«Un suicide en prison, cela arrive une fois par an»
Ce lundi, un détenu s'est donné la mort dans sa cellule à Schrassig. L'administration pénitentiaire explique de son côté mettre tout en œuvre pour éviter de tels drames, bien que le risque zéro n'existe malheureusement pas.
En 2014, il ressortait d'une étude que le Luxembourg était le pays d'Europe au taux de suicide en prison le plus élevé. © PHOTO: Shutterstock
Ce lundi, les agents du centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL) découvraient le corps, sans vie, d'un détenu dans sa cellule. Une autopsie était diligentée dans la foulée. Si la thèse du suicide n'a pas encore été confirmée, il y a fort à parier que c'est vers cette conclusion que l'on se dirige. C'est ce que croit savoir Serge Legil, directeur de l'administration pénitentiaire luxembourgeoise. «Laissons toutefois les experts faire leur travail afin d'en avoir la confirmation et faire la lumière complète sur ce qu'il s'est passé. Tout ce que je peux ajouter sur les faits, c'est qu'il s'agissait d'un détenu qui était seul dans sa propre cellule fermée et qui ne se trouvait pas depuis longtemps dans le centre pénitentiaire.»
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Baignant dans le milieu carcéral depuis de nombreuses années, ce dernier sait à quel point les suicides en prison sont une réalité, même dans des pays développés comme les nôtres. «À chaque suicide, c'est le constat d'échec qui prédomine», reconnait d'emblée Serge Legil. «Oui, les suicides en prison, cela arrive régulièrement. Cela dit, l'intervalle de temps entre chaque suicide est assez espacé. Ici, dans les établissements pénitentiaires luxembourgeois, je dirais que cela arrive une fois par an.» C'est mieux qu'auparavant. Notre interlocuteur se souvient d'une année 2007 particulièrement endeuillée où douze détenus avaient décidé de mettre fin à leurs jours.
Un milieu coercitif qui peut peser sur le moral
Pourquoi ceux-ci en viennent-ils à commettre l'irréparable? Le drame de lundi aurait-il pu être évité? Pour le directeur de l'administration pénitentiaire luxembourgeoise, les causes d'un passage à l'acte peuvent être nombreuses. «Cela dit, nous faisons ce qui est en notre pouvoir pour les éviter. Nous avons ainsi un service psychiatrique compétent ainsi qu'un service psychologique interne qui ont l'habitude de ce genre de contexte. On offre donc aux détenus toute l'aide et l'appui possible. Après, en raison du secret médical, il est difficile de savoir si ces services sont fort sollicités ou non par les détenus», explique-t-il, tout en reconnaissant que le milieu carcéral particulièrement coercitif peut parfois peser sur le moral des personnes plus fragiles psychologiquement.
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Il n'y a en tout cas pas de profil-type des personnes décidant de se donner la mort derrière les barreaux. «Il y a des personnes qui se sont suicidées alors qu'elles se trouvaient dans le centre pénitentiaire depuis plusieurs années, parfois une vingtaine d'années, et d'autres qui sont passées à l'acte à la suite d'un incident familial comme le décès d'un proche ou un divorce.»
Une statistique interpellante
En 2014, il ressortait d'une étude que le Luxembourg était le pays d'Europe au taux de suicide en prison le plus élevé: sur 100.000 prisonniers, 31 se donnent la mort. Une statistique assez étonnante au regard du fait que les prisonniers luxembourgeois sont soumis à un régime nettement plus favorable que les détenus d'Europe du Sud ou de l'Est, là où les prisons sont encore bien plus surchargées. «A l'époque, la surpopulation carcérale était très prononcée. En 2007 par exemple, je me souviens d'un pic de 722 détenus, 200 de plus que la norme. Cela a accentué le mal-être d'énormément de détenus. La situation est moins marquée aujourd'hui. Hier (mardi, NDLR), nous étions à 600 détenus pour une prison qui a été construite pour 580 détenus», explique-t-il.
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C'est dans ce contexte que le projet d'une nouvelle prison à Uerschterhaff, dans la commune de Sanem, a vu le jour. Ce nouvel établissement sera notamment dédié à la détention provisoire, pour les personnes en attente de leur procès. La prise en charge est complètement différente dans ce type d'établissement, car il y a beaucoup plus de mouvements, contrairement à un centre pénitentiaire exclusivement fermé comme c'est le cas à Schrassig.
L'ouverture de la prison de Sanem est ainsi prévue à la fin de ce mois-ci, le 30 novembre plus exactement. «On ose espérer déconcentrer la population carcérale de Schrassig, de sorte que la surpopulation carcérale ne soit plus un facteur favorisant les suicides en prison. De mon côté, je comprends les doléances des prisonniers à 100% et on continue d'apporter une attention toute particulière aux séparations entre les détenus fumeurs et non fumeurs, vieux et jeunes, ceux issus de communautés rivales, etc. Cela dit, après la pandémie, il y a eu une recrudescence de la criminalité et nous, nous n'avons pas le choix d'accueillir toutes ces personnes.»
L'inflation se fait aussi ressentir en prison
La hausse des prix de ces derniers mois ne connaît pas de frontières et a même traversé les barreaux des prisons, y compris au Luxembourg. «Les détenus ressentent clairement cette inflation», note Serge Legil. «Ceux-ci ont pour habitude d'acheter des produits de la vie quotidienne comme des articles d'hygiène, du café, du thé, du sucre, des biscuits, etc. Bref, des produits victimes de l'inflation.»
C'est ainsi que l'administration pénitentiaire réfléchit actuellement à une augmentation du salaire des détenus. «Les revenus de ces derniers étant assez limités, il vaut mieux prévenir le plus tôt possible. On travaille donc sur le budget afin d'offrir un pécule de base plus avantageux pour chaque détenu, mais on souhaite également augmenter le plafond d'achat à 120€ par semaine contre 100€ à l'heure actuelle afin qu'ils puissent acheter les mêmes quantités qu'auparavant.»