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Accessibilité numérique

Près de la moitié des sites web publics du Luxembourg non conformes

C'est ce qui ressort d'un audit récemment publié sur le portail du gouvernement concernant l'accessibilité numérique. En la matière, de nombreux efforts restent encore à réaliser

Naviguer sur internet peut s'avérer être un véritable défi pour les personnes aveugles en cas de site non conforme.

Naviguer sur internet peut s'avérer être un véritable défi pour les personnes aveugles en cas de site non conforme. © PHOTO: Shutterstock

Journaliste

Pour le commun des mortels, naviguer sur internet est une sinécure. Pourtant, on estime à environ 100 millions le nombre d'internautes européens souffrant d'un handicap qui altère ainsi leur manière de surfer sur le web. Cela dit, pour une toile à la portée de tout le monde, il y a ce qu'on appelle l'accessibilité numérique. Celle-ci consiste à tenir compte de tous les handicaps possibles lors de l'utilisation d'un site.

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Qu'ils soient auditifs et visuels (personnes malentendantes, sourdes, aveugles, etc.), cognitifs (dyslexie, etc.) ou encore moteurs (difficultés à se mouvoir, etc.), ces handicaps peuvent grandement entraver la navigation. En d'autres termes, l'accessibilité numérique vise donc la meilleure expérience utilisateur possible, quels que soient le contexte et le matériel à disposition.

Si le Luxembourg peut se targuer d'avoir un gouvernement numérique à la pointe, et malgré plus de 400 projets de digitalisation en cours, de nombreux efforts restent à faire en matière d'accessibilité. C'est ce qui ressort notamment d'un audit récemment publié sur le portail du gouvernement concernant l'accessibilité numérique.

Un manque flagrant de conformité sur les sites publics

Au total, pas moins de 110 sites web et apps mobiles publics ont été analysés de manière simplifiée ou complète. Résultat: seulement un peu plus de la moitié des sites ont réussi à atteindre une «conformité partielle».

Il en est ainsi bilan pour les 17 sites web publics qui ont été audités de manière complète. La note moyenne n'atteignait pas les 50% de conformité. «Il faut néanmoins prendre en compte le fait que des améliorations ont été constatées par rapport à 2021», indique Dominique Nauroy et Alain Vagner, référents en accessibilité numérique du gouvernement. Ce dernier invite donc à une réelle prise de conscience de cette problématique. «L'année 2023 devrait montrer que les bonnes pratiques en la matière sont intégrées et que l’accessibilité est devenue un point clé des cahiers des charges», pointe notamment le rapport.

Il apparait ainsi que, dans l'échantillon retenu, les sites publics les plus conformes et aménagés pour les personnes ayant le plus de difficultés sont le site officiel du Grand-Duché de Luxembourg au sujet du coronavirus (66% de conformité), le site de la Caisse pour l'avenir des enfants (CAE) (66%) et enfin le site officiel de la Ville de Luxembourg (62%).

A contrario, les sites les moins conformes sont ceux de l'Université du Luxembourg (34%) et le site inondations.lu (31%). Le site Letzshop, site de shopping en ligne, termine à la dernière place (26%). De grandes disparités pour des sites publics, qu'on suppose pourtant «irréprochables». «Il faut toutefois dire que la méthode d'évaluation est assez exigeante», fait remarquer Dominique Nauroy.

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Difficile de lui donner tort. Pour calculer ce pourcentage, les auditeurs se sont basés sur une liste de 106 critères répartis au travers de 13 thématiques. «Le trio (des thématiques, NDLR) – éléments obligatoires, présentation de l'information, structuration de l'information–, qui comporte en conséquence les pièces maîtresses de l’architecture d'un site, approche la moitié (47%) des non-conformités rencontrées», précise le rapport.

Par «éléments obligatoires», comprenez par là une série d'obstacles qui nuisent à une restitution claire de la page par les lecteurs d'écran, utilisés notamment par les aveugles. «Par exemple, une personne aveugle va utiliser un lecteur d'écran et une voix de synthèse pour naviguer sur internet. Si le code d'une page transmet une mauvaise information, c'est toute la navigation qui se complique pour l'utilisateur concerné», illustre Alain Vagner.

Dans le même ordre d’idée, un défaut d’attention porté à la «présentation de l'information» peut mener à des textes agrandis, mais illisibles faute d'une mise en page flexible, à des boutons ou champs de formulaire dépourvus d'indices visuels clairs quand ils sont la cible de saisie ou encore à des liens dont la nature même n'est pas évidente. «Il faut effectivement penser aux contrastes des couleurs, pour les personnes souffrant d'une cataracte ou de daltonisme par exemple», notent les deux référents.

