Quelle est votre Europe Messieurs Macron et Bettel?
Initiateur des consultations citoyennes sur l'avenir de l'Europe qui se déroulent depuis avril et jusqu'en octobre au Luxembourg, Emmanuel Macron était aux côtés de Xavier Bettel devant une Philharmonie de Luxembourg bondée, jeudi soir, pour exposer leur vision de l'Europe. Le duo franco-luxembourgeois était au diapason, excepté sur la question cruciale du nucléaire.
Emmanuel Macron et Xavier Bettel se sont montrés complices et complémentaires dans leurs réponses aux questions des citoyens sur l'Europe et les dissonances entre pays européens. © PHOTO: AFP
Très professionnellement et avec une bonne dose d'humour, le président français et le Premier ministre luxembourgeois se sont prêtés, avec une complicité certaine, au jeu des questions-réponses d'une bonne vingtaine de citoyens parmi les 1.600 qui avaient décroché un billet pour ce début de soirée de consultations citoyennes sur l'Europe.
Une initiative lancée par Emmanuel Macron et relayée au Luxembourg, dès avril, par son compère de scène, Xavier Bettel, dont l'objectif est d'alimenter les réflexions des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne et de dégager les actions prioritaires à mener sur le continent endéans les cinq à dix ans à venir.
«A quoi ressemble ton Europe?» était originellement la thématique affichée de cette heure et demie d'échanges. Au final, les deux acteurs de cette soirée-phare programmée à cinq semaines des élections législatives au Luxembourg ont, à travers un large spectre de questions, surtout eu l'opportunité, devant un public grandement conquis, de donner leur vision de ce que devrait être l'Europe.
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«L'Europe, c'est nous tous!» a rétorqué Xavier Bettel en prenant l'une de ces postures théâtrales dont il a le secret, au moment de réagir à la question d'un citoyen quant à ses craintes face aux populismes grandissants qui seraient «l'héritage venant de vingt ans de mensonge des politiques: tout ce qui allait mal, c'était la faute de l'Europe!» Le Premier ministre ne le nie pas mais remet l'église au milieu du village européen: «Bruxelles, ce sont tous les responsables dans les différents pays». Laissant toujours la primeur à son hôte, Emmanuel Macron rajoute avec cette posture décidément positive: «On doit tous chercher à faire avancer l'Europe! Tous ceux qui la freinent, participent d'une complicité générale qui est le blocage de l'Europe.»
Macron: «On doit faire respecter l'Etat de droit partout !»
La solution, chacun la tient dans sa propre main: «Le fait, dans notre tête, d'être ouvert à l'autre, d'échanger et de discuter langues, religions, cultures et traditions, votre conduite au quotidien, votre ouverture, fera déjà avancer l'Europe!», lance un Xavier Bettel qui fait régulièrement grimper l'applaudimètre à la Philharmonie. Devant son public et six de ses ministres, il tient incontestablement la vedette. Macron est aussi à l'aise mais cache sa gêne quand une Italienne installée au Luxembourg depuis plus de 40 ans lui lance qu'elle l'aime.
Tantôt plus légère, tantôt grave, la consultation citoyenne réserve de vraies parenthèses comme cette intervention remarquée d'un balcon: «L'Europe que je souhaite est l'Europe souveraine, un Etat fédéral avec un pouvoir central: les Etats-Unis d'Europe. Avec un président élu au suffrage universel. Serez-vous candidat à la présidence?» Réponse de Xavier Bettel: «Moi, non! Je n'ai pas envie d'avoir un Etat fédéral. Je veux qu'on change d'abord et qu'on essaye d'avoir une Europe qui fonctionne».
A la question de la méthode à adopter pour faire appliquer les lois de l'UE en Pologne comme en Hongrie, le Premier ministre luxembourgeois dit être d'avis «qu'on a des mécanismes qui ne fonctionnent pas» mais ne croit pas au règlement de ces questions à un niveau fédéral. Ça l'«inquiète» plutôt. Macron affiche sa fermeté en fermant le poing: «On a été trop long. On doit faire respecter l'Etat de droit partout! Je suis pour qu'on soit clair avec la Pologne et ne transiger en rien», l'une de ses répliques fétiches. Le public approuve.
Bettel: les réfugiés politiques «veulent juste survivre»
Les candidats au questionnement ne manquent pas et, à défaut d'être concis, se montrent critiques. Les questions portent sur le fait de «continuer à faire cette politique est-elle la bonne façon de faire vu que la xénophobie ne cesse de croître en Europe?», mais aussi sur «comment se fait-il qu'on laisse tomber l'Italie?» ou plus tranchante sur les actions concrètes qui seront menées pour boycotter des pays qui bafouent le droit des femmes tels que l'Arabie saoudite.
L'inévitable question des migrants devenue source d'un clivage politique au sein de l'Union européenne arrive sur la haute table ronde où Macron et Bettel s'accoudent parfois pour respirer. «Si on en est là aujourd'hui, c'est parce qu'on n'a pas regardé en face les grandes transformations comme le fait migratoire», reconnaît volontiers Emmanuel Macron, partisan d'une protection «beaucoup plus efficaces de nos frontières communes.»
«On a fait croire qu'on vit encore une crise migratoire alors qu'elle est politique: les chiffres ont été réduits de 90%», pose Xavier Bettel. Il dit clairement «avoir un problème avec l'Europe» qui refuse d'accueillir les réfugiés politiques : «A ceux qui me demandent pourquoi on a des Syriens au Luxembourg, je réponds que ces gens ne veulent pas mieux vivre. Ils veulent juste survivre.»
«N'oubliez rien!» et «Soyez audacieux!»
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«La» priorité du président français est de réduire les émissions de CO2 et de «fermer toutes les centrales thermiques. Nous serons le premier pays à le faire. On produira des énergies via le nucléaire et le renouvelable». Pour le président Macron «le seul moyen de fermer plus vite les centrales nucléaires pour aller vers les énergies renouvelables c'est d'accélérer le stockage de l'énergie».
«L'Europe, c'est un débat qui ne s'arrête jamais», conclut le président Macron en lançant un clin d’œil à son voisin luxembourgeois.
Aux lycéens venus de Diekirch, Luxembourg et Gasperich qui se demandent comment faire avancer concrètement l'Europe, le président français donne deux conseils. Primo: «N'oubliez rien!» Ni les guerres, ni la conquête que représente l'Europe. Secundo: «Soyez audacieux!» en osant dire ce que l'on pense «avec attachement pour ce qui est notre trésor commun».
Nouvelle soirée pour donner son avis ce mercredi 12 septembre à Belval
«L'Europe pour vous? L'Europe au quotidien? L'Europe demain? Parlons d'Europe en local!» Dans le cadre des Consultations citoyennes sur l'avenir de l'Europe chacun est invité à échanger et donner son avis sur l'Europe ce mercredi 12 septembre 2018 à 19 heures à la Maison des Arts et des étudiants au Campus Belval. Organisée par le Groupement européen de coopération territoriale (GECT) Alzette Belval doit permettre d'échanger sur l'Europe dans la vie quotidienne et en général: comment les habitants d'une agglomération transfrontalière vivent l'Europe au quotidien? Qu’est-ce qui marche / ne marche pas? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré? Le but de cette soirée étant de mieux connaître les attentes des citoyens et leur vision sur l'avenir de l'Europe en vue des élections européennes de 2019. Les échanges se feront en français (allemand et anglais également possibles).