Pourquoi la proposition de loi du CSV sur le logement ne résoudrait pas tout
Le CSV a proposé cinq mesures fiscales pour relancer rapidement les investissements privés dans le marché du logement. Dans les faits, cela ne résoudrait que peu de choses.
Mettre l'accent sur un marché locatif abordable, une nécessité au Luxembourg dans la conjoncture actuelle, où la démographie ne cesse de croître. © PHOTO: Shutterstock
Le 8 février dernier, les députés CSV Gilles Roth, Marc Lies et Elisabeth Margue ont soumis à la Chambre une proposition de loi à double objectif: «soutenir et redynamiser le marché de l’immobilier par la création d’un climat fiscal avantageux et limité dans le temps (2 ans) pour encourager rapidement l’investissement privé dans l’immobilier».
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Une proposition faisant suite à ce que ces personnalités politiques de l’opposition imputent à des décisions gouvernementales récentes qui auraient «aggravé la situation en décourageant les investissements dans la création de logements en général et de logements locatifs en particulier».
Mais les propositions de l'opposition pourraient-elles vraiment résoudre tous les problèmes? Contacté par nos soins, Bruno Gasparotto, Principal du département de droit fiscal du cabinet Arendt & Medernach, considère que «c’est un peu réducteur de réduire ces mesures à deux ans, car c’est une période trop courte pour pouvoir juger de leur utilité». Sans compter que «cela complique la vie de tout le monde».
Le bienfait d’une bonne règle fiscale, c’est justement qu’elle offre une certaine forme de durabilité et de certitude pour les gens qui ont à en manipuler les dispositions
«Le bienfait d’une bonne règle fiscale, c’est justement qu’elle offre une certaine forme de durabilité et de certitude pour les gens qui ont à en manipuler les dispositions». Autrement dit, «quand les règles changent tout le temps, ça perturbe le marché et ça perturbe les acteurs». Il reconnaît toutefois volontiers que globalement, «ce qui est proposé est très positif, comme le doublement du crédit d'impôt TVA de 50.000 à 100.000 euros, ou encore la réintroduction du taux super-réduit pour la création de logements locatifs».
«Tout cela va évidemment dans le bon sens, mais on aurait préféré que cela s’inscrive dans la durée plutôt que dans un temps limité, le message aurait été plus fort si la période avait été supérieure à deux ans.»
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Sur cette question de temporalité limitée, le fiscaliste conjecture que «l’idée pour les députés est sans doute de se dire qu’il faut rester attentif aux mesures prises et en faire le point dans deux ans pour estimer si l’on doit prolonger le dispositif; ou si l’on doit revenir en arrière en fonction de ce qui ce sera passé sur le marché pendant cette période».
Quant à savoir si toutes ces mesures seraient incitatives dans les cas où elles passeraient, Bruno Gasparotto rappelle «qu’il n’y a pas que ce genre de dispositions qui influe sur les décisions afférentes au marché de l’immobilier».
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«Il y a le contexte économique général, l’aspect des marchés et nous n’avons pas de boule de cristal... Il y a aussi le contexte géopolitique qui joue, la crise de l’énergie, l’inflation. Tout ça, ce sont des indicateurs qui jouent sur le marché, d’où ce ralentissement au Luxembourg.» En bref, «ces mesures ne feraient pas de mal, mais il n’est pas sûr qu’elles produisent les effets attendus dans de grandes proportions».
«Il n’y a pas assez de terrains disponibles»
Ainsi, l’accent devrait être mis sur l’activation des terrains constructibles d’une manière ou d’une autre pour «libérer plus de terrains». «Le marché luxembourgeois a toujours été particulier, cher et limité.»
Un manque de terres qui avait déjà été évoqué lors des pistes de réflexion présentées lors de la présentation du 3e recueil estival de la Fondation Idea sur «La politique du logement: entre bons motifs et gros montants» en juin 2022.
Enfin, il convient aussi de considérer entre autres «l’impact des taux d’intérêt, puisque les considérations fiscales ne peuvent pas tout solutionner». «C’est un ensemble de paramètres qui doit être mis en place pour une vraie relance, la fiscalité n’étant qu’un paramètre parmi d’autres.»
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Concernant les taux d'intérêt, ils avaient eux aussi été abordés lors de la présentation du recueil. Pierre Ahlborn, administrateur délégué de la Banque de Luxembourg, expliquait alors qu'à bien des égards, le taux d'intérêt conditionne grandement ce qu'un ménage peut s'offrir sur le marché de l'immobilier. Or, au vu de la situation, même si une baisse de ce fameux taux a lieu, et que les futurs acquéreurs peuvent donc emprunter plus, cela ne freinerait en rien l'augmentation perpétuelle du prix du mètre carré. Les vertus d'une baisse de taux seraient donc annulées car les prix ne resteraient pas stables...
Calculs effectués par la Fondation Idea © PHOTO: Crédit: Fondation Idea
Si l'on observe les derniers calculs effectués par la Fondation Idea pour une personne disposant du revenu moyen cherchant à devenir propriétaire, il apparaît presque légitime d’appréhender la question du logement comme un problème sans solution.
Du moins, si n’est pas abolie à l’avenir l’idée selon laquelle le Grand-Duché est «une démocratie de propriétaires» et qu'un consensus n'est pas trouvé entre privé et public en matière de bail locatif abordable... Autant de questions qui seront soulevées lors des prochaines assises nationales du logement le 22 février prochain.