises agricoles luxembourgeoises dans les années à venir. Environ 40% des dépenses annuelles sont réservées aux aides dans le domaine du climat et de la biodiversité.
Des investissements publics massifs, c'est une bonne chose, à condition de ne pas mettre en péril la santé financière du pays. Xavier Bettel l'a bien compris et tient à rassurer sur la compétitivité du pays: «Aujourd'hui, nous pouvons nous permettre de nous endetter davantage parce que ce gouvernement a mis en place une politique financière responsable depuis 2013». En effet, aujourd'hui, la dette publique luxembourgeoise est de 24,6%, l'une des plus faibles de la zone euro.
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Toutefois, dans le climat actuel, le Premier ministre juge «irresponsable de financer une grande réforme fiscale aujourd'hui». «Surtout à crédit et aux dépens des générations futures. L'évolution économique et donc budgétaire étant actuellement très imprévisible, le gouvernement attendra les prochains mois avant de décider du calendrier de nouveaux allégements fiscaux.»
Le gouvernement attendra les prochains mois avant de décider du calendrier de nouveaux allégements fiscaux
Plus que jamais, le logement a aussi été au coeur du discours de Xavier Bettel. «Les nombreuses mesures que le gouvernement a initiées au cours des dernières années ont besoin de temps pour produire leurs effets. Mais cela ne doit pas être une excuse pour se reposer sur ses lauriers. Nous ne pouvons pas et ne voulons pas nous contenter de regarder de plus en plus de personnes lutter contre les prix élevés des logements».
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C'est pour cette raison que le logement abordable sera toujours au coeur des investissements du gouvernement. Pour Bettel, le logement ne doit pas être un objet de spéculation. «Nous devons lutter contre cela et libérer massivement des terrains constructibles.» Selon le chef de l'exécutif, les efforts du gouvernement commencent à porter leurs fruits. «Les dépenses pour le logement public sont passées de 40 millions d'euros en 2017 à 220 millions cette année. Ce qui correspond à une progression de 450% en cinq ans. Notre objectif à moyen et long terme est d'investir un demi-milliard d'euros. Le logement abordable pour tous mérite cet investissement.»
Les droits fondamentaux des citoyens et leurs libertés individuelles ont toujours été importants pour nous.
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Face à une éventuelle crise sanitaire, Bettel dit également se tenir prêt à réagir, tout en évoquant ce rapport de l'OCDE et ses pistes de réflexion pour une meilleure gestion de crise. «Nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger au mieux nos semblables du virus, sans pour autant que nos vies soient complètement déterminées par le virus. Les droits fondamentaux des citoyens et leurs libertés individuelles ont toujours été importants pour nous», a-t-il dit, tout en assumant la responsabilité d'un secteur de la santé plus efficace et plus inclusif, accessible et abordable pour tous.
Les jours qui s'annoncent sont sombres, Xavier Bettel ne l'a pas éludé. «Je comprends ces soucis et cette peur. Mais il y a suffisamment de raisons pour aborder les semaines et les mois à venir avec optimisme et courage. Ensemble, nous allons surmonter ceci. Tout comme nous, en tant que peuple, avons déjà traversé de nombreuses périodes difficiles. Ça c'est le Luxembourg. C'est ce qui nous caractérise. Nous prenons nos responsabilités, aussi en ces temps difficiles. Pour le bien du pays et de ses citoyens. Pour aujourd'hui et pour demain», a conclu le Premier ministre.