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Dix morts et onze blessés

Retour sur le bombardement dramatique de Bonnevoie survenu il y a 105 ans

28 mars 1918, les Anglais lâchent 17 bombes pendant l'heure de midi sur le quartier de Bonnevoie. Retour sur un «jour d'horreur et de sacrifice sanglant»

Sur le photomontage de l'époque, un avion survole Dudelange.

Sur le photomontage de l'époque, un avion survole Dudelange. © PHOTO: Photo d'illustration: Collection Marcel Schroeder/Photothèque de la Ville de Luxembourg

Journaliste

«On entend le ronronnement des avions. Mais qui pense que les aviateurs vont laisser tomber des bombes en plein jour, au milieu des rues?» Dans son livre intitulé «Les attaques aériennes au Luxembourg pendant la Première Guerre mondiale 1914-1918» (publié en 1922), l'historien J.P Robert retrace le bombardement de Bonnevoie par les Anglais du 28 mars 1918. Rappelons que le Grand-Duché est alors occupé par l'empire allemand depuis le 1er août 1914.

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Cet événement dramatique survenu il y a 105 ans s'est produit pendant l'heure de midi: «En quelques secondes, 17 bombes lourdes sont dispersées au-dessus de Bonnevoie, dans une bande allant de Schleifmühl à la rue du Nord (aujourd'hui appelée rue des Trévires), avec une interruption mystérieuse au-delà des installations de la gare, et sur le triangle du Mühlenweg jusqu'à la hauteur de Gasperich.»

«Un jour de sacrifice sanglant»

Cette attaque a fait dix morts et onze blessés. «Ainsi, le Jeudi saint 1918 était devenu pour nous un jour d'horreur, un jour de sacrifice sanglant», écrit J.P Robert. Parmi les victimes, il y avait notamment l'aubergiste et conseiller municipal Pierre Hentges, 65 ans, et le jeune livreur de journaux à l'imprimerie Bourg-Bourger, Peter Koos. Tous les deux ont été tués sur-le-champ par la cinquième bombe lancée par les Britanniques le 28 mars 1918. Une autre bombe est même tombée dans le jardin du facteur Johann Frieseisen (42 ans). Ce dernier n'a pas survécu à l'explosion. Deux enfants sont également morts, son fils François âgé de six ans et un enfant français placé du même âge. La femme du facteur a été légèrement blessée.

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Sur les 17 bombes, quatre ont réellement touché la cible prévue, à savoir la gare ferroviaire. Des bombes ont aussi explosé sur la voie ferrée. Trois personnes présentes dans un fourgon de train sont décédées suites aux éclats. Une autre bombe a gravement endommagé la ligne de chemin de fer Luxembourg-Metz. Notons qu'en 2022, la découverte de bombes datant de la Seconde Guerre mondiale avait fortement perturbé le trafic ferroviaire.

La seizième attaque aérienne

«De l'avis général, la police de Hollerich, grâce à l'initiative et à la prudence de son chef, est intervenue rapidement et activement lors de cet accident de bombe», rapporte J.P Robert dans son livre. Il indique ainsi que les blessés ont été transférés au cloître Zitha où ils ont été rapidement pris en charge. Les morts ont eux été vite enterrés. À 16 heures dans l'après-midi, les deux grandes-duchesses Marie-Anne et Marie-Adelheid se sont rendues sur les lieux du sinistre.

Le bombardement du Jeudi saint était déjà la seizième attaque depuis le début de la guerre sur les alentours de la capitale. Après huit jours de répit, 17 bombes ont été lâchées, comme lors du 28 mars à une hauteur de 2.000 à 3.000 mètres, au-dessus de la gare de la capitale le 5 avril 1918. Dix ont également touché le quartier de Bonnevoie. Contrairement au 28 mars, les sirènes d'alarme ont fonctionné à temps, fait savoir J.P Robert. Grâce à cela et au souvenir du précédent drame, «les passants ont réussi à se mettre à temps en sécurité». Cinq personnes n'y ont toutefois pas survécu: «Par mesure de sécurité, elles s'étaient immédiatement retirées à l'intérieur de la maison, mais furent mortellement touchées par des éclats de bombe au rez-de-chaussée.»

Lors du centenaire de la Première Guerre mondiale en 2018, l'historien Denis Scuto revenait sur l'impact de ce conflit au Luxembourg. Il rappelait que 136 bombardements des Alliés avaient visé des chemins de fer. Ces bombardements ont suscité l'incompréhension au Luxembourg:«Ils ont fait 53 morts et des centaines de blessés. Ces bombes ont pour la plupart du temps raté leur cible et ont touché des habitations»

Un monument inauguré en 1922 commémore les victimes civiles des attaques aériennes de Bonnevoie. Dans le quartier de Clausen, un monument (visible sur la vidéo) a également été érigé à la demande des habitants suite au bombardement des Anglais du 8 juillet 1918. Denis Scuto fait remarquer que sur ce monument est simplement écrit: «À la mémoire des victimes du bombardement du 8 juillet 1918». Une inscription qui n'évoque pas l'auteur des bombardements, en l'occurrence des Anglais. Et ce n'est pas un hasard selon l'historien luxembourgeois.

Dans le cimetière de Bonnevoie, un monument rend hommage aux victimes des bombardements aériens de la Première Guerre mondiale dans l'ancienne commune de Hollerich-Bonnevoie. Les bombes du bombardement du Jeudi saint en 1918 ont surtout touché les lotissements de Bonnevoie.

Dans le cimetière de Bonnevoie, un monument rend hommage aux victimes des bombardements aériens de la Première Guerre mondiale dans l'ancienne commune de Hollerich-Bonnevoie. Les bombes du bombardement du Jeudi saint en 1918 ont surtout touché les lotissements de Bonnevoie. © PHOTO: Guy Jallay

L'aviation à ses tout débuts

Lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, l'aviation est encore à ses tout débuts. En 1903, le « Scientific American Magazine» salue «l'exploit» des frères Wright (Orville et Wilbur) qui sont parvenus à effectuer le premier vol à bord d'un avion à moteur de 12 chevaux.

«Le premier vol au Luxembourg a eu lieu à Mondorf-les-Bains en 1910 grâce au directeur des Thermes Charles Bettendorf, un passionné de l'aviation. Il a réuni des pilotes, c'était une grande fête et l'intérêt a été porté même jusqu'à la famille grand-ducale», racontait René Thill, auteur de l'exposition 100 ans d'aviation au Luxembourg, l'été dernier à Virgule.

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