Un homejacker arrêté après neuf ans en Serbie
Après un homejacking en 2013 à Belair, Izet Ajdinovic avait des espoirs légitimes de s'en sortir impunément. Mais il semble que les choses se soient passées différemment.
Le 6 mars 2013, une famille de cinq personnes avait été victime d'une bande de homejackers à Belair. © PHOTO: Shutterstock
(MKa avec Steve REMESCH) - Le crime ne paie pas. Car un jour ou l'autre, le passé nous rattrape. Izet Ajdinovic a déjà payé à plusieurs reprises un lourd tribut pour ses actes. Aujourd'hui, il est rattrapé par un crime qu'il aurait commis il y a neuf ans au Luxembourg et pour lequel il pouvait légitimement espérer rester impuni.
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Mais premièrement, les choses se passent rarement comme prévu, et deuxièmement, elles ne sont pas aussi simples qu'on le pense.
En 2016, Izet Ajdinovic a été l'un des deux premiers suspects que le Luxembourg a fait inscrire sur la liste des criminels les plus recherchés d'Europe. © PHOTO: eumostwanted.eu
Lorsque, vers 20h30 le soir du 6 mars 2013, un couple rentre chez lui dans la rue Jean Schoetter à Belair, un homme masqué apparaît soudainement devant leur porte d'entrée. Il pointe un pistolet sur le visage du père de famille de 44 ans et leur siffle alors: «Ouvre la porte, donne-nous l'argent et il n'arrivera rien à ta famille».
Une famille de cinq personnes prise en otage
Avec trois autres complices, le criminel pénètrera ensuite dans la maison. Le père sera menotté à l'extérieur et les enfants de cinq, douze et quinze ans seront également maîtrisés et retenus avec leur mère au rez-de-chaussée. Pour qu'ils ne puissent rien voir, on leur mettra des couvertures sur la tête. Pendant ce temps, le patriarche sera contraint de désactiver le système d'alarme et d'ouvrir le coffre-fort.
Les malfaiteurs semblent sur le moment parfaitement préparés et procéder de «manière professionnelle». Mais ils s’étaient trompés sur un point: eux qui s'attendaient à trouver un gros butin chez le père, un hôtelier connu, et sa famille; n'emporteront finalement «que» 8.500 euros, quelques pièces d'or, deux montres, deux iPads, trois téléphones portables, les clés d'une Audi Q5 et une arme à feu.
Mais il n'y aura bientôt plus aucune trace de professionnalisme: les iPads seront utilisés par les malfaiteurs quelques jours plus tard seulement et localisés par la police. De l'ADN sera également retrouvé sur une partie arrachée d'un gant et des objets volés saisis lors de perquisitions au domicile des suspects. L'un des prévenus a par ailleurs déjà travaillé dans un hôtel appartenant à l'homme d'affaires agressé.
Sept auteurs, six devant le tribunal
Les auteurs se révèleront être un groupe hétéroclite de sept personnes originaires de Guinée-Bissau, du Portugal et du Monténégro. Il s'avère en outre qu'ils ont préparé leur acte pendant des mois et qu'ils avaient observé la famille de la victime pendant des semaines. Six d'entre eux seront arrêtés, seul l'un d'entre eux parvient à se cacher en Serbie: Izet Ajdinovic.
Lors du procès, deux ans plus tard, les accusés attribueront largement le rôle principal au septième homme. Ajdinovic aurait imposé au groupe d'agresseurs d'attaquer la famille et les enfants plutôt que de les voler lors d'un simple cambriolage. Il aurait d’ailleurs précisé qu'il avait déjà commis un tel homejacking.
Au moment du procès, l’absent à la barre ne pouvait pas contribuer à sa défense. Il était en effet détenu en Serbie pour une autre affaire pénale: en mai 2014, il aurait tiré sur un homme de 27 ans à Novi Pazar. Et comme la Serbie n'a pas signé de convention d'extradition avec le Luxembourg, la justice locale refusera de l'extrader vers le Grand-Duché.
