«Nous nous mobiliserons jusqu'à la fin de la guerre»
Nicolas Zharov, président de l'association LUkraine, dit vouloir se mobiliser jusqu'au bout pour soutenir l'Ukraine. Après trois mois de conflit, il dénonce aussi les dysfonctionnements de l'Etat luxembourgeois dans le cadre de l'aide aux réfugiés venant d'Ukraine.
«Nous avons un peu repris les tâches du gouvernement parce qu'il n'arrive pas à trouver une bonne coordination entre les ministères», regrette Nicolas Zharov. © PHOTO: Thomas Berthol
Le 24 février dernier, les troupes russes sont entrées dans le territoire ukrainien. Ce mardi, la guerre en Ukraine entre dans son quatrième mois. Nicolas Zharov, président de l'association LUkraine, rassemblant la communauté ukrainienne au Luxembourg, alerte sur l'importance de continuer à se mobiliser et dresse un bilan de l'accueil des réfugiés au Grand-Duché.
Vous avez peur d'une forme de lassitude ou que les gens oublient cette guerre?
Nicolas Zharov: «Je n'ai pas peur que les gens oublient l'Ukraine, mais c'est totalement normal que les cerveaux essayent de mettre une petite barrière contre les mauvaises choses. C'est humain et nous disons, il ne faut pas s'enfermer. Il faut rester ouvert pour aider l'Ukraine en ces moments difficiles. L'Ukraine est maintenant le pays qui défend les restes des pays européens parce que Poutine ne va pas s'arrêter là, nous devons faire le maximum pour arrêter le nouveau Hitler.
Quel est le message de votre manifestation qui s'est déroulée samedi dernier?
«Nous nous mobiliserons jusqu'à la fin de la guerre. L'Europe essaie malheureusement toujours d'éviter le conflit, mais il est déjà là. Maintenant, il faut continuer à aider. Tant que la guerre n'est pas finie, on ne peut pas dire qu'on a assez aidé. Nous avons mentionné que l'Ukraine c'est l'Europe, certains pays attendent son intégration dans l'UE. Nous disons que l'Ukraine appartient à l'Europe et l'Europe serait une union beaucoup plus forte avec l'Ukraine.
Selon l'association LUkraine, 300 personnes ont manifesté samedi 22 mai à Luxembourg-Ville. © PHOTO: Thomas Berthol
Vous souhaitez que l'Ukraine intègre l'Union européenne?
«Nous avons déjà un accord de coopération, mais il reste encore un long chemin à faire. Avec la solidarité et l'unité qu'on a démontrées, je pense qu'on a mérité la place dans l'Union européenne. Je le répète, nous sommes en train de défendre l'Union européenne contre un agresseur: le nouveau Hitler.
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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprimera le 2 juin à la Chambre devant les députés luxembourgeois. Qu'est-ce que vous attendez de cette déclaration?
«Tout discours est important. Le Luxembourg en tant que pays membre de l'Union européenne, a aussi accueilli des réfugiés et aidé financièrement et militairement l'Ukraine. Je pense que le discours du président Zelensky est essentiel pour dire qu'il faut continuer à soutenir l'Ukraine et aussi pour remercier le Grand-Duché pour son aide.
Le conflit dure depuis trois mois, comment se passe actuellement l'accueil des réfugiés au Luxembourg?
«Il n'y a plus tellement de personnes qui viennent ici au Luxembourg, donc ça s'est un peu plus stabilisé. Mais la situation des réfugiés accueillis dans le pays laisse à désirer, pour beaucoup. C'est pour ça que notre association est toujours là, pour aider les réfugiés en termes d'information et d'aide humanitaire. Cela passe aussi par des cours d'intégration. Nous avons huit groupes de 20 personnes qui passent les cours de français, d'anglais et aussi d'allemand. Voilà, on fait de notre mieux.
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Nous avons un peu pris les tâches du gouvernement parce qu'il n'arrive pas à trouver une bonne coordination entre les ministères. Il y a toujours les questions qui ne sont pas résolues et depuis des mois comme des conventions qui ne sont pas signées avec la Croix-Rouge ou Caritas. Nous essayons de faire en sorte que la situation actuelle se résolve au plus vite.
En mars, vous étiez très critique par rapport à l'hébergement des réfugiés. Quelle est la situation aujourd'hui?
«J'étais à l'ouverture du nouveau centre du Kirchberg, mais il faut comprendre que tout le monde ne reste pas dans les structures temporaires. Tout ce que j'ai vu dans ce centre était très bien. Donc, je remercie beaucoup l'État luxembourgeois pour l'aide apportée aux réfugiés, mais il y a des choses qui clochent et on espère trouver des solutions au plus vite. On est là pour aider, pour soutenir le gouvernement. Nous sommes sur le terrain, nous connaissons les problèmes et on est prêt à partager notre expérience et notre savoir-faire.
Qu'est-ce qui cloche concrètement?
«Au niveau de l'aide médicale par exemple, ceux qui doivent être opérés ont besoin d'avoir des réponses. Ils sont envoyés d'un ministère à l'autre, du ministère à l'Office national de l'accueil, puis vers la Croix-Rouge ou Caritas. Tous ces acteurs ne savent pas communiquer entre eux. Nous avons aussi deux centres qui distribuent de la nourriture, des produits d'hygiène et des vêtements pour les réfugiés. Nous essayons de combler les lacunes provoquées par la lenteur du gouvernement.
Vous vous occupez de combien de familles ukrainiennes au Luxembourg?
«On essaye d'aider tout le monde. Plus de la moitié des réfugiés ne passent pas par notre association, ça veut dire plus de 2.000 personnes. Selon les données officielles de l'État luxembourgeois, il y a 3.000 réfugiés. Mais certains ne connaissent pas les démarches à faire pour avoir un statut temporaire. D'autres sont d'ailleurs aussi déjà retournés en Ukraine, je l'ai constaté personnellement. Cela montre que les réfugiés viennent ici chercher une protection temporaire.
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Pourquoi ce retour, ils trouvent que la situation s'est stabilisée?
«C'est le cas pour ceux qui viennent de la région de Kiev, qui n'est plus occupée, et certains retournent aussi à l'Ouest. Mais les personnes originaires de l'Est de l'Ukraine ne peuvent pas y retourner, parce que certaines villes sont complètement détruites comme Marioupol ou Severodonetsk. Certains retournent donc à l'Ouest de l'Ukraine, mais d'autres ont toujours peur et n'ont pas d'endroit où aller.
Comment ça se passe pour les réfugiés hébergés par des familles d'accueil?
«En général, ça se passe bien, même s'il peut y avoir certains problèmes. On essaie de les résoudre. Nous avons constaté certains cas d'abus qui existent malheureusement. Des réfugiés sont exploités pour faire les travaux de ménage avec un planning journalier, avec des règlements internes qui sont difficiles à respecter comme de ne pas téléphoner après 21 heures.
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On s'attendait à certains problèmes comme le manque de communication ou des problèmes de compréhension, mais ça se passe plutôt bien. C'est pour cette raison que nous avons fait le choix de continuer à reloger les personnes dans les familles d'accueil, surtout ceux qui se trouvent dans les structures qui ne sont pas vraiment adaptées à un séjour prolongé.
Nous avons aussi des médiateurs qui peuvent intervenir auprès des familles d'accueil et des réfugiés. Il faut considérer que même si le peuple luxembourgeois se montre très solidaire, il y a aussi la vie normale qui doit continuer. Nous essayons pour cela de trouver un consensus en prenant en compte les demandes de chaque partie.»