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Chronique de l’élection présidentielle

Président Emmanuel Macron à contretemps

Le regard hebdomadaire de notre chroniqueur Gaston Carré sur l’élection présidentielle en France.

La guerre offre à Emmanuel Macron un enjeu à hauteur de ses aspirations

La guerre offre à Emmanuel Macron un enjeu à hauteur de ses aspirations © PHOTO: AFP

Par Gaston Carré

Emmanuel Macron, homme moderne, est un président à l’ancienne, façon grande nation, rêvant d’enjeux susceptibles d’inscrire son action dans une épopée, de transcender sa vocation en destin. Macron a lu Malraux, De Gaulle et Romain Gary, il rêve de panache et d’homériques défis, en ce temps présent peu enclin au lyrisme et au flamboyant.

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Or voilà que l’Ukraine est en feu, et Macron se trouve confronté à un tragique à la mesure de ses aspirations. D’où son empressement à revêtir l’habit du chef de guerre, le sweat-shirt de Zelensky, qui lui va comme un gant. Ses rivaux, dans la course à l’Elysée, ont beau faire, c’est Macron qui parle à Poutine, qui tutoie le maître du Kremlin, et la France, plus séduite qu’elle ne voudrait l’être par ce jeune homme au regard d’aiglon, se dit qu’il est seul à pouvoir tenir ce rôle avec brio.

Candidat à sa propre succession?

Emmanuel Macron est candidat à sa propre succession? Jamais un président sortant - de l’Elysée - n’avait été sûr à ce point d’y retourner. Il y reviendra en gloire, mais dans l’inquiétude aussi: que fera-t-il de son brio quand au fracas de la guerre succédera le lamento de ses concitoyens? Quand il faudra renoncer à l’épopée pour affronter la vraie vie, quand les Français lui rappelleront qu’ils vivent mal, mécontents, malheureux, divisés?

Dans la cour des grands Macron a de l’allure. La modernité d’un président jeune, qui entend se mesurer à Poutine, pachyderme d’un autre âge, avec la crâne insolence d’un élu de son temps. Mais la guerre passée, ou effacée, c’est cela précisément que les Français à nouveau ne supporteront pas chez Macron.

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Cette modernité, qui lui sied dans la guerre mais ne manquera pas de le desservir par temps de paix. Macron alors sera confronté à ce qui depuis toujours le bride: le refus de la France, pays de vieille souche, conservateur, centralisé et allaité par l’Etat providence, d’être gouverné comme une start-up par un président aux allures de jeune cadre incubé.

La France refuse d’être gouvernée comme une start-up.

La guerre en Ukraine est un anachronisme. Le rapport de Macron à la France est un anachronisme aussi, mais en sens inverse. Poutine est l’irruption de l’ordre ancien dans l’ordre nouveau, Macron est le surgissement du nouveau dans le cadre étriqué de l’ancien. Or son art du contretemps, qui lui permet de faire si bonne figure face à l’extraordinaire dans le monde, pourrait le desservir quand il sera revenu à l’ordinaire en France.

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