Pourquoi le parc de Gasperich a pris tant de retard
Le ministère de l'Environnement vient enfin de donner à la Ville de Luxembourg son accord pour créer le plus grand espace vert de la capitale. Soit 13 ha de nature au cœur d'un nouveau quartier.
© PHOTO: Crédit: Carlo Mersch
Luxembourg, ville verte. La formule prendra tout son sens quand le parc de Gasperich aura accueilli ses premiers visiteurs. Sauf que depuis 2017, et l'annonce de la création de ce parc, l'eau a coulé dans le ruisseau Drosbach qui traverse la parcelle de 16 hectares réservée à ce projet. Alors que la première échevine de l'époque Sam Tanson (Déi Grèng) en rêvait pour 2019, pas un coup de pelle n'a encore été donné. Mais ça ne saurait tarder.
En effet, depuis des mois, les services en charge du dossier et l'échevin Serge Wilmes (CSV) ont les yeux braqués vers le ministère de l'Environnement. Les fonctionnaires détenant la clé pour qu'enfin pousse un peu (beaucoup même) de végétation au milieu du nouveau quartier fortement urbanisé. Mercredi, Lydie Polfer devrait confirmer que la Ville a enfin les autorisations qu'elle espérait tant.
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«Nous n'avons pas tardé, c'était un dossier complexe», soutient Gilles Biver, conseiller de gouvernement au ministère de l'Environnement. Pas tous les jours en effet que les services de Carole Dieschbourg ont à traiter un dossier aussi important. On parle là, il est vrai, d'une réalisation qui, à elle seule, représentera 1/5ème de la surface de l'ensemble de la quinzaine de parcs de la capitale. «Et il a fallu attribuer les Ecopoints du projet, ce qui est loin d'être simple.»
En effet, depuis une dizaine d'années, un système de compensation veille sur les améliorations comme les détériorations apportées à l'espace naturel sur l'ensemble du pays. Dès qu'une administration, un privé, une société porte un projet d'aménagement qui va entraîner la destruction d'un élément écologique, cet élément doit être remplacé de manière quantitative ou qualitative. «Chaque projet de travaux déposé est ainsi analysé, comparant l'état initial et l'état final du site», note Gilles Biver.
Avec quelque 16 hectares de surface, le futur parc du ban de Gasperich sera le plus grand de la capitale. © PHOTO: Crédit: Carlo Mersch
Un vieux chêne est ici abattu, il faudra replanter une haie ou plusieurs jeunes plants ailleurs. Un ruisseau est détourné, il convient d'en préserver l'équilibre de la faune et la flore vivant dedans ou autour. Comme il est difficile de faire du un pour un, la loi a donc introduit les Ecopoints. Cette unité étant définie par la surface impactée, la rareté des essences ou du biotope impactés. «Au final, le total peut être traduit en argent, un Ecopoint équivalant à un euro de travaux compensatoires à réaliser sur place ou ailleurs».
Le parc de Gasperich a justement comme vocation d'être «une surface compensatoire pour la Ville de Luxembourg». La capitale mène des chantiers d'un côté; elle mise sur le vert ailleurs. Et dans le cas présent, le projet frôle les 1,5 million d'Ecopoints gagnés. Il est vrai que le bureau d'étude qui a semé les premières esquisses du projet a fait fort. «Je crois que l'ensemble des plantations tient sur 150 pages dans le dossier», confie Gilles Pansin du service des autorisations du ministère.
Top 3 des compensations
De mémoire de ministère de l'Environnement, rarement un calcul de «compensation écologique» aura été si important que celui du parc de Gasperich. Avec 1,5 million d'Ecopoints de bonus, le dossier de la capitale figure à la 3ème place du palmarès national. Une médaille de bronze loin derrière le comptage lié à l'aménagement d'un crassier d'envergure au sud du Luxembourg (9 millions d’Ecopoints) ou des mesures liées à l'arrivée de la future voie ferrée Bettembourg-Luxembourg (3 millions). Pour ce projet, l'administration des Ponts et Chaussées a notamment compensé son impact écologique en créant la passerelle à gibier, installée cet automne, sur l'A3 à hauteur de la Croix de Gasperich.
«Il faut préciser que le système de compensation ne concerne pas que les travaux menés par des institutionnels publics, les privés et les entreprises (promoteurs immobilier d'abord) sont soumis à la même règle de déclaration de travaux et de bonus ou malus écologique», précise Gilles Biver, conseiller de gouvernement. Si le «fautif» ne peut directement compenser écologiquement son impact, il s'affranchit d'une taxe collectée par le ministère de l'Environnement qui se charge de cette mission.
Arrivée de plusieurs dizaines d'arbustes, installation d'arbres plus âgés de 5 à 6 mètres de haut, diversité des essences choisies, renaturation du ruisseau Brousbach, la mise en terre sur de belles distances de bosquets (utiles aux oiseaux), vastes espaces réservés à des prairies fleuries (appréciées des insectes, pollinisateurs notamment) : l'endroit affole les envies autant que les compteurs environnementaux. «En tenant compte de l'état initial par rapport au résultat final, le calcul est tout bénéfice en Ecopoints. Il y a bien un surplus écologique à mettre au crédit de l'administration communale.»
La compensation étant désormais calculée, la Ville peut donc démarrer toutes les démarches pour attaquer l'aménagement. Un peu d'administratif, beaucoup d'engins, deux ans de travaux et Gasperich disposera enfin d'un poumon vert qui pourrait même bien devenir son cœur de vie. Un plus pour ce quartier de la Cloche d'Or qui, en une dizaine d'années, aura doublé sa population pour dépasser la barre des 8.000 habitants.