Recalés alors qu'ils ont réussi l'examen d'entrée
Le quota de non-résidents contraint certains candidats résidant au Luxembourg à repasser une seconde épreuve ce 27 août, alors qu'ils avaient réussi la première. Certains parents dénoncent un déni de droit et veulent porter l'affaire devant le Conseil d'État belge.
Le gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles envisage de réduire le quota de non-résidents à 15% pour les études de médecine et dentisterie. © PHOTO: Getty Images/iStockphoto
Des mois de travail et beaucoup de stress... Ce samedi 27 août est une date autant attendue que redoutée par les étudiants candidats à des études de médecine et de dentisterie en fédération Wallonie-Bruxelles. Ils ont en effet la possibilité de passer une seconde épreuve ce 27 août, après celle du 5 juillet dernier, pour obtenir leur précieux sésame qui leur donnera accès aux bancs de l'université.
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Et ils seront sans doute nombreux à (re)tenter leur chance, car seuls 333 candidats sur les 5.486 qui ont été délibérés ont réussi lors de la première session. Soit un taux de réussite de 7,91%. Des résultats que la Fédération des étudiants francophones n'avait pas hésité à qualifier de «désastreux».
Parmi ces nombreux étudiants à se rêver déjà futur médecin, il y a Axel. Le jeune Luxembourgeois vit près de la frontière belge. Mais il a fait toutes ses études primaires et secondaires au plat pays, à l'Athénée Royal d'Arlon, l'établissement scolaire le plus proche de chez lui. «Mon fils a passé cet examen avec tous ses copains et copines de classe. Ils sont trois à avoir réussi sur une vingtaine d'élèves de l'école qui l'ont passé», nous explique sa maman. «Deux ont été admis, mais pas mon fils, alors qu'il a réussi l'examen». Axel a en effet obtenu une note de 12,62/20, alors que la note minimale est de 10/20. Mais cela n'a pas suffi. L'explication? «Il ne faisait pas partie du quota de 30% d'étudiants résidents admissibles».
Un quota instauré en 2006
Les études de médecine et de dentisterie enregistrent depuis des années un trop grand nombre de demandes d'inscriptions en fédération Wallonie-Bruxelles. C'est pourquoi il a été décidé en 2006 d'instaurer des quotas pour réguler le nombre d'étudiants non résidents belges. Ce nombre «est actuellement limité à 30% de l’ensemble des lauréats de l’examen d'entrée», précisent le cabinet et le porte-parole de Valérie Glatigny, la ministre belge de l'Enseignement supérieur.
Si les non-résidents sont trop nombreux à avoir passé l'épreuve avec succès, on procède alors à un classement selon la note obtenue au score total. Et seuls les candidats classés en ordre utile sont admis, «ce qui explique que l'étudiant en question puisse ne pas avoir obtenu d'attestation d'accès alors qu'il avait obtenu plus de 12/20», expliquent le cabinet et le porte-parole de la ministre.
Le nombre d'étudiants non résidents est actuellement limité à 30% de l'ensemble des lauréats de l'examen d'entrée
L'an dernier déjà, 15 étudiants résidant au Luxembourg s'étaient fait recaler en raison de ce quota non résident, alors qu'ils avaient réussi l'examen d'entrée, selon ce qu'expliquait en mars dernier le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Claude Meisch (DP) en réponse à une question du député LSAP Mars Di Bartolomeo. C'était la première fois que des candidats ayant leur domicile au Luxembourg étaient arrêtés dans leurs études à cause de ce quota.
«Un déni de droit»
Si les parents d'Axel parlent aujourd'hui de ce que vit leur fils, c'est parce qu'il n'est pas le seul Luxembourgeois à s'être fait recaler après la première épreuve du 5 juillet dernier. Selon eux, il y aurait un déni de droit à leur égard.
Les parents du jeune homme rappellent qu'il existe des jurisprudences dans la législation européenne qui interdisent la discrimination directe et indirecte, notamment sur base de la nationalité. Cela concerne aussi l'origine des diplômes. Dans le cas d'Axel, ce critère ne peut être utilisé étant donné qu'il a été scolarisé en Belgique.