Des réclamations d'utilisateurs handicapés

Face à des sites pas toujours accessibles, certains utilisateurs handicapés décident d'alerter le SIP ou l'Ombusdman au sujet des problèmes d'accessibilité numérique qu'ils rencontrent au quotidien. «Il est néanmoins rare qu'une solution appropriée leur soit proposée à court terme», note le rapport.

En 2022, le SIP (Service information et presse) a reçu neuf réclamations de la part d'utilisateurs empêchés dans leur navigation ou leur consultation, la plupart concernaient des sites web et des apps mobiles. «Mais aussi un internaute qui a rencontré un problème pour accéder à un fichier PDF ou un autre qui ne parvenait pas à remplir un code CAPTCHA», expliquent les référents en accessibilité numérique. Seules deux solutions à court terme ont été proposées à ces citoyens. Sur la période 2020-2021, le SIP avait traité 18 réclamations. Six solutions à court terme avaient été proposées.

Rappelons que tout citoyen peut contacter le SIP pour formuler une réclamation relative à l’accessibilité d’un site ou d’une application mobile du secteur public. Pour cela, il suffit de remplir ce formulaire sur le site du SIP ou d’envoyer un email à l’adresse : accessibilite@sip.public.lu.

Un site décroche la note ultime

Enfin, quand on parle de «structure de l'information», on parle ici de la pertinence des titres, de la cohérence de la structure du document ou encore de l'utilisation correcte des listes. «Sans oublier également l'absence totale ou partielle de sous-titres dans les différentes langues du pays dans des vidéos, ce qui constitue également un problème d'accessibilité», note Dominique Nauroy. Bref, de nombreux détails qui ont pourtant toute leur importante en matière d'accessibilité numérique. Et pourtant, l'audit assure que de nombreux problèmes peuvent se régler aisément.

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À noter toutefois que la cellule Accessibilité du SIP (Service information et presse) a testé un total de 87 sites publics, cette fois-ci avec une liste de critères plus restreinte. Cette fois-ci, ce sont surtout les problèmes liés à la navigation qui sont davantage revenus (présences pertinentes et récurrentes d'un menu, d'un plan du site ou d'un moteur de recherche).

En suivant cette méthode d’audit simplifié, la moyenne des 87 sites analysés a atteint la conformité partielle (54%). De plus, un site a décroché le score de 100%. Il s'agit du site Infocriselu, une plate-forme de communication en cas d’urgence.

Dès lors, pour la cellule Accessibilité du SIP, l'année 2023 sera marquée par des scores en nette progression. Ceci pourrait notamment s'expliquer par l'échéance de 2025 pour certains sites et apps du secteur privé. Ceux-ci seront en effet soumis à des sanctions si les impératifs d’accessibilité ne sont pas respectés (lire ci-dessous). «Le secteur public doit, plus que jamais, montrer la voie», conclut ainsi le rapport.

Jusqu'à un million d'euros d'amende en cas de futur non-respect

Comme expliqué ci-dessus, dès juin 2025, l'acte européen sur l'accessibilité s'appliquera à l'ensemble de l'Union européenne et tous les services de commerce électronique comme les sites et apps dédiés à la mobilité seront concernés, sous certaines conditions. Ordinateurs, smartphones, téléviseurs, livres et liseuses électroniques, communication électronique et bancaire (y compris les guichets automatiques), de nombreux produits et services tomberont sous le champ d'application de la loi. Rendre ces services et dispositifs accessibles pour tout le monde permettra ainsi de faciliter la vie d'au minimum 87 millions de personnes selon la Commission européenne, soit quasiment un Européen sur cinq.

Les entreprises doivent donc d'ores et déjà se préparer car l'échéance approche à grands pas. «Dans le cadre des prochaines refontes, l'accessibilité n'est donc plus une option. Elle doit, bien au contraire, devenir partie intégrante de la réflexion dès les premières phases de conception, limitant ainsi les éventuels surcoûts engendrés par cette mise en conformité», expliquent le rapport ainsi que les deux référents. «La loi luxembourgeoise de 2019 considère en effet un site conforme qu'au seul moment où ce dernier atteint une conformité de 100%».

Par ailleurs, le projet de loi transposant l'acte européen prévoit la possibilité d'interdire la mise à disposition sur le marché d'un produit ou d'un service non conforme et liste des sanctions administratives et pénales, ces dernières pouvant aller jusqu'à 500.000 euros et un million d’euros en cas de récidive.

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