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Pour une réforme du système électoral au Luxembourg

Après chaque élection législative au Luxembourg, le sujet revient sur le tapis: le système électoral n'est plus adapté à son époque et injuste. Et c'est vrai: le système électoral luxembourgeois est injuste pour plusieurs raisons.

Au Luxembourg, chaque vote n'a pas le même poids sur le vote final. Un système électoral obsolète est à l'origine de cette distorsion.

Au Luxembourg, chaque vote n'a pas le même poids sur le vote final. Un système électoral obsolète est à l'origine de cette distorsion. © PHOTO: Steve Eastwood

La prise de conscience de l'iniquité du système électoral luxembourgeois n'est pas nouvelle. Les élections de 1964 et de 1979 montrent combien ce système électoral peut être paradoxal.

En 1979, en décrochant 21,3% des suffrages exprimés au niveau national, le DP avait obtenu 15 sièges au Parlement, le LSAP ne remporta cependant que 14 sièges avec 24,3% des suffrages.

En 1964, la répartition des sièges à la Chambre ne reflétait pas non plus le vote national. Fort de 33,28% des voix, le CSV obtint 24 sièges. Malgré un meilleur résultat - les socialistes avaient obtenu 37,68% des voix - le LSAP dut se contenter d'un siège de moins au Parlement.

Le même effet en 2018

Lors des élections législatives du 14 octobre 2018, le CSV a recueilli 5,37% de voix de moins qu'il y a cinq ans. Ce qui lui a fait perdre deux sièges à la Chambre. Parallèlement, le LSAP a perdu 3 sièges en perdant seulement 2,68% de voix.

Ces chiffres montrent combien le nombre de mandats est disproportionné par rapport au nombre de voix obtenues par un parti.

Les petits partis trinquent

C'est surtout dans les petites circonscriptions que les faiblesses du système apparaissent au grand jour. Avec 15,87% des suffrages exprimés, le LSAP a obtenu un siège dans le Nord, le CSV a eu quatre sièges avec 32,23% des voix.

Le système électoral actuel garantit qu'en règle générale, les grands partis sont souvent surreprésentés au parlement tandis que les petits partis sont sous-représentés.

Les Pirates ont cette fois recueilli 6,4% des suffrages au niveau national mais ne représentent que 3,3% des élus au parlement (ils occupent 2 des 60 sièges). Le parti qui a réussi pour la première fois à faire son entrée à la Chambre est sous-représenté.

Le CSV, en revanche, est surreprésenté. Bien qu'il n'ait rassemblé que 28,3% des suffrages, il occupe 35% de tous les sièges de députés.

Le système pénalise donc les petits partis, qui ont peu de chance de réussir, notamment en ce qui concerne l'attribution des sièges restants, dans les plus petites circonscriptions électorales. Ceci explique aussi le fait que personne n'est parvenu jusqu’à présent à réformer le système électoral.

Dans la mesure où le système avantage les grands partis, ceux-ci n'ont aucun intérêt à le modifier et à mettre en place un système qui les pénalisera potentiellement.

Pas le même poids électoral

Deux facteurs rendent le système électoral luxembourgeois injuste: la division du pays en quatre circonscriptions électorales et la méthode de calcul du nombre de sièges. Le corollaire est que tous les électeurs au Luxembourg n'ont pas la même influence sur le résultat des élections.

Les 36.500 électeurs qui avaient le droit de voter dans l'Est du pays en 2018, ont élu sept députés. Les près de 73.000 électeurs du Centre en ont élu 21. Pas besoin d'être un grand mathématicien pour comprendre que les électeurs de l'Est sont désavantagés par ce système.

L'électeur du Centre vaut plus que l'électeur à l'Est.

C'est précisément l'argumentation qu'utilise Robert Mehlen de l'ADR. «L'électeur du Centre a plus de valeur que l'électeur de l'Est», a écrit l'ancien député qui a manqué dimanche 14 octobre sa réélection à la Chambre dans la circonscription Est.

Mehlen considère ce déséquilibre comme une violation de la Constitution, car il viole le principe de l'égalité des droits pour tous devant la loi. Mehlen veut engager une action en justice contre le système inconstitutionnel à ses yeux.

Moins quatre sièges dans le centre

A la lumière de ces conclusions, se pose évidemment la question de savoir comment le système électoral luxembourgeois peut devenir plus équitable. Une revendication exprimée de toutes parts est la création d'une circonscription unique, voire l'ajustement du nombre de mandats par circonscription.

La pondération des circonscriptions électorales a été inscrite dans la Constitution de 1988. Entre-temps cela ne correspond plus à la réalité démographique du pays. Si la pondération des circonscriptions devait être redistribuée en fonction du nombre de Luxembourgeois disposant du droit de vote, le Centre bénéficierait de 17 sièges, l'Est de 7 sièges, le Nord de 11 sièges et le Sud de 24 sièges.

La répartition en quatre circonscriptions ne colle plus à la réalité d'aujourd'hui et ne correspond pas au tissu social et économique du pays. Cette division avait été actée en 1919 dans la loi électorale. Elle remonte à une époque où le Luxembourg était divisé en zones clairement hétérogènes, et reflétait toutes des caractéristiques économiques et sociologiques spécifiques, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

La répartition des sièges par circonscription date des années 1980.

La répartition des sièges par circonscription date des années 1980. © PHOTO: Guy Wolff

La répartition devrait veiller à ce que des représentants de tous les groupes d'intérêts puissent être admis à la Chambre. Un rééquilibrage des circonscriptions électorales résoudrait le problème de la répartition des voix mais les petits partis seraient toujours sous-représentés.

La fusion des circonscriptions est aussi sujette à caution et entraîne également des inconvénients supplémentaires. Les politiciens de la région de Mersch sont dans une situation plus difficile que leurs rivaux de la capitale ou de Hesperange.

On peut aussi se demander pourquoi des communes comme Kopstal ou Mamer par exemple, appartiennent à la circonscription Sud, alors qu'elles font davantage partie du Centre.

Si une circonscription unique éliminerait tous ces problèmes, le mode de calcul actuel pénaliserait toujours les petits partis pour l'attribution des sièges restants.

Changer le système de calcul

L’étape la plus efficace pour rendre le système électoral plus équitable serait de changer le mode de calcul du nombre de sièges. Au Luxembourg, le nombre de sièges est calculé selon la méthode D'Hondt. Cette méthode, qui fait référence au mathématicien belge Victor D'Hondt, est connue pour avantager les listes qui collectent le plus grand nombre de voix, en particulier pour l'attribution des sièges restants.

Une alternative intéressante serait le calcul de sièges selon la méthode de Sainte-Laguë. Le calcul mis au point par le mathématicien français Jean-André Sainte-Laguë a pour avantage de ne pas favoriser les grands ou les petits partis dans l'attribution des sièges.

Par Patrick Besch (trad. MF)

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