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En 2017, à l'instauration de l'examen d'entrée en médecin et dentisterie, la fédération Wallonie-Bruxelles a opté pour le critère de résidence pour les études contingentées, afin de préserver «un accès illimité à tous ceux qui, quelle que soit leur nationalité, séjournent sur le territoire, pour d'autres motifs que pour y poursuivre des études». D'autres y voient plutôt un critère moins «attaquable» juridiquement permettant de bloquer l'afflux d'étudiants étrangers.
Une procédure spécifique pour les non-résidents
Le cabinet et le porte-parole de la ministre belge Valérie Glatigny rappellent qu'un étudiant «non résident» est concerné «par une procédure d’inscription spécifique s'il n'est pas domicilié en Belgique au moment de son inscription à l'université ou en haute école dans l'un des cursus visés» ou au moment de son inscription à l'examen d'entrée pour les études de médecine.
Pour être considéré comme résident par contre, l’étudiant doit avoir sa résidence principale en Belgique avant de s'inscrire dans l'enseignement supérieur, mais également répondre à certaines conditions. «Ce décret ne prévoit pas de dérogation au critère de résidence. Et cette question n'est pas actuellement à l'ordre du jour du gouvernement de la fédération Wallonie-Bruxelles», soulignent le porte-parole et le cabinet de la ministre Glatigny.
Le décret ne prévoit pas de dérogation au critère de résidence.
Pour les parents d'Axel, si on suit la logique des jurisprudences européennes en la matière, le critère de résidence devrait s'appliquer également à l'arrêté royal belge de 2008, qui définit les candidats pouvant être exemptés du contingentement, mais sur le critère du diplôme. Le texte stipule que les candidats disposant d'un diplôme d'études secondaires octroyé par un État membre de l'Espace économique européen qui n'organise pas de cursus complet en médecine (le cas du Luxembourg) ne sont pas contingentés. Ce texte, qui se base donc sur l'origine du diplôme, est toujours en vigueur et serait donc en porte-à-faux avec la jurisprudence européenne.
«Des critères différents et parfois contradictoires»
La jurisprudence européenne s'accorde par ailleurs à dire que, pour un étudiant frontalier qui poursuit ses études dans un autre pays européen, les mêmes règles doivent s'appliquer que celles destinées aux étudiants résidant dans ce pays. «Les étudiants dans le cas de mon fils ne peuvent pas être classés comme non-résidents, car ils ne sont pas dans la situation d'un étudiant qui n'a aucun lien avec la Belgique et son système éducatif», souligne le père d'Axel. «Les étudiants luxembourgeois dans le cas de mon fils doivent donc être considérés comme des résidents belges et doivent disposer des mêmes droits».
Pour les parents d'Axel, il n'est pas normal que « les administrations appliquent des critères différents et parfois contradictoires, mais qui sont toujours défavorables dans le cas de notre fils...»
"Nous sommes bien déterminés à aller au bout du combat!"
Mais Axel et ses parents n'ont pas dit leur dernier mot. «Nous avons écrit plusieurs courriers au médiateur de la fédération Wallonie-Bruxelles et aux ministres de tutelle en Belgique et au Luxembourg ainsi qu'au Premier ministre Xavier Bettel. Mais nous n'avons reçu que des réponses floues...»
S'estimant lésée, la famille a décidé de prendre un avocat. Et compte bien introduire un recours auprès du Conseil d'État en Belgique, si Axel n'est pas admis aux études de médecine après la seconde épreuve de ce samedi. «Nous n'allons pas baisser les bras. C'est le combat d'Axel et il est bien déterminé à aller au bout!», concluent ses parents.
Un quota de non-résidents réduit de 30 à 15%
Adieu l'examen d'entrée, bonjour le concours d'entrée... À partir de l'année universitaire 2023-2024, un concours remplacera donc l'actuel examen d'entrée pour les études en médecine et en dentisterie. Il ne sera plus nécessaire d'obtenir une note minimale de réussite, mais les candidats seront classés dans l'ordre des notes obtenues. Un avant-projet de décret à ce sujet est en cours d'adoption.
Autre changement qui interviendra également suite à ce remaniement: le quota de non-résidents devrait passer de 30 à 15%, comme le confirment le cabinet et le porte-parole de la ministre belge de l'Enseignement supérieur. Et ce, «afin de garantir une offre de soins suffisante à la population et de limiter le risque de pénurie lié à des praticiens qui quittent le territoire au terme de leurs études, et ne contribuent donc pas au renouvellement de la force de travail».