Quand des mamies tricotent des bonnets pour les sans-abri
Les membres de Mamie et moi ont tricoté 150 bonnets, écharpes et moufles pour les bénéficiaires de la Stëmm vun der Strooss. Créer des liens entre les générations et les cultures est l'objectif de l'association.
Sortir de la solitude : les tricoteuses de Mamie et moi se rencontrent régulièrement dans des cafés et des musées. Les femmes de tous âges y sont les bienvenues. © PHOTO: Sibila Lind
Pour commencer, il faut dissiper un malentendu : ici, toutes ne sont pas des mamies. Et tout le monde peut tricoter, quel que soit son âge : l'asbl Mamie et moi se définit comme une association qui a à cœur l'échange au sein des générations et des cultures. Depuis sa création en 2014, l'association organise des cafés tricot dans les musées de la ville de Luxembourg.
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Le «Café tricot au Musée» a lieu tous les jours de la semaine de 10h à 12h. Au lieu de rester seules à la maison, les femmes peuvent y passer un moment convivial et nouer des relations amicales autour d'une tasse de thé ou de café et d'une part de gâteau.
En ce vendredi matin, onze femmes sont assises autour d'une table recouverte de pelotes de laine colorées. Nous sommes au Konviktsgaart à Luxembourg-Ville, car Franca Guidi, une Italienne de 85 ans qui vit au Luxembourg depuis 60 ans, n'est plus très mobile. Depuis mai de cette année, elle vit dans la résidence grande-duchesse Joséphine-Charlotte. C'est pourquoi les femmes se rencontrent depuis peu dans la salle de loisirs de l'établissement pour personnes âgées.
«En Italie, toutes les femmes tricotaient chez elles», raconte Franca Guidi, qui habitait dans sa jeunesse Lucca, en Toscane. «Quand je rentrais du travail le soir, je m'asseyais dans le fauteuil et je commençais à tricoter, ça me détendait». Que les mamies confectionnent maintenant des bonnets, des écharpes et des moufles pour les sans-abri au Luxembourg, «je trouve ça génial». Elle a toujours donné les objets qu'elle tricotait. «Je n'ai jamais tricoté pour moi».
Ma mère a toujours tout tricoté elle-même. Moi, j'ai commencé à l'âge de six ans.
La situation est similaire pour Sue. Jusqu'à présent, cette Australienne a tricoté environ huit bonnets pour les personnes dans le besoin. Même pendant ses voyages, elle sort ses aiguilles de temps en temps. L'autre jour, elle a tricoté un bonnet en attendant l'avion. Trois heures plus tard, il était prêt.
Tricoter pour lutter contre la solitude
«Ma mère a toujours tout tricoté elle-même, moi j'ai commencé à l'âge de six ans», raconte Sue. Depuis quelques années, elle tricote pendant les mois d'hiver, pour ensuite donner le résultat de ses tricots aux Street Angels ou à la Croix-Rouge. «J'ai beaucoup de plaisir à donner». Si elle veut voir la joie sur le visage des personnes à qui elle fait un cadeau ? «Non, cela doit rester un cadeau anonyme», répond Sue. «Nous voulons rester discrètes».
En été, les mamies se retrouvent une fois par semaine dans le parc de la villa Vauban, dans la capitale, pour tricoter à l'ombre d'arbres centenaires. C'est en passant devant le groupe «Tricot sur l'herbe» lors d'une promenade avec sa fille, il y a cinq ans, que Judith a découvert les mamies. Comme le tricot a toujours été sa passion, elle s'est inscrite. «Cela m'a permis de joindre l'utile à l'agréable», raconte cette Canadienne d'origine, «de nouer de nouvelles amitiés». Elle venait d'arriver au Luxembourg à ce moment-là, «j'ai ainsi pu m'intégrer beaucoup plus facilement».
C'est aussi l'objectif déclaré de l'association, confirme la cofondatrice Camille Alexandre. Avec ses dix ambassadrices, toutes bénévoles, elle anime les cafés tricot. Ceux qui souhaitent apprendre à tricoter y reçoivent des conseils avisés. «Parfois, des enfants viennent aussi ici, ce qui est particulièrement enrichissant pour nos mamies qui n'ont pas de petits-enfants», raconte Alexandre. Enfin, le temps passé ensemble permet aussi aux femmes de sortir de leur solitude.
Gymnastique de la tête contre la démence
Enfin, l'offre en collaboration avec le service seniors de la Ville de Luxembourg est aussi une sorte de gymnastique de la tête pour les femmes âgées. «Ici, les femmes de différentes nationalités parlent de nombreuses langues, auxquelles s'ajoute la mathématique du tricot», explique Alexandre.
«Nous ne pouvons pas faire grand-chose pour les sans-abri, mais nos affaires peuvent les aider un peu à passer l'hiver», s'accordent à dire les mamies du tricot. Vendredi dernier, Alexandra Oxacelay, directrice de Stëmm vun der Strooss, a reçu 150 bonnets, écharpes et moufles.
Les mamies se sont donné rendez-vous le 15 janvier prochain, de 14h à 16h, à la villa Vauban. La participation est gratuite.
Cet article a été publié pour la première fois sur wort.lu/de