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Claude Turmes
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Tout, tout, tout sur la taxe CO2

Claude Turmes © PHOTO: Lex Kleren

Dans un mois pile, le Luxembourg imposera différemment la consommation d'essence, diesel, fuel et mazout, au nom de la protection pour le climat. Le ministre de l'Energie, Claude Turmes, démêle le vrai du faux.

Patrick Jacquemot

Jamais une population ne se satisfait de la levée d'un nouvel impôt. Et le Luxembourg n'échappe pas à la règle. Pourtant, le 1er janvier 2021, ni les particuliers, ni les entreprises ne pourront se soustraire à la taxe CO2. «Mais nous l'avons pensée avec une approche faite de solutions, d'actions. Et non pas comme une sanction fiscale» indique celui qui en a été l'un des principaux initiateurs, le ministre de l'Energie Claude Turmes (Déi Gréng). «L'idée n'est pas de vider les portefeuilles mais bien d'inciter chacun à réduire sa consommation d'énergies fossiles au profit d'autres sources d'énergie moins polluantes

Tout le monde passe à la caisse - VRAI ou FAUX

VRAI - Même discret (quelques cents par litre à l'heure de faire le plein de son réservoir automobile ou remplir sa cuve pour son chauffage domestique), l'impôt concernera l'ensemble de la société. Et Claude Turmes assume : «L'ambition nationale de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de -55% d'ici 2030 passe par cet effort collectif. Maintenir les énergies fossiles à bas prix n'encouragerait pas à changer nos - mauvaises- habitudes.»

Et le ministre écologiste d'enfoncer le clou : «Je crois que chacun a eu la preuve que tous les signaux environnementaux étaient passés au rouge : fonte des glaces, ouragans, sécheresse, incendies. Ne pas agir maintenant, c'est compromettre toute chance d'éviter un changement climatique désastreux pour la planète et l'homme». Même s'il sait que, forcément, la taxe n'obtiendra pas que des soutiens, le politique fait «confiance à la société luxembourgeoise pour bien en comprendre le sens et les bénéfices. Mais la jeune génération croit au changement de comportements et bouscule déjà les mentalités dans les familles pour aller dans le bon sens.»

Il s'agit d'une taxe injuste - VRAI OU FAUX

VRAI... et FAUX.- Oui, car comme la TVA elle pèse sur chacun sans prendre en compte le montant de ses revenus. Et non car, dès le départ, le gouvernement a souhaité que cette imposition «n'amplifie pas plus les disparités sociales». D'où l'introduction dès le budget 2021 de divers accompagnements financiers orientés vers les ménages à revenus modestes. Car cette taxe CO2 engendrera en moyenne une dépense supplémentaire de 150€ par foyer sur une année.

Le tabac en pâtira

Si la taxe CO2 a un effet dissuasif sur le «tourisme à la pompe», immanquablement les ventes de tabac devraient diminuer dans la foulée. Le gouvernement estime que les ventes de cigarettes pourraient baisser de 3% en 2021. Soit possiblement 20 millions d'accises en moins dans les recettes publiques l'an prochain.

A titre de compensation, l'Etat a donc choisi de rehausser le plafond des crédits d'impôts pour les salariés, pensionnés ou indépendants les moins fortunés mais aussi de relever de 10% l'allocation de vie chère. Cela dès le 1er janvier 2021, et en dehors de la hausse du salaire social minimum prévue à cette même date.

«Nous avons étudié des compensations calibrées pour que la fiscalité verte ne soit pas perçue comme pénalisante pour la partie la plus fragile de notre population», insiste Claude Turmes. Un effort conséquent d'ailleurs, «disons une cinquantaine de millions d'euros».

Les entreprises paieront l'addition - VRAI ou FAUX

FAUX - Les plus impactés par l'introduction d'une taxe CO2 au Luxembourg, ne seront ni les habitants, ni le tissu économique. La mesure pèsera bien plus sur les étrangers, à commencer par les routiers ou les frontaliers attirés au Grand-Duché par le tourisme à la pompe. A eux seuls, ils devraient permettre à l'Etat de récolter, l'an prochain, 55% des 140 millions d'euros de recettes attendues (77 millions).

Le restant de l'effort sera ensuite supporté par les entreprises (23%) puis les ménages. «Mais les gros industriels (comme la sidérurgie) ne seront pas impactés par cet impôt, car depuis plusieurs années déjà ils sont assujettis à un système de compensation de leurs émissions mais à l'échelle internationale», rappelle Claude Turmes. De même, choix a été fait d'exonérer de taxe carbone les activités agricoles et forestières du pays.

Au final, pour 2021, sur les 33 millions de rentrées fiscales liées à cette nouvelle taxe attendus de la part des entreprises, les sociétés les plus impactées devraient être celles du transport routier. Leurs dépenses de fonctionnement augmentant de fait de 0,4%, a calculé le Statec. «Mais au final l'activité économique globale serait peu touchée, veut rassurer le ministre. Je le rappelle : l'idée est de déclencher des comportements plus durables et pas de se contenter d'un principe pollueur-payeur.»

Un effet nul sur l'environnement- VRAI OU FAUX

FAUX (mais à vérifier) - Une taxe peut-elle accélérer la transition énergétique? La majorité gouvernementale y croit. Et de savants calculs ont même permis aux techniciens des ministères de l'Energie et de l'Environnement d'en calculer l'impact. «Dans un premier temps, en 2021, les émissions de gaz à effet de serre baisseraient de -6% par rapport à une situation sans taxe CO2», rappelle Claude Turmes. Une proportion grimpant à -11% d'ici 2023. Bien certes, mais loin des - 55% attendus en une décennie.

En renchérissant les produits énergétiques dégageant le plus d'émissions nocives, le Luxembourg entend rendre les énergies alternatives relativement moins chères en comparaison. Et donc inciter les particuliers comme les sociétés à aller dans une voie plus écologiquement responsable. «Près de la moitié des montants récoltés via la taxe CO2 alimenteront d'ailleurs directement le Fonds climat énergie», rappelle le ministre écologiste.

Lire aussi :La rénovation énergétique surfe sur les aides

Autrement dit des millions d'euros iront soutenir les programmes déjà lancés d'aides (à la rénovation thermique, à la construction durable ou encore les primes à l'achat de véhicules hybrides ou électriques -autos ou vélos-, à la pose de bornes de recharge, au changement de mode de chauffage, à la pose de panneaux solaires, etc). «Comme certains de ces soutiens ont été doublés à l'occasion de la crise covid, on peut dire qu'il n'a jamais été aussi peu coûteux de faire les bons choix environnementaux», vante Claude Turmes. Y compris pour les entreprises qui sont encouragées, elles aussi, à prendre un virage vert via le plan Neistart Lëtzebuerg.

Avant de conclure que si le 1er janvier voit la taxe CO2 arriver, c'est aussi le moment choisi pour l'entrée en vigueur du taux de TVA «super réduit» de 3% sur les rénovations logements à partir de 10 ans ou encore les incitations fiscales lancées aux propriétaires pour rénover les logements placés en location. Pas sanction, on vous dit : actions!

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