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Santé

Paulette Lenert dit «non» aux IRM dans les cabinets

Paulette Lenert joue la montre en matière de radiologie en dehors des hôpitaux. Un sujet de discorde entre les trois partis de coalition.

Des discussions sont toujours en cours pour savoir si et sous quelles conditions l'IRM peut entrer en service au centre médical Potaschberg.

Des discussions sont toujours en cours pour savoir si et sous quelles conditions l'IRM peut entrer en service au centre médical Potaschberg. © PHOTO: Anouk Antony

(BaL avec Annette WELSCH) Le premier cabinet de radiologie du Luxembourg équipé d'un IRM, d'un scanner et d'un appareil de radiographie classique, pourrait et devrait ouvrir ses portes le 1er avril prochain au Potaschberg. Récemment, les médecins ont toutefois reçu un courrier du ministère: la ministre de la Santé Paulette Lenert (LSAP) a prononcé une interdiction de mise en service de l'IRM.

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Des discussions sont actuellement en cours pour savoir si et à quelles conditions cet équipement pourrait tout de même avoir sa place au sein du cabinet. S'agissant d'un investissement important pour lequel toutes les autorisations nécessaires ont été obtenues, cette décision politique reposant sur des pieds d'argile sur le plan juridique risque d'avoir du mal à passer auprès de la population rurale de l'Est.

D'autant plus que cette prise de position s'inscrit dans le cadre d'une des grandes questions d'avenir pour le système de santé: quel rôle les hôpitaux doivent-ils jouer dans les soins médicaux, que doivent-ils proposer et qu'est-ce qui peut être externalisé dans les structures ambulatoires en matière de diagnostic et de thérapie? Ces structures doivent-elles fonctionner comme des antennes des hôpitaux ou peuvent-elles également être organisées par des groupes de médecins sans être rattachées à un hôpital?

Virage ambulatoire

Cela fait partie de la discussion sur ce que l'on appelle le virage ambulatoire, lancée en 2008 par le corps médical, qui est menée très concrètement depuis deux ans dans le cadre de la Gesondheetsdësch, table ronde dédiée au système de santé, qui a récemment fait l'objet d'un débat d'orientation au Parlement et qui a déjà été portée devant les tribunaux.

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En 2019, la Cour constitutionnelle, puis le tribunal administratif, ont rendu leur décision: la demande d'autorisation d'un médecin pour un IRM exploité dans un cabinet médical doit être acceptée. En effet, le fait qu'un règlement grand-ducal énumère les activités qui ne peuvent avoir lieu qu'à l'hôpital - parmi d'autres, la radiologie - constitue une restriction du libre exercice de la profession de médecin, protégé par la Constitution.

Entre-temps, le ministère de la Santé a délivré par la force des choses deux de ces autorisations de pratiquer la radiologie en dehors d'un hôpital. Le groupe de médecins qui souhaite installer un tel centre à la Cloche d'Or attend encore que les tarifs correspondants soient négociés avec la CNS pour pouvoir ensuite investir dans des appareils.

Rédigé sous forme de GIE

Avec le centre médical Potaschberg (CMP), le cabinet de radiologie en question est désormais opérationnel, avec le matériel et le personnel spécialisé correspondants, comme c'est l'usage dans tous les pays voisins du Luxembourg.

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Le concept est simple: les surfaces à usage médical du complexe Aktiva-Fit au Potaschberg sont louées au CMP, qui est constitué en groupement d'intérêt économique (GIE): un groupement d'intérêt économique qui, conformément à ses statuts, ne vise pas à réaliser des bénéfices mais à équilibrer son bilan et qui n'accepte comme membres que des médecins exerçant sur place.

Seuls ces derniers gèrent ensemble les affaires du CMP. Et c'est le CMP qui a acheté les appareils, qui en est l'unique propriétaire et qui les met à la disposition des radiologues exerçant sur place.

Le jugement est interprété différemment

Les médecins du CMP ont obtenu pour la première fois un entretien avec la ministre de la Santé. La situation sera discutée à la fin du mois. Car la lecture dudit jugement n'est pas la même au ministère que chez les médecins, pour qui il est clair qu'en raison de la décision, les activités jusqu'ici expressément réservées aux hôpitaux sont également autorisées dans une structure ambulatoire extérieure.

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En juin dernier, Paulette Lenert avait répondu à la question parlementaire de Marc Lies (CSV): «Des autorisations d'établissement et d'exploitation d'un cabinet de radiologie ont été accordées par les administrations du gouvernement fin 2020 à un radiologue suite à des demandes introduites en 2017, après des jugements de la Cour constitutionnelle et du tribunal administratif sur recours contre un premier refus administratif. Dans son avis la Cour constitutionnelle a déclaré comme non conforme à la Constitution, l'article 19 de la législation hospitalière, et par conséquent le règlement grand-ducal pris en application de ce texte de loi, interdisant l'installation d'appareils de radiologie dans un cabinet médical».

