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Droits humains

Passerell reste bien à flot

Alors qu’elle avait dû licencier la majorité de son équipe, l’asbl Passerell aura finalement eu son conte de Noël un peu en avance à la mi-décembre 2022. Point de situation avec la nouvelle directrice Marion Dubois.

La très forte mobilisation observée pour les réfugiés ukrainiens donne de l'espoir à Passerell, car c'est la preuve que la volonté politique permet beaucoup de choses.

La très forte mobilisation observée pour les réfugiés ukrainiens donne de l'espoir à Passerell, car c'est la preuve que la volonté politique permet beaucoup de choses. © PHOTO: Shutterstock

Journaliste

Que de chemin parcouru depuis son apparition au grand public dans le documentaire «Grand H» en 2018. L'asbl reconnue pour l'aide juridique qu'elle apporte aux réfugiés demandant asile au Luxembourg est en effet passée du sursis à la presque banqueroute l'été dernier, pour finalement rebondir financièrement pour les deux prochaines années au bas mot. Et c’est par voie de communiqué sur son site internet que l’association a annoncé la bonne nouvelle.

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«Dans le cadre du programme ‘Citoyens, égalité, droits et valeurs’, la Commission européenne a octroyé un financement conséquent à Passerell, accompagnée des associations Ryse et Douri, pour le projet ‘LEILAW - Listen, Exchange and Inform on human rights Law for Women’, qui veillera à une application effective du cadre légal protégeant les victimes de violence fondée sur le genre pour les femmes migrantes au Luxembourg.»

Marion Dubois, passée de chargée de projets à directrice de l’association, estime d’ailleurs que «le financement de la Commission européenne confirme ce que nous répétons régulièrement: il est légitime de demander aux pouvoirs publics de soutenir financièrement les associations qui, comme Passerell, œuvrent en faveur des droits humains». Une déclaration faisant bien sûr écho à la lettre ouverte adressée l’été dernier aux ministères des Affaires étrangères et de la Justice.

Trois personnes prochainement recrutées

Ainsi, c’est avec la coopération des associations Ryse (axée sur l’aide à l’intégration sur le marché du travail) et Douri (fonctionnant sur le principe de café des langues) que l’asbl espère à terme la mise en place d’un cercle vertueux pour ses bénéficiaires. Et puisqu’un bonheur n’arrive jamais seul, cette manne financière va permettre à l’association d’étoffer son équipe avec trois personnes supplémentaires, dont le recrutement est en cours.

«Au moment où nous pensons que les choses sont perdues, nous ne pouvions encore assurer qu'une demi-journée de permanence par semaine pour recevoir les demandeurs, contre trois journées habituelles. En gros, cela ramenait à ne pas pouvoir assister une trentaine de personnes par mois... Heureusement, nous allons pouvoir aller de l'avant à présent! Nous sommes bien entendu également reconnaissantes des dons faits tout au long des derniers mois par les particuliers!»

Rester fixé sur les objectifs

L’heure est donc encore aux réjouissances en ce début d’année 2023, mais Marion Dubois n’en n’oublie pas moins les objectifs principaux de Passerell, à savoir, «pérenniser ses activités et ne surtout pas relâcher les efforts déjà fournis».

Pécuniairement parlant, l’asbl dispense déjà des formations payantes pour les personnes devant ou souhaitant être au fait de la législation des droits de l’homme en vigueur. Elle a récemment obtenu un agrément ministériel supplémentaire qui va lui permettre de continuer à former toujours plus de personnes gravitant dans l’univers du droit d’asile.

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Pour le reste, la directrice de l’asbl et son équipe comptent bien continuer à se faire entendre sur plusieurs thématiques, plus particulièrement encore en cette année électorale qui s’annonce. Pour cela, elles ont travaillé de concert avec le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot (LFR), le Collectif Réfugiés Luxembourg. L’année 2022 leur aura permis de dresser un tableau de revendications qui seront prochainement présentées à l’ensemble des partis politiques, de la même façon que l’Union luxembourgeoise des consommateurs, qui fourbit elle aussi ses armes.

Plusieurs revendications pour le droit d'asile

L’annonce n’est pas encore officielle, mais certaines thématiques «récurrentes» devraient être mises en avant, à l’instar de la problématique du logement qui affecte tout autant les réfugiés que les résidents, sans oublier la lutte pour un assouplissement des critères d’obtention d’une AOT (autrement dit, une demande d'autorisation d'occupation temporaire).

En mai dernier déjà, l’asbl pointait les difficultés de la plupart des réfugiés à l’obtenir, «parce qu'elle nécessite un test de marché en plus d'une attente de six mois avant de pouvoir travailler quand on est demandeur d'asile».

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La question de la gestion des mineurs non accompagnés reste elle aussi brûlante plus que jamais, un constat qui rejoint celui dressé par l’Okaju à l’automne dernier. Par effet de comparaison, l’ensemble des dispositions prises pour l’accueil des réfugiés ukrainiens est porteuse d’espoir, «la rapidité et l’ampleur de la mobilisation prouve qu’on peut, avec une volonté politique, trouver des solutions».

Enfin, Marion Dubois le martèle, «Passerell ne compte pas lâcher l’affaire pour que les asbl actives dans la défense des droits humains soient subventionnées à grande échelle par le gouvernement». Annoncée cette été, la rencontre entre Passerell, le MAEE et la justice a d’ailleurs bel et bien eu lieu.

Pour le moment, «aucune réponse réellement concrète à notre demande de soutien n’a été apportée, mais nous avons néanmoins observé avec un grand intérêt le projet de budget du ministère de la Justice pour 2023: il inclut une nouvelle ligne pour le soutien des organisations œuvrant dans le domaine des droits humains. Nous sommes encore sans information complémentaire sur cette ligne, mais cela constitue déjà une avancée».

En attendant la suite, l’asbl, qui sera pour un moment encore bien occupée, sera présente au prochain festival des migrations fin février.

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