Comme Ajdinovic ne s'abstient donc pas de son propre chef de participer au procès à Luxembourg, il ne sera pas jugé par contumace, mais devrait - à un moment donné - bénéficier d'un procès séparé.
De homejacker à Most Wanted
Peu de temps après son procès au Luxembourg, Izet Adjinovic sera libéré en Serbie. Les enquêteurs luxembourgeois réagissent et l'inscrivent sur la liste des criminels les plus recherchés d'Europe, nouvellement créée à l'époque. Mais tant qu'il reste en Serbie, il semble donc à l'abri de toute poursuite pénale pour l'affaire du Grand-Duché.
Mais ce dernier fera à nouveau les gros titres en Serbie et par la suite au Luxembourg, même si ce n'était certainement pas voulu. Alors qu'il se remettait d'une intervention médicale en Serbie, un homme armé est entré dans sa chambre d'hôpital devant des dizaines de témoins et a fait feu à trois reprises sur lui.
Il s'agit d’un homme de 27 ans sur lequel il avait lui-même tiré autrefois et qui cherchait à se venger. Le tireur a déclaré sur Facebook que, contrairement à la justice serbe, il n'a pas peur des criminels comme Ajdinovic.
Ce dernier survit et est condamné en 2017 à une peine de trois ans et demi de prison pour les tirs de 2014. Il a depuis purgé sa peine. Le homejacking à Belair semblait demeurer impuni.
Coup de théâtre le 1er avril
Il y a deux semaines à peine, un revirement surprenant a eu lieu, et pas seulement pour l'homme âgé de 51 ans. Comme le rapporte le portail d'informations serbe Blic, les forces spéciales ont arrêté Izet Ajdinovic à Novi Pazar. La justice locale a en effet pour objectif d'inculper et de condamner Ajdinovic devant un tribunal serbe pour les faits commis il y a neuf ans à Luxembourg-Belair, une première qui doit servir d'exemple.
L'une des photos d'Izet Ajdinovic avait été extraite par les enquêteurs de la police judiciaire de son profil Facebook, sur lequel il s'affichait bon vivant, loin des regards de la justice luxembourgeoise. © PHOTO: eumostwanted.eu / LW-Archiv
Il s'agit d'un principe que la justice luxembourgeoise a déjà appliqué à plusieurs reprises lorsque des suspects ont été identifiés après un crime grave, mais que les tribunaux luxembourgeois ne peuvent pas les arrêter. Les dossiers d'enquête luxembourgeois sont alors transmis aux autorités du pays concerné.
En cas d'inculpation, les enquêteurs, les experts et même les juges d'instruction peuvent y témoigner lors du procès. Le pays concerné est toutefois entièrement libre d'engager ou non des poursuites dans le cas luxembourgeois. Dans le cas d'Izet Ajdinovic, cela semble être le cas.
Quand le Luxembourg dénonce
Le cas du légendaire «parrain de Liège», Marcel Habran, qui était à la tête d'une bande à la gâchette facile qui, au tournant du millénaire, a commis des attaques contre des transports de fonds en Belgique et au Luxembourg, ainsi qu'un vol sur la piste d'atterrissage du Findel, en est un exemple frappant.
Lors du procès de sa bande en 2012, des enquêteurs et un juge d'instruction luxembourgeois ont également témoigné. Mais Habran ne sera condamné que pour les vols commis en Belgique.
Il s'en est pourtant fallu de peu pour que les forces de sécurité luxembourgeoises n'arrêtent Marcel Habran et sa bande au Luxembourg. En effet, une vidéo de 28 minutes montrant le «parrain» et des complices en train de préparer un braquage dans un centre commercial au Kirchberg est projetée lors du procès.
Des unités spéciales sont à l'affût, mais la bande renonce au dernier moment au braquage. Elle a dû être informée que la police luxembourgeoise les avait dans le collimateur.
Malgré sa condamnation à 15 ans de prison en 2016, alors âgé de 82 ans, Marcel Habran a été libéré en raison de son âge.