La ministre a également indiqué que des discussions sur l'organisation des activités ambulatoires seraient en cours avec les personnes concernées dans le cadre de la Gesondheetsdësch.

Dernière réunion du Gesondheetsdësch en juillet 2021

«Le but étant de créer un cadre légal répondant aux besoins des assurés dans ce domaine et garantissant les normes de qualité et de sécurité d'un système de soins de santé à la pointe du progrès.» La dernière réunion du Gesondheetsdësch à ce sujet a toutefois eu lieu en juillet 2021, et aucun résultat des discussions ni aucune conclusion politique n'a jamais été communiqué.

Lors du débat d'orientation au Parlement sur le virage ambulatoire, Paulette Lenert a récemment évoqué le fait que l'arrêt se référait «à la loi sur les médecins, mais pas à la loi sur les hôpitaux, qui stipule expressément qu'il ne peut y avoir de centres de diagnostic en dehors des hôpitaux». Différents équipements seraient réservés à l'hôpital. «En l'absence d'autorisation, le ministre peut fermer un tel centre», selon leur interprétation actuelle de la loi.

Le LSAP veut une «logique de planification»

Lenert a toutefois laissé entendre que pour d'autres équipements, elle a cité les mammographies ou les appareils laser pour les interventions ophtalmologiques, on pourrait tout à fait envisager de les délocaliser hors des hôpitaux. Car «le travail dans le secteur de la santé doit rester attractif».

Il n'est toutefois pas certain que le point de vue de la ministre tienne la route sur le plan juridique. Même le collègue de parti de Paulette Lenert, l'ancien ministre de la Santé Mars Di Bartolomeo, a parlé d'un «vide juridique» par rapport à la décision entourant l'IRM. Pour l'un comme pour l'autre, il faut «rester dans une logique de planification et éviter les dérives» pour les équipements lourds, comme pour un IRM.

Or, une telle loi de planification de l'offre ambulatoire est compliquée, «on ne l'écrit pas en six mois», selon Paulette Lenert. Actuellement, l'inspection générale de la sécurité sociale examine en outre ce que les quatre IRM supplémentaires achetés il y a deux ans ont apporté en termes d'allègement et ce qui est éventuellement encore nécessaire, et à quel endroit.

Une loi sur la planification de l'offre ambulatoire est compliquée, on ne l'écrit pas en six mois.
Paulette Lenert

La préférence des socialistes est de créer des structures ambulatoires avec des appareils lourds en partenariat avec les hôpitaux, afin de garantir la continuité des soins même en cas d'urgence et de garde.

DP contre LSAP et déi Gréng

L'affaire de la planification légale du secteur ambulatoire risque toutefois d'être difficile et il est peu probable que ce gouvernement la mette en œuvre. Car au sein de la coalition, les avis sont partagés.

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Déi Gréng est d'avis de laisser plutôt le matériel de diagnostic lourd dans le milieu hospitalier et de promulguer une loi dans ce sens. Cela peut aussi être «des antennes hospitalières», a déclaré Marc Hansen lors du débat d'orientation, craignant, tout comme Mars Di Bartolomeo (LSAP), le risque d'une médecine à deux vitesses à cause des «efforts de privatisation» et de la «menace de la médecine privée».

En revanche, le DP est sans équivoque sur le fait que les cabinets de groupe pluridisciplinaires devraient être davantage encouragés, comme l'a demandé Carole Hartmann au Parlement. «Les IRM et les scanners en font partie. Le jugement a été clair à ce sujet: ils ne doivent pas être exclusivement situés à l'hôpital».

Le jugement a parlé un langage clair : les IRM et les scanners peuvent également être exploités dans les cabinets médicaux. Il faut maintenant introduire des tarifs.
Carole Hartmann (DP)

Des tarifs devraient donc être introduits pour que les coûts d'un examen IRM à Grevenmacher soient également pris en charge. «Sinon, nous continuons à encourager une médecine à deux vitesses: les personnes qui peuvent se le permettre vont à Trèves en quelques jours, les autres attendent six semaines pour obtenir un rendez-vous dans un hôpital luxembourgeois.»

Tout comme pour la mise en service de l'IRM du Potaschberg à Grevenmacher, on joue cependant aussi la montre sur la question des tarifs et donc de la prise en charge des coûts par la CNS, en commençant par un blocage politique.

Blocage des tarifs depuis 2013

En 2013, l'association de médecins AMMD demande pour la première fois officiellement à la commission de la nomenclature des tarifs pour la radiologie dans les cabinets médicaux et est renvoyée dans le vide. Après que Lenert eut affirmé aux médias en mai 2021 qu'aucun tarif n'avait encore été demandé par l'AMMD, celle-ci fait de nouvelles demandes.

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Le représentant du gouvernement ne s'est pas présenté à la réunion de la commission de la nomenclature en octobre dernier, au cours de laquelle les négociations tarifaires sur la prise en charge de l'IRM dans les cabinets médicaux étaient pour la première fois à l'ordre du jour. Puis, en janvier, le point a été retiré de l'agenda sans indication de motifs «à la demande» de Paulette Lenert et du ministre de la Sécurité sociale Claude Haagen (LSAP). La politique s'immisce donc directement dans le fonctionnement d'institutions indépendantes de la sécurité sociale.

Actuellement, les assurés de la CNS sont entièrement remboursés pour un examen IRM effectué dans un hôpital luxembourgeois et reçoivent un forfait de 150 euros pour un examen effectué à l'étranger.

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C'est, selon la mutualité, le coût d'un IRM au Luxembourg, mais cela ressemble plus à de l'arbitraire qu'à du réalisme si l'on tient compte du coût de l'appareil, de son fonctionnement et de son entretien régulier, de la place dans l'hôpital et des frais de personnel, qui s'élèvent à au moins 160.000 euros par an pour un technicien en radiologie médicale (TRM) - on compte un minimum de trois TRM pour le fonctionnement permanent d'un IRM.

Les médecins du Centre Médical Potaschberg n'en doutent pas. Avant que les patients n'aillent à Trèves ou à Sarrebruck pour obtenir un diagnostic IRM, parce qu'ils ne peuvent pas obtenir de rendez-vous dans les meilleurs délais dans un hôpital luxembourgeois, et qu'ils mettent la main à la poche pour cela, ils peuvent aussi venir au CMP, beaucoup plus proche.

Inégalité de traitement en matière de remboursement

Il pourrait alors se produire la situation aberrante où un assuré ne serait pas remboursé, ou seulement en partie, d'un IRM prescrit par un médecin au Luxembourg et réalisé sur place par un radiologue reconnu à l'aide d'un appareil officiellement autorisé. S'il s'était rendu dans un hôpital, les frais seraient entièrement pris en charge. Le moins que l'on puisse dire, c'est que cela pourrait susciter le mécontentement, voire de nouvelles actions en justice.

Paulette Lenert et Claude Haagen sont dos au mur. Ils ne pourront plus jouer la montre bien longtemps. Le refus des tarifs et l'interdiction de la mise en service de l'IRM les endommageront politiquement à long terme.

«J'ai toujours milité pour une amélioration des soins de santé en milieu rural», déclare le député CSV de l'Est et bourgmestre de Grevenmacher Léon Gloden, qui est convaincu que l' exploitation du centre de radiodiagnostic est possible en raison du jugement de l'IRM. «J'espère que la ministre de la Santé est prête au dialogue.»

Du stationnaire à l'ambulatoire

Ce que l'on appelle le virage ambulatoire est complexe. Outre la question de savoir si et quels appareils ainsi que quelles activités (gastroscopies et coloscopies par exemple) peuvent également être pratiqués dans des cabinets médicaux, on entend par là le fait de ne plus associer différentes interventions chirurgicales à un séjour stationnaire, mais de les pratiquer en chirurgie de jour afin de garder des lits de soins critiques libres.

La question est de savoir quelles petites interventions, pour lesquelles le patient arrive à l'hôpital le matin et en sort dans la journée, peuvent être organisées et comment: de l'admission à la sortie, en passant par l'organisation des salles d'opération et le suivi à domicile, les transitions doivent se dérouler de manière coordonnée. Mais cela implique également l'hospitalisation à domicile et la prise en charge des patients atteints de cancer ou de soins palliatifs, par exemple, car le bien-être et la guérison sont plus faciles dans un environnement familier. Les services des réseaux de soins à domicile peuvent également être utilisés pour ces deux aspects.

Le traitement ambulatoire comprend également la télémédecine, dans le cadre de laquelle les patients sont suivis à distance en transmettant quotidiennement leurs données de santé aux hôpitaux ou aux cabinets médicaux. Outre la réduction des coûts, l'un des grands avantages des soins ambulatoires est qu'ils permettent de prévenir les infections nosocomiales puisque moins de patients et de visiteurs circulent dans les couloirs de l'hôpital